Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°2202983 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Todorova, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 de la préfète du Gard ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Gard de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est entaché d'une erreur de fait, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit quant à l'avis du service de la main d'œuvre étrangère ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux dès lors qu'il y a une erreur sur son patronyme et sur sa date de naissance ;
- la préfète du Gard a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en exigeant qu'il apporte la preuve de la régularité de son séjour et de son entrée en France ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à la preuve de l'ancienneté et de continuité du séjour ;
- la préfète du Gard a commis une erreur de droit en prenant en considération le fait que le service de la main d'œuvre étrangère ne pouvait émettre un avis favorable à sa régularisation alors qu'une demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail ;
- le refus de le régulariser au titre du travail est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de le régulariser au titre de la vie privée et familiale est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- l'appelant ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester le refus opposé à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre d'une activité salariée dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants marocains ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2023.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Teulière, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 6 janvier 1976, qui a déclaré être entré en France au cours de l'année 2006, a sollicité, le 24 janvier 2022, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié et au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 1er septembre 2022, la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2202983 du 6 décembre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. B... ne peut donc utilement se prévaloir d'erreurs manifestes d'appréciation ou d'une erreur de fait qu'auraient commises les premiers juges.
3. D'autre part, le tribunal doit être regardé comme ayant répondu au moyen tiré de l'erreur de droit tel qu'il était soulevé devant lui dès lors qu'il a mentionné, au point 12 du jugement entrepris, qu'il était loisible à la préfète du Gard, saisie d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en vue de la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour l'exercice d'une activité salariée, de solliciter l'avis de la direction régionale des entreprises de la concurrence de consommation du travail et de l'emploi, ce qui impliquait nécessairement la possibilité pour l'autorité préfectorale de prendre en compte ledit avis pour apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. Il résulte de ce qui a été au point précédent qu'il était loisible à l'autorité préfectorale de prendre en considération l'avis du service de la main d'œuvre étrangère pour apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit quant à la prise en compte d'un tel avis ne peut qu'être écarté.
5. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal au point 3 du jugement contesté.
6. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
7. M. B... soutient qu'il réside sur le territoire national depuis plus de dix ans. Toutefois, il ne justifie pas, par les éléments produits, d'une résidence habituelle en France sur la période allant de 2006 à 2012 ainsi que l'a relevé l'autorité préfectorale, mais également sur la période allant du mois d'octobre 2013 au mois de décembre 2014 et sur celle allant du mois d'octobre 2020 à la fin du mois de février 2021. Ainsi, faute d'établir qu'il résiderait en France de manière habituelle depuis au moins dix ans à la date de la décision contestée, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Gard aurait dû consulter la commission du titre de séjour sur le fondement des dispositions sus-rappelées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Portant sur la délivrance des catégories de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Eu égard au pouvoir discrétionnaire dont elle dispose sur ce point, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur la situation du demandeur.
9. En se prévalant de l'exercice d'une activité professionnelle au titre de la période allant de mars à septembre 2020 en qualité d'employé, sous couvert d'un contrat à durée déterminée, ainsi que, depuis le mois de décembre 2021 en qualité de cuisinier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet signé le 3 janvier 2022, et de la présentation de 14 bulletins de salaires sur les 24 derniers mois précédant l'édiction de la décision attaquée, M. B..., qui ne démontre pas une insertion professionnelle particulière, n'établit pas que l'autorité préfectorale aurait entaché son refus de procéder à la régularisation de sa situation en qualité de salarié d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Par ailleurs, s'agissant de la demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, ainsi qu'il a été dit au point 7, et alors au demeurant qu'une longue durée de séjour en France ne saurait constituer, en elle-même, une circonstance humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant une admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... ne justifie pas qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Si le requérant soutient qu'il n'a plus d'attaches familiales au Maroc et qu'à l'exception d'une de ses sœurs, qui séjourne régulièrement en Espagne, l'ensemble des membres de sa famille résident en France, cette circonstance ne saurait être regardée, en l'espèce, comme suffisant à caractériser une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire, sans charge de famille et qu'il n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches et ne pourrait vivre dans son pays d'origine où il a auparavant vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, la préfète du Gard n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires, ni ne se justifiait au regard de motifs exceptionnels.
11. S'il est exact que les dispositions précitées de l'article L. 435-1 n'exigent pas la preuve d'une entrée régulière d'un étranger sous couvert d'un visa de long séjour, l'autorité préfectorale n'a pas fondé son refus de régularisation sur le motif tiré d'une entrée irrégulière de M. B... sur le territoire français, lequel est surabondant. Par ailleurs, elle pouvait prendre en compte, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, dont l'absence de preuve de la continuité et de la régularité du séjour de l'intéressé.
12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Eu égard à ce qui a été dit au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., la préfète du Gard aurait porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a pris cette décision et qu'elle aurait ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale.
15. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 10 et 13, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en l'absence de tout élément particulier invoqué tenant à la mesure d'éloignement, être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
16. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision./L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. /(...) ".
17. En l'absence de circonstances particulières ou de tout élément de nature à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun de trente jours lui soit accordé, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant délai de départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète du Gard en date du 1er septembre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Todorova et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président de chambre,
M. Teulière, président-assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00130