Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n°2203243 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, M. A... B..., représenté par la SCP Dessalces, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou en l'absence d'admission à l'aide juridictionnelle, de verser à l'appelant la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont retenu à tort qu'il était divorcé alors qu'au jour de l'arrêté attaqué, il était toujours marié ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et au regard du droit au procès équitable prévu par les stipulations de l'article 6-1 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant à tort estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En dépit de la mise en demeure lui ayant été adressée le 27 mars 2023 en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le préfet de l'Hérault n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juin 2023 à 12 heures.
Par une décision du 25 août 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 10 janvier 1966 à Casablanca (Maroc) est entré en France irrégulièrement à une date qu'il indique être le 10 janvier 2017. Le 25 janvier 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé et au titre de sa vie privée et familiale, sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 juin 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à cette demande, a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement, que le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de fait en retenant à tort qu'il était divorcé alors qu'il était toujours marié au jour de l'arrêté litigieux.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
6. Pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration le 20 mai 2022 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. B... se prévaut de deux certificats médicaux des 2 et 16 octobre 2018 faisant état de ce qu'il souffre d'une pathologie dégénérative majeure du membre inférieur droit altérant sa marche et de ce qu'il s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par une décision de la maison départementale des personnes handicapées de l'Hérault en juin 2019, qui a retenu un taux d'incapacité compris entre 50 et 79%. Toutefois, il ne ressort ni de ces pièces ni d'aucune autre pièce du dossier qu'au jour de l'arrêté attaqué, son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la possibilité pour M. B... d'accéder effectivement à une prise en charge médicale dans son pays d'origine, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait en raison de son état de santé.
7. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté litigieux, ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la situation de M. B.... Par suite, ce moyen doit également être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
9. En l'espèce, si M. B... est présent sur le territoire français depuis le premier trimestre de l'année 2017, il est toutefois constant que son entrée est irrégulière. Il se prévaut de la présence en France de sa fille, née le 9 janvier 2017 à Montpellier, qu'il a eu avec une compatriote en situation régulière. Au jour de l'arrêté litigieux, il était en instance de divorce et dans ce cadre, par une ordonnance de non-conciliation en divorce du 21 janvier 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montpellier a décidé de l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur l'enfant, a constaté l'impécuniosité de M. B..., a mis à la charge de son épouse une pension alimentaire à lui verser mensuellement au titre du devoir de secours, a fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile de sa mère et a instauré au profit de M. B... un droit de visite médiatisé d'un après-midi par semaine auprès de l'association Adages, pour une période de trois mois renouvelable une fois. Si M. B... soutient que son épouse fait obstacle à ce qu'il voie son enfant et produit à ce titre une attestation de l'association Adages selon laquelle l'intéressée ne s'est pas présentée à l'entretien préalable aux rencontres et que les trois visites organisées les 10 juillet, 24 juillet et 2 août 2019 n'ont pu avoir lieu, faute pour elle d'y avoir accompagné l'enfant, M. B... n'apporte toutefois aucun élément quant à l'exercice de son droit de visite pour les mois de février à juin 2019 et aux liens entretenus avec l'enfant avant la séparation du couple. De plus, s'il soutient avoir déposé une plainte pénale concernant la non-représentation de sa fille par son épouse, il se borne à produire deux courriers adressés au procureur de la République près le tribunal judiciaire, portant la mention manuscrite des dates des 12 novembre 2021 et 8 mars 2021 et ne précise pas quelles auraient les suites réservées à cette plainte. En outre, la demande qu'il a adressée le 10 février 2022 au juge aux affaires familiales pour la modification de son droit de visite et d'hébergement, bien qu'elle traduise une volonté de M. B... de voir sa fille, n'avait au jour de l'arrêté litigieux, le 8 juin 2022, fait l'objet d'aucune décision juridictionnelle. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que bien que participant à des cours d'apprentissage de la langue française depuis septembre 2021 et bénéficiant d'un dispositif d'accompagnement en qualité de demandeur d'emploi, M. B... ne justifie d'aucune insertion professionnelle depuis son entrée en France, est sans ressources propres et ne dispose pas d'un domicile fixe. De plus, il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 5 mars 2020, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier et une ordonnance de la cour administrative d'appel de Marseille, et dont il est constant qu'elle n'a pas été exécutée. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, M. B... n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale de sa pathologie était, au jour de l'arrêté litigieux, susceptible d'entraîner les conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette mesure. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
10. En cinquième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 9 du présent arrêt, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. D'une part, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. D'autre part, eu égard à ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 8 juin 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et, en tout état de cause, celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme C..., présente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL22136