Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel la maire de Saussens s'est opposée, au nom de l'Etat, à sa déclaration préalable pour la division d'une parcelle en vue de bâtir, ainsi que la décision du 22 novembre 2019 par laquelle la maire a rejeté son recours gracieux.
Par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 4 avril 2022, le dossier a été attribué au tribunal administratif de Nîmes.
Par un jugement n° 2020301 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Dupey, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la maire de Saussens du 4 octobre 2019 ainsi que sa décision du 22 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la maire de Saussens et au préfet de la Haute-Garonne de prendre un arrêté de non-opposition à déclaration préalable et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de la déclaration préalable sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- la minute du jugement attaqué n'est pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé dans sa demande tenant à l'absence de recueil de l'avis du préfet de la Haute-Garonne ;
- le jugement est insuffisamment motivé et méconnaît l'article R. 741-2 du code de l'urbanisme s'agissant de la réponse au moyen tiré du vice d'incompétence ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en se prononçant sur la motivation en droit de l'arrêté en litige alors qu'elle ne contestait que sa motivation en fait ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté du 4 octobre 2019 aurait dû être édicté par le préfet et non par la maire dès lors qu'il existait un désaccord entre ces deux autorités ; le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve et commis une erreur de droit sur ce point ;
- l'arrêté ne vise pas les avis recueillis sur la déclaration préalable, notamment l'avis du préfet, en violation de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme ;
- l'avis de l'autorité préfectorale n'a pas été recueilli sur la déclaration préalable en méconnaissance du a) de l'article L. 422-5 du même code ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé en fait en ce qu'il ne précise pas les critères retenus par la maire pour établir son appréciation sur la situation du terrain ;
- la maire a commis une erreur d'appréciation en considérant que la parcelle se situait hors des parties actuellement urbanisées de la commune ; le tribunal administratif a commis la même erreur d'appréciation en écartant le moyen soulevé en ce sens.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 27 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Dupey, représentant l'appelante.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a déposé, le 20 septembre 2019, une déclaration préalable en vue de procéder à la division de la parcelle cadastrée (ANO)section A n° 609(ANO/), d'une superficie de 21 237 m2, située " Côte de Notre-Dame ", sur le territoire de la commune de Saussens (Haute-Garonne), pour en détacher un lot à bâtir. Par un arrêté du 4 octobre 2019, la maire de cette commune, agissant au nom de l'Etat, s'est opposée à cette déclaration préalable. Mme A... a formé, le 13 novembre 2019, un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, lequel a été expressément rejeté par la maire par une décision du 22 novembre suivant. Par la présente requête, l'intéressée relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande, initialement présentée devant le tribunal administratif de Toulouse, tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019 ainsi que de la décision du 22 novembre 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés. ". Selon l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Il ressort du point 2 du jugement attaqué que, pour répondre au moyen soulevé dans la demande tiré de l'incompétence de la maire de Saussens pour prendre l'arrêté d'opposition en litige, les premiers juges se sont référés aux seuls articles L. 422-1 et R. 422-1 du code de l'urbanisme, sans toutefois citer leurs dispositions, puis aux " cas de figure prévus au a) à d) et au f) à h) " ainsi qu'au " e) de ce même article ", alors que les articles L. 422-1 et R. 422-1 susmentionnés ne comportent pas de paragraphes c) à h) et qu'aucune autre indication dans le jugement en cause ne permettait à la requérante d'identifier les textes dont il était ainsi fait application. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par l'appelante sur le terrain de la régularité du jugement, l'intéressée est fondée à soutenir que le jugement contesté méconnaît sur ce point les exigences prévues par les articles L. 9 et R. 741-2 précités du code de justice administrative et à en demander l'annulation pour ce motif.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente (...) pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (...) / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. / (...) ". Aux termes de l'article R. 422-1 du même code : " Lorsque la décision est prise au nom de l'Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l'article R. 422-2 où elle émane du préfet. ". L'article R. 422-2 de ce code dispose que : " Le préfet est compétent (...) pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / (...) / e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16 ; / (...) ".
6. Il est constant que le territoire de la commune de Saussens n'était couvert ni par un plan local d'urbanisme, ni par un document en tenant lieu, ni par une carte communale à la date à laquelle a été pris l'arrêté en litige. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que le projet de division parcellaire présenté dans la déclaration préalable de Mme A... aurait fait l'objet d'un désaccord entre la maire de Saussens et le responsable du service de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne chargé de l'instruction de cette déclaration. Par suite et en application de la combinaison des dispositions précitées du code de l'urbanisme, la maire de Saussens était compétente pour se prononcer, au nom de l'Etat, sur la déclaration préalable dont s'agit. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire (...) est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; / (...) ".
8. Les dispositions précitées du a) de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme ne s'appliquent que lorsque le maire est compétent, en vertu du a) de l'article L. 422-1 de ce code mentionné au point 5 du présent arrêt, pour se prononcer sur la déclaration préalable au nom de la commune et non lorsque le maire est compétent pour le faire au nom de l'Etat. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la maire s'est compétemment opposée à la déclaration préalable en litige au nom de l'Etat. Par voie de conséquence, le moyen tiré de l'absence de recueil de l'avis du préfet de la Haute-Garonne ne peut qu'être écarté comme inopérant.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme : " La décision expresse prise (...) sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté. (...) ". Et aux termes de l'article A. 424-2 du même code : " L'arrêté prévu au premier alinéa de l'article A. 424-1 : / (...) / d) Vise les avis recueillis en cours d'instruction et leur sens. / (...) ".
10. L'appelante relève que l'arrêté contesté ne vise aucun avis recueilli au cours de l'instruction de sa déclaration préalable de division et notamment pas l'avis du préfet de la Haute-Garonne. Néanmoins, d'une part, il résulte de ce qui a été exposé au point 8 du présent arrêt que l'avis du préfet n'était pas requis en l'espèce et, d'autre part, la requérante ne précise pas quels autres services ou autorités auraient été amenés à rendre un avis sur sa déclaration préalable. Dans ces conditions, le moyen invoqué en ce sens ne peut qu'être écarté.
11. En quatrième lieu, selon l'article A. 424-3 du code de l'urbanisme : " L'arrêté indique, selon les cas : / (...) / b) (...) si la déclaration préalable fait l'objet d'une opposition ; / (...). ". Et selon l'article A. 424-4 du même code : " Dans les cas prévus aux b) à f) de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...). ".
12. L'arrêté litigieux rappelle l'objet de la déclaration préalable, reprend les termes des articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l'urbanisme et mentionne que le terrain se situe dans un vaste espace agricole et hors des parties actuellement urbanisées de la commune. La motivation ainsi énoncée est suffisamment explicite pour avoir permis à la requérante de comprendre les raisons de l'opposition de la maire à son projet de division et de les contester utilement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ". En outre, selon l'article L. 111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / (...) / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 101-2. ".
14. L'article L. 111-3 du code de l'urbanisme interdit en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées en dehors des parties urbanisées de la commune, c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il s'ensuit qu'en dehors des cas où elles relèvent des exceptions limitativement prévues à l'article L. 111-4, les constructions ne peuvent être autorisées lorsque leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune, il est notamment tenu compte de la géographie des lieux, de la desserte par des voies d'accès, de la proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune, du nombre et de la densité des constructions projetées, du sens du développement de l'urbanisation, ainsi que de l'existence de coupures d'urbanisation, qu'elles soient naturelles ou artificielles.
15. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies aériennes produites par les parties que la parcelle de Mme A..., d'une superficie de 21 237 m2, ne supporte aucune construction ni aucun aménagement. Elle constitue, avec deux autres parcelles de taille plus modeste accueillant chacune une maison, un compartiment triangulaire bordé par un ruisseau sur sa limite sud et par deux voies communales sur ses côtés est et ouest, lequel s'ouvre pour l'essentiel sur de vastes zones agricoles ou naturelles non bâties. Si ce triangle jouxte trois maisons à l'est et une autre, isolée, au nord-est, la seule présence de ces constructions éparses, séparées du terrain en litige par les voies communales et nettement détachées de l'alignement de maisons implantées le long de la route départementale au nord, ne permet pas de retenir que la parcelle de la requérante se situerait au sein d'un compartiment urbanisé de la commune. Par suite et alors même que le terrain d'assiette du projet serait desservi par les réseaux, l'opération litigieuse consistant à détacher un lot à construire sur la partie sud-est de ce compartiment aurait pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune. Si l'appelante a par ailleurs soutenu que son projet de division aurait pu être autorisé, à titre dérogatoire, comme répondant à l'intérêt de la commune, d'une part, il est constant qu'aucune délibération du conseil municipal n'est intervenue sur le fondement du 4° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme et, d'autre part, l'intérêt communal ainsi invoqué n'est pas caractérisé alors au demeurant que le projet de plan local d'urbanisme arrêté en 2018 prévoyait déjà de classer en zone agricole l'intégralité de ce secteur. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'arrêté d'opposition à déclaration préalable en litige procède d'une exacte application des dispositions citées au point 13 ci-dessus.
16.
Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel la maire de Saussens, agissant au nom de l'Etat, s'est opposée à sa déclaration préalable, ainsi que de la décision du 22 novembre 2019 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux présenté contre cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
17. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à l'appelante au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : La demande formée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse puis attribuée au tribunal administratif de Nîmes, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne et à la commune de Saussens.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL22514