Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, a fixé son pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.
Par un jugement n° 2200892 du 14 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Bazin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Bazin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 28 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 avril 2024.
Par décision du 19 avril 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lasserre, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 12 juin 1994, soutient être entrée en France en janvier 2021 en compagnie de deux de ses enfants mineurs. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 novembre 2021. Par arrêté du 31 janvier 2022, le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de quatre mois. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
3. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que cette dernière comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et notamment les dispositions des articles L. 611-1 4° et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique également que, par décision du 31 mai 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 16 novembre 2021, a rejeté sa demande d'asile et mentionne l'avis de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 juillet 2021. Par suite, le préfet de l'Hérault n'a entaché la décision en litige ni d'un défaut de motivation ni d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation.
4. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que le préfet ne pouvait prendre une mesure d'éloignement à son encontre dès lors qu'elle a présenté une demande de titre de séjour dont la préfecture lui a confirmé le dépôt le 21 avril 2021, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Toutefois, alors que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que son état de santé exige des soins dont le défaut ne devrait pas avoir de conséquence d'une gravité exceptionnelle, l'appelante n'apporte aucun élément probant de nature à contredire cet avis en se bornant à produire un compte-rendu de consultation pour une hépatite B chronique non traitée et une attestation d'un psychologue indiquant qu'un suivi psychothérapique est nécessaire. Par suite, et dès lors que Mme B... n'entre pas dans le champ de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, le préfet a pu légalement obliger Mme B... à quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en janvier 2021 à l'âge de 26 ans en compagnie de deux enfants mineurs, nés en Allemagne. Sa demande d'asile, ainsi que celles de ses enfants, ont été rejetées définitivement par la Cour nationale du droit d'asile le 16 novembre 2021. Il ressort des pièces du dossier qu'elle est également mère d'un troisième enfant né lui aussi en Allemagne et que le père de ces enfants ne vivait pas en France à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme B..., et alors même que le père de ses enfants a présenté une demande d'asile le 11 mars 2022, soit postérieurement à la date d'édiction de la décision en litige, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée porterait au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Il ressort des pièces du dossier que les enfants mineurs de la requérante ont la nationalité nigériane. Il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas retourner au Nigéria avec leur mère dès lors que leurs demandes d'asile ont été rejetées. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père des enfants résiderait avec eux et qu'il s'occuperait de ses enfants. Par suite, et alors même que ce dernier a sollicité l'asile en France postérieurement à la date d'édiction de la décision en litige, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne les autres décisions :
9. Mme B... reprend en appel, sans aucun élément nouveau, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit, d'un défaut de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation, de ce que la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01253