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17/10/2024 | FRANCE | N°22TL22408

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 17 octobre 2024, 22TL22408


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A..., M. C... A..., M. B... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 par lequel le maire de Mas-de-Londres a sursis à statuer sur leur déclaration préalable présentée pour la division d'une parcelle en trois lots à bâtir, ainsi que de la décision du 30 avril 2021 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.



Par un jugement n° 2103338

rendu le 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande, ainsi que les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A..., M. C... A..., M. B... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 par lequel le maire de Mas-de-Londres a sursis à statuer sur leur déclaration préalable présentée pour la division d'une parcelle en trois lots à bâtir, ainsi que de la décision du 30 avril 2021 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2103338 rendu le 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande, ainsi que les conclusions présentées par la commune de Mas-de-Londres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2022, Mme D... A..., M. C... A..., M. B... A... et Mme E... A..., représentés par Me Pourret, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Mas-de-Londres du 1er février 2021 et sa décision du 30 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au maire de Mas-de-Londres de procéder à une nouvelle instruction de leur déclaration préalable et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Mas-de-Londres une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont commis des erreurs manifestes d'appréciation en estimant que les conditions d'un sursis à statuer étaient remplies à la date du certificat d'urbanisme et que le projet porterait atteinte à l'exécution du futur plan local d'urbanisme ;

- l'arrêté de sursis à statuer en litige est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme en ce que l'élaboration du futur plan local d'urbanisme n'était pas suffisamment avancée à la date du certificat d'urbanisme ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que la division parcellaire projetée n'est pas de nature à porter atteinte à l'exécution du futur plan local d'urbanisme : la parcelle est située dans une partie urbanisée de la commune, les orientations invoquées par le maire sont trop générales et le projet demeure d'une ampleur modeste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2023, la commune de Mas-de-Londres, représentée par la SCP VPNG, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 30 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Pourret, représentant les requérants,

- et les observations de Me Souici, représentant la commune.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A... a sollicité, le 27 juin 2019, un certificat d'urbanisme en vue de la construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée (ANO)section A n° 849(ANO/), située au lieu-dit " Truq des Vignes ", sur le territoire de la commune de Mas-de-Londres (Hérault). Le maire de cette commune a constaté, le 2 septembre 2019, l'existence d'un certificat tacite né le 27 août 2019, tout en précisant à l'intéressée qu'un sursis à statuer pourrait être opposé en cas de présentation d'une déclaration préalable ou d'une demande de permis de construire en raison de l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune. Par un arrêté pris le 10 mars 2020, le maire de Mas-de-Londres a accordé à Mme A... un permis de construire pour réaliser une maison individuelle sur ladite parcelle. L'intéressée a déposé, le 6 juillet 2020, une déclaration préalable en vue de procéder à la division de la même parcelle en trois lots. Par un arrêté du 3 septembre 2020, le maire s'est opposé à cette déclaration préalable au motif que le projet était subordonné à la mise en service d'une nouvelle station d'épuration. Mmes et MM. A... ont présenté, le 2 décembre 2020, une nouvelle déclaration préalable pour procéder à la division de la même parcelle en trois lots. Par un arrêté du 1er février 2021, le maire a prononcé un sursis à statuer sur cette déclaration préalable, pour une période de deux ans, au motif que l'opération serait de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Le recours gracieux introduit par les intéressés contre ce dernier arrêté a été rejeté par le maire par une décision du 30 avril 2021. Par la présente requête, Mmes et MM. A... relèvent appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 ainsi que de la décision du 30 avril 2021.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Les appelants soutiennent que le tribunal administratif aurait commis des erreurs manifestes d'appréciation en estimant que les conditions d'un sursis à statuer étaient remplies à la date du certificat d'urbanisme et que leur projet porterait atteinte à l'exécution du futur plan local d'urbanisme. De tels moyens relèvent cependant du contrôle du juge de cassation et non pas de celui du juge d'appel, auquel il appartient de se prononcer directement, dans le cadre de l'effet dévolutif, sur la légalité de l'arrêté et de la décision du maire de Mas-de-Londres.

3. L'article L. 424-1 du code de l'urbanisme dispose que : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) / Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ". L'article L. 153-11 du même code mentionne que : " (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables. ".

4. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande d'autorisation d'urbanisme, sur le fondement de ces dispositions, que lorsque l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau plan local d'urbanisme permet de préciser la portée exacte des modifications projetées, sans qu'il soit cependant nécessaire que le projet de plan ait déjà été rendu public. Il ne peut en outre être opposé qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération projetée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.

5. L'article L. 410-1 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération (...). / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ".

6. Les dispositions précitées ont pour effet de garantir à la personne à qui a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande d'autorisation, présentée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de délivrance de ce certificat. Parmi ces dispositions figure la possibilité, lorsqu'est remplie, à la date du certificat, la condition énoncée à l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, d'opposer un sursis à statuer à une demande concernant un projet qui serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du plan local d'urbanisme.

7. En l'espèce, ainsi qu'il a été indiqué au point 1 du présent arrêt, les requérants ont présenté la déclaration préalable en litige le 2 décembre 2020, soit dans le délai de dix-huit mois suivant la naissance du certificat d'urbanisme tacite intervenu le 27 août 2019, lequel portait sur la même parcelle. Par voie de conséquence et en application des principes rappelés ci-dessus, le maire de Mas-de-Londres ne pouvait légalement opposer un sursis à statuer sur cette déclaration préalable que si les conditions d'un tel sursis se trouvaient remplies à cette dernière date.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 3 juin 2015, le conseil municipal de Mas-de-Londres a prescrit la révision générale du plan d'occupation des sols de la commune et l'élaboration d'un plan local d'urbanisme et que, lors de la séance du 28 mars 2017, les membres de cette assemblée ont tenu un débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables. Il ressort notamment de la délibération relatant ce débat que l'axe 7 de ce projet prévoyait de " privilégier la densification urbaine en permettant la constructibilité des dents creuses en cohérence avec le bâti existant ". Dans cette perspective, la commune a recensé au sein de ses parties actuellement urbanisées l'ensemble des parcelles susceptibles de supporter de nouvelles constructions et a pu identifier un potentiel de 5,56 hectares de dents creuses et de terrains divisibles, permettant d'envisager la réalisation de 56 nouveaux logements et de couvrir ainsi l'ensemble des besoins nécessaires pour accueillir les 145 nouveaux habitants projetés à l'horizon 2030. La carte de synthèse établie le 27 mars 2017 pour être annexée au projet d'aménagement et de développement durables définit au moyen de pointillés rouges les limites de la " tache urbaine " ou de la " partie actuellement urbanisée " au sein de laquelle le développement urbain a vocation à se concentrer. Eu égard à la précision de l'orientation ainsi retenue et de sa traduction graphique, les travaux d'élaboration du futur plan local d'urbanisme avaient atteint, à la date de naissance du certificat d'urbanisme tacite le 27 août 2019, un état d'avancement suffisant pour permettre au maire de prononcer un sursis à statuer. La seule circonstance que, postérieurement à cette date, le conseil municipal a débattu à nouveau des orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables le 7 décembre 2020 n'est pas de nature à révéler par elle-même un abandon du parti d'urbanisme initial ou un avancement insuffisant de la procédure le 27 août 2019, alors au demeurant que les modifications adoptées le 7 décembre 2020 ont consisté pour l'essentiel à mettre à jour les indicateurs de population et les surfaces disponibles, que la commune a réaffirmé sa volonté de maîtriser le foncier et de lutter contre l'étalement en privilégiant la densification urbaine et que la carte de synthèse actualisée a maintenu les mêmes limites pour l'extension urbaine.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces annexées à la déclaration préalable du 2 décembre 2020 que le projet des appelants consiste à diviser en trois lots constructibles la parcelle cadastrée section A n° 849, laquelle présente une surface de 2 500 m2 et se situe en périphérie nord de la partie agglomérée de la commune. La parcelle en litige se trouve en dehors de la " tache urbaine " ou " partie actuellement urbanisée " telles que représentées sur la carte de synthèse du projet d'aménagement et de développement durables soumise à l'examen de l'assemblée délibérante le 28 mars 2017. Il ressort au demeurant de l'ensemble des plans et photographies versés au dossier que, bien que jouxtant un lotissement récent sur sa limite sud et proche d'une autre construction sur sa limite sud-ouest, la parcelle des requérants est bordée sur ses côtés est, nord et nord-ouest par de vastes étendues agricoles et naturelles dépourvues de toute construction. Eu égard à la précision de l'orientation retenue par le conseil municipal, telle que rappelée au point précédent, ainsi qu'à la localisation de la parcelle et à sa taille significative, le maire a pu légalement estimer que le projet de division en vue de bâtir présenté par les appelants était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. La circonstance que Mme A... a obtenu un permis de construire pour la réalisation d'une maison sur la même parcelle le 10 mars 2020 est sans incidence sur le bien-fondé de l'appréciation portée par le maire sur l'opération de division litigieuse, le projet autorisé par ce permis étant d'une importance plus modeste et devant être implanté au plus proche de l'urbanisation existante. De même, la circonstance que le préfet de l'Hérault avait émis un avis favorable le 22 juillet 2020 sur le projet de division parcellaire au titre de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ne faisait pas obstacle à ce que le maire puisse surseoir à statuer sur la déclaration préalable au regard du futur plan local d'urbanisme.

10. Eu égard à l'ensemble des éléments exposés aux deux points précédents, le maire de Mas-de-Londres n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 410-1 et L. 153-11 du code de l'urbanisme en opposant le sursis à statuer en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mmes et MM. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2021 prononçant le sursis à statuer et de la décision du 30 avril 2021 rejetant le recours gracieux contre cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par les appelants et n'implique donc aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune intimée, laquelle n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser aux requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des appelants une somme de 1 500 euros à verser à la commune à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mmes et MM. A... est rejetée.

Article 2 : Mmes et MM. A... verseront solidairement à la commune de Mas-de-Londres une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., représentante unique pour l'ensemble des requérants, et à la commune de Mas-de-Londres.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL22408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22408
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : POURRET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22tl22408 ?
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