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07/11/2024 | FRANCE | N°22TL22150

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 07 novembre 2024, 22TL22150


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2022 et 12 juin 2023, la société par actions simplifiée Distribution Casino France, représentée par Altius Concorde Avocats, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté n° PC 011 379 21 0050 du 30 août 2022 par lequel le maire de Sigean a délivré à la société civile immobilière Foncière Sigean un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un centre commercial Carrefour Market et d'un

hall composé de trois boutiques et services et la création d'un " drive " sur un terrain situ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2022 et 12 juin 2023, la société par actions simplifiée Distribution Casino France, représentée par Altius Concorde Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° PC 011 379 21 0050 du 30 août 2022 par lequel le maire de Sigean a délivré à la société civile immobilière Foncière Sigean un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un centre commercial Carrefour Market et d'un hall composé de trois boutiques et services et la création d'un " drive " sur un terrain situé avenue de Port la Nouvelle, lotissement les Aspres ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sigean une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt pour agir contre l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'à défaut de justificatifs, il n'apparaît pas que les règles de convocation et de bonne information des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial prévus aux articles R. 752-35 et R. 752-36 du code du commerce aient été respectées ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme auraient été signés par des personnes dûment habilitées ;

- la demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplète en l'absence d'une étude de trafic actualisée et de mesures pour assurer la sécurité des consommateurs contre le risque d'inondation ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce dès lors que le pétitionnaire n'a pas pris en compte les motivations de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 24 juin 2021 en ce qui concerne l'insertion architecturale et paysagère ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce en termes d'aménagement du territoire dès lors que le projet aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine, que la desserte du site par les nouveaux modes de transports apparaît insuffisante et qu'il est consommateur d'espace non artificialisé ;

- l'arrêté attaqué est également entaché d'une erreur d'appréciation au regard des mêmes dispositions en termes de protection des consommateurs en l'absence de mesures pour les protéger du risque inondation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, la commune de Sigean, représentée par la SCP HGetC Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Distribution Casino France une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société Distribution Casino France n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mai 2023 et 6 juillet 2023, la société civile immobilière Foncière Sigean, représentée par la SELARL Letang Avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Distribution Casino France une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la société requérante ne dispose pas d'un intérêt pour agir ;

- aucun des moyens soulevés par la société Distribution Casino France n'est fondé.

Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Renaudin, représentant la commune de Sigean,

- et les observations de Me Le Fouler, représentant la société civile immobilière Foncière Sigean.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Foncière Sigean a déposé auprès des services de la commune de Sigean (Aude) le 10 décembre 2021 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale par déplacement et extension d'un magasin à l'enseigne Carrefour Market pour une surface de vente de 3 500 m², une galerie commerçante de trois boutiques pour une surface de vente de 360 m² et création d'un " drive " de deux pistes de ravitaillement de 70 m² d'emprise au sol. La Commission nationale d'aménagement commercial a émis le 28 juillet 2022 un avis favorable à ce projet. Par un arrêté n° PC 011 379 21 0050 du 30 août 2022, le maire de Sigean a délivré à la société pétitionnaire le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. Par la présente requête, la société Distribution Casino France demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la régularité de l'avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

3. Si la société requérante soutient qu'il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués conformément aux dispositions mentionnées à l'article R. 752-35 du code de commerce, elle ne fait état d'aucun élément précis de nature à établir de telles irrégularités. Par suite, le moyen de la société Distribution Casino France tiré de ce que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial auraient été convoqués en méconnaissance des dispositions précitées du code de commerce doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce : " (...) Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 12 juillet 2022 au nom du ministre en charge du commerce a été signé par Mme A... B..., en sa qualité de cheffe du service du tourisme, du commerce, de l'artisanat et des services, emploi sur lequel elle a été nommée par arrêté du 30 septembre 2019. Conformément à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 visé précédemment, cette qualité l'habilitait à signer " l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ". Il ressort également des pièces du dossier que l'avis émis le 27 juillet 2022 au nom du ministre en charge de l'urbanisme a été signé par M. C... D..., en sa qualité de sous-directeur de la qualité du cadre de vie, au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature, emploi dans lequel il a été nommé par arrêté du 27 février 2020. Conformément à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, cette qualité l'habilitait également à signer " l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ". Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas établi que les avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme auraient été signés par des personnes dûment habilitées doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la composition du dossier de la demande d'autorisation :

6. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I. - La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / (...) / b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / (...) 5° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants (...) d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; (...) ".

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation du 30 avril 2021 du bureau d'études Emtis jointe à l'étude de trafic, que si cette dernière a été effectuée en 2017, les éléments qui en sont issus ne sont pas obsolètes et n'ont pas à faire l'objet d'une actualisation dès lors que la situation en termes de trafic n'a pas évolué significativement entre 2017 et 2021. En se bornant à relever l'ancienneté des comptages sans apporter de données permettant de remettre en cause les chiffres relatifs au trafic de cette étude, la société requérante n'établit pas que les éléments figurant dans l'étude de trafic jointe au dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale et retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial concernant les flux journaliers de véhicules générés par le projet reposent sur des faits matériellement erronés ou non actualisés. En outre, la société Distribution Casino France ne démontre pas qu'une éventuelle omission ou insuffisance du dossier, à la supposer fondée, n'aurait pas permis à la commission nationale puis au maire de Sigean de se prononcer de manière éclairée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande quant à l'évaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande, que le projet est situé en zone Ri2 et Ri 4 du plan de prévention des risques littoraux et d'inondation du bassin de la Berre sur la commune de Sigean, approuvé par arrêté du préfet de l'Aude du 31 octobre 2017, correspondant à un aléa modéré avec des hauteurs d'eaux inférieures à 0,50 mètre et à une zone hydro-géomorphologique potentiellement inondable. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le dossier de demande d'autorisation décrit les mesures prises pour assurer la sécurité des consommateurs, en particulier la création du plancher constitutif de surface de plancher à la côte 7,50 mètres du nivellement général de la France (NGF) correspondant à une surélévation de 0,6 mètre par rapport au niveau du terrain naturel. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande quant à la description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs par rapport au risque inondation doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce :

9. Aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la première demande soumise par la société Foncière Sigean, qui porte sur la création par déplacement et extension d'un supermarché exploité actuellement par la même enseigne, avait donné lieu à un avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial le 24 juin 2021 en raison notamment de l'insuffisante insertion architecturale et paysagère du projet dans son environnement. Il ressort également des pièces du dossier que la société pétitionnaire a fait évoluer son projet en ce qui concerne la prise en compte de l'insertion paysagère et architecturale, en proposant le renforcement de l'utilisation de la pierre locale sur la façade du bâtiment et la prise en compte de la perméabilisation des sols, par la transformation de places de stationnement en places perméables et la plantation d'arbres supplémentaires. Dans ces conditions, la société pétitionnaire a suffisamment pris en compte les motifs de l'avis défavorable rendu par la commission nationale sur sa première demande. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce doit être écarté.

En ce qui concerne le respect des objectifs et critères visés à l'article L. 752-6 du code de commerce :

11. L'article L. 750-1 du code de commerce dispose que : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; (...) / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux vise à autoriser la création d'un supermarché à l'enseigne Carrefour Market par déplacement et extension d'un magasin exploité par la même enseigne pour une surface de vente de 3 500 m², une galerie commerçante de trois boutiques pour une surface de vente de 360 m² et création d'un " drive " de deux pistes de ravitaillement de 70 m² d'emprise au sol au sein de la zone d'activité commerciale des Aspres. Si la société requérante soutient que le projet ne participe pas à l'aménagement commercial du fait qu'il est situé à 1,5 kilomètre du centre-ville, il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante au sein de la zone d'activité commerciale des Aspres et en continuité avec le tissu urbain de la commune de Sigean. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des attestations fournies à l'appui de la demande, que l'emplacement actuel du Carrefour Market sera repris par l'enseigne Marché aux affaires. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le projet ne va donc pas générer de friche commerciale. Enfin, si les communes de Sigean et de Port-la-Nouvelle se sont engagées dans le dispositif " Petites Villes de demain ", il ressort des pièces du dossier que les conventions valant opération de revitalisation du territoire ne prévoiront que des mesures relatives à la rénovation de bâtiments et au réaménagement des espaces publics et de la voirie Dans ces conditions, alors que le taux de vacance commerciale de la commune de Sigean est de seulement 8 % et que la population de la zone de chalandise a augmenté de 7,1 % entre 2008 et 2018, le projet autorisé ne présente qu'un impact limité sur les commerces alimentaires en centre-bourg. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine.

14. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet bénéficie d'une bonne desserte routière par un giratoire et deux entrées et sorties dissociées pour les véhicules légers et de livraisons. Il est par ailleurs facilement accessible par les piétons et cyclistes. Une desserte en transports en commun est assurée régulièrement par un arrêt de bus " les Aspres " desservi par la ligne 14. Au surplus, la communauté d'agglomération du Grand Narbonne prévoit la mise en service d'une seconde ligne de bus. Il ressort également des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que le trafic supplémentaire généré par le projet sera limité et qu'il est compatible avec la capacité des infrastructures routières existantes et notamment du giratoire. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aura un effet négatif sur les flux de transports.

15. Enfin, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision de dispense d'étude d'impact de l'autorité environnementale du 19 novembre 2021, que le projet, qui se situe sur une ancienne carrière ayant fait l'objet de remblais par des matériaux composites, réhabilite un terrain artificialisé prenant place dans un espace qualifié de friche industrielle. En outre, le projet prévoit environ 30 % de surface perméable, la quasi intégralité des places de stationnement devant être perméabilisée et des espaces verts étant prévus. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, en particulier s'agissant des critères énoncés au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, alors que les dispositions du V de cet article issues de cette loi, du fait de l'application de l'article 9 du décret du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols, n'ont pu être opposables qu'aux demandes déposées à compter du 15 octobre 2022. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet ne serait pas économe en matière de consommation de l'espace.

16. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet est de nature à compromettre l'objectif d'aménagement du territoire fixé par les dispositions du 1°) de l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de la protection des consommateurs :

17. Ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande, que le projet est situé en zone Ri2 et Ri 4 du plan de prévention des risques littoraux et d'inondation du bassin de la Berre sur la commune de Sigean correspondant à un aléa modéré avec des hauteurs d'eaux inférieures à 0,50 mètre et à une zone hydro-géomorphologique potentiellement inondable. Il ressort également des pièces du dossier que la société Foncière Sigean a prévu de porter le plancher du bâtiment à la côte 7,50 mètres NGF correspondant à une surélévation de 0,6 mètre par rapport au niveau du terrain naturel. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet est de nature à compromettre l'objectif de protection des consommateurs fixé par les dispositions du 3°) de l'article L. 752-6 du code de commerce.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 30 août 2022 par lequel le maire de Sigean a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale au profit de la société civile immobilière Foncière Sigean pour la réalisation d'un magasin à l'enseigne Carrefour Market de 3 500 m² de surface de vente par déplacement extension .

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sigean, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société Distribution Casino France et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société requérante le versement à la commune de Sigean et à la société Foncière Sigean, respectivement, d'une somme de 1 000 euros au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La société Distribution Casino France versera à la société Foncière Sigean une somme de 1 000 euros et à la commune de Sigean une même somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Distribution Casino France, à la commune de Sigean, à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation et à la société civile immobilière Foncière Sigean.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22150
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: Mme Nathalie Lasserre
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;22tl22150 ?
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