Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2104447 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2023, et un mémoire en réplique du 11 septembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... représenté par Me Tercero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'un récépissé de demande de titre de séjour avec droit au travail dans le délai de quinze jours suivant la notification dudit arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter dudit arrêt ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de justifier auprès de lui ou de son conseil de l'effacement dans le système d'information Schengen de la mention de l'interdiction de retour prononcée à son encontre, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant l' absence de visa de long séjour alors qu'il demandait son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de la détention d'une promesse d'embauche en qualité de peintre en bâtiment, soit dans un métier en tension en Occitanie comme l'indique l'arrêté du 1er avril 2021 ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, mais avait sollicité sa régularisation au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ; le préfet n'a pas tenu compte du fait qu'il avait travaillé sans discontinuer depuis mai 2017, soit depuis trois années à la date de l'arrêté attaqué, ce qui démontrait son intégration en France ; la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- l'interdiction de retour d'un an sur le territoire, est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; cette décision se trouve par ailleurs disproportionnée alors même qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 17 août 2017.
Par un mémoire en défense du 24 avril 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M.B....
Le préfet soutient que la requête d'appel de M.B... est irrecevable dès lors que le jugement du 22 décembre 2022, lui a été notifié le 13 janvier 2023 et que la saisine du bureau d'aide juridictionnelle, le 14 février 2023, intervenue plus d'un mois après la notification du jugement, n'a pu rouvrir les délais de recours.
Par une décision du 8 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M.B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- les observations de Me Tercero, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 12 novembre 1978, est entré en France le 17 mars 2016 sous couvert d'un visa de long séjour valant premier titre de séjour pour une durée d'un an à compter du 24 février 2016, après son mariage célébré le 21 août 2015 avec une ressortissante française. Il a ensuite été muni d'un titre de séjour valable du 25 février 2017 au 24 février 2027, en qualité de conjoint de français. Par arrêté du 17 août 2017, le préfet de la Haute-Garonne a procédé au retrait de ce titre de séjour pour rupture de la vie commune, et a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 1705539 du 15 juin 2018 confirmé par un arrêt n° 18BX04043 du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 17 août 2017. M. B... a sollicité, le 29 avril 2020, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988.
2.Par un jugement du 22 décembre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, en vertu de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié ". ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". Selon l'article 11 de l'accord franco-tunisien: " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour ; 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an ; (...) ".Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 précité à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, au sens de l'article 11 de cet accord. Par suite, en écartant l'application à M. B..., au motif qu'il relevait de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis l'erreur de droit alléguée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".
6. Il résulte des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et du point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 annexé à cet accord, combinées avec les dispositions des articles L. 5221-2 et R. 5221-3 à R. 5221-14 du code du travail, que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat visé par les services en charge de l'emploi.
7. Le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé, pour refuser à M. B... sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, sur la circonstance que celui-ci n'était pas titulaire du visa de long séjour exigé par les dispositions des articles L.411-1 et L 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, et opposables aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 11 du même accord. Le préfet pouvait légalement refuser pour ce seul motif de délivrer le titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien dont M. B... s'était prévalu dans sa demande de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de l'absence de visa de long séjour. Dès lors, M. B... ne peut soutenir utilement que le préfet aurait commis une erreur de fait en mentionnant qu'il ne possédait aucune qualification pour l'emploi envisagé de peintre en bâtiment.
9. En quatrième lieu, pour prendre la décision en litige, le préfet s'est fondé sur les conditions d'entrée et de séjour de M. B... en France, sur la double circonstance que celui-ci ne détenait ni le visa de long séjour ni un contrat de travail visé par l'autorité compétente, sur la nature de l'emploi auquel l'intéressé postulait au regard de son expérience professionnelle qui a été regardée comme insuffisante. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les articles 3 et 11 de l'accord franco-tunisien en refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de cet article.
10. Les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour présentées par M.B... doivent donc être rejetées.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. Les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour étant rejetées, le seul moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, et tiré de son défaut de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour, doit être écarté. Il en résulte que les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doivent être également rejetées.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
12. En premier lieu, les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour et de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français étant rejetées, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français par suite de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger./ Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour./ (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français./ L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (...)/ (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France en mars 2016, a fait l'objet en août 2017 d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à laquelle il n'a pas déféré. Eu égard à la faible durée de sa présence en France en situation régulière, et à l'absence de liens particuliers sur le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne, en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la situation du requérant ni pris une mesure disproportionnée.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Garonne, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M.B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck,président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le greffier,
M-M. Maillat
Le président,
F.Faïck
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02962 2