Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2200189 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande d'admission au séjour, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté émane d'une autorité incompétente à défaut d'une délégation de signature régulière accordée à son signataire ;
- le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit en prenant en considération la possibilité qu'elle aurait de recourir à la procédure de regroupement familial dans le cadre de l'appréciation portée sur la gravité de l'atteinte à sa situation ;
- le jugement du tribunal administratif est irrégulier dès lors qu'il a opéré une substitution de motif qui n'était pas demandée par les parties ;
- compte tenu de l'atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, le préfet de l'Hérault a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 26 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2023.
Par décision du 9 novembre 2022, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- et les observations de Me Carbonnier, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 2 septembre 1986, entrée en France le 26 août 2018 selon ses déclarations, a sollicité le 2 septembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale en France. Par arrêté du 19 octobre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du point 6 du jugement attaqué que le tribunal administratif a seulement procédé à la neutralisation du motif tiré de la prise en compte dans l'appréciation sur la gravité de l'atteinte à la vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait que Mme C... relèverait d'une catégorie ouvrant droit au regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal a procédé à une substitution de motif non demandée par les parties doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. L'arrêté attaqué du 29 juin 2022 a été signé par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté n° 2021-I-809 du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 106 du 19 juillet 2021, le préfet de l'Hérault a accordé à M. Thierry Laurent une délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers sous réserve de certaines exceptions dont la réquisition de comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962. Si Mme C... soutient en cause d'appel que ce décret est abrogé, cette circonstance n'a pas pour conséquence de donner au secrétaire général de la préfecture délégation pour signer la réquisition des comptables publics. Par suite, cette délégation ne revêt pas un caractère trop général et le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
5. D'une part, contrairement à ce que soutient Mme C..., il ne ressort pas de la lecture de la décision attaquée que le préfet ait entendu lui opposer la circonstance qu'elle relèverait des catégories ouvrant droit au regroupement familial pour apprécier son droit au séjour au regard des stipulations de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté.
6. D'autre part, si Mme C... soutient être entrée en France le 26 août 2018 et résider depuis lors avec M. C..., elle ne l'établit pas en se bornant à produire un justificatif d'abonnement mentionnant que M. et Mme C... sont titulaires d'un contrat de fourniture d'énergie depuis le 7 février 2018 et ce, d'autant que son passeport comporte un tampon d'entrée à Barcelone (Espagne) à cette même date. S'il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est mariée le 13 mars 2021, ce mariage présente un caractère récent à la date de la décision attaquée. En outre, le seul courrier du Dr B... du 17 septembre 2020 adressant M. et Mme C... au centre hospitalier universitaire de Villeneuve pour une assistance à la procréation médicalement assistée ne permet pas de démontrer que ces derniers auraient débuté une telle assistance à laquelle la décision attaquée pourrait faire obstacle. Enfin, si Mme C... démontre que ces deux parents sont décédés et que sa sœur réside en Espagne, elle n'établit pas qu'elle serait dépourvue de toute attache en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans alors que, par ailleurs, elle ne démontre pas une insertion particulière dans la société française malgré son bénévolat au sein de l'association des Restos du cœur. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme C..., celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée porterait au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22561