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08/10/2024 | FRANCE | N°23TL00122

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 08 octobre 2024, 23TL00122


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n°2101651 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, Mme A... B..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n°2101651 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, Mme A... B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation en ce que le préfet s'est abstenu à tort d'examiner sa demande d'autorisation de travail ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante turque née le 4 décembre 1978 à Sarkisla (Turquie), est entrée régulièrement en Allemagne le 14 juin 2014 sous couvert d'un visa de court séjour valable 16 jours et a déclaré être entrée en France le même jour. Le 28 août 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par arrêté du 9 novembre 2018, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Turquie, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier n°1900360 du 16 avril 2019, puis par une ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille n°19MA04971 du 17 février 2020. Le 29 juillet 2021, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale et au titre du travail. Par arrêté du 24 août 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " I.- Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-1 l'étranger résidant hors du territoire national ou l'étranger résidant en France et titulaire d'un titre de séjour prévu à l'article R. 5221-3 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault s'est prononcé sur la demande d'admission au séjour présentée par Mme B... en faisant état notamment de la production par l'intéressée d'une demande d'autorisation de travail, d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 13 janvier 2020 et d'une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée émanant de la même société. Le préfet a relevé sans commettre d'erreur de droit que l'intéressée était en situation irrégulière et ne justifiait pas d'un visa de long séjour, exigé par les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il n'était pas ainsi tenu d'instruire sa demande d'autorisation de travail en application des articles R. 5221-14 et R. 5221-15 du code du travail. Par ailleurs, le préfet a retenu qu'après examen de l'ensemble de sa situation, Mme B... ne justifiait pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Ainsi, le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... et n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. Si Mme B... soutient être entrée sur le territoire français le 14 juin 2014, elle ne produit aucune pièce permettant d'établir sa présence pour les années 2014 et 2015 et les pièces qu'elle verse au dossier concernant les années 2016 et 2017 sont insuffisantes pour justifier de la continuité de sa présence sur le territoire pendant cette période. De plus, si elle se prévaut de la présence en France de ses deux fils respectivement âgés de 26 et 23 ans, tous deux titulaires de titres de séjour, et du fait qu'un d'entre eux l'héberge, cette circonstance est insuffisante pour caractériser une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. En outre, le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 13 janvier 2020 et la promesse d'embauche datée du 1er août 2021 pour un poste d'employée administrative sont insuffisants pour établir une intégration professionnelle particulière sur le territoire. Enfin, Mme B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 9 novembre 2018, dont il est constant qu'elle n'a pas été exécutée et n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette mesure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

7. Compte tenu des éléments mentionnés au point 5 du présent arrêt, en considérant que Mme B... ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Eu égard aux motifs retenus au point 5 du présent arrêt, en édictant l'arrêté litigieux, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette mesure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 août 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL00122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00122
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23tl00122 ?
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