Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 22 décembre 2022 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé d'abroger l'arrêté du 26 septembre 2018 rejetant sa demande de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par une ordonnance n° 2207403 du 25 mai 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 juin 2023, 26 septembre 2023 et 28 janvier 2024, Mme C... épouse B..., représentée par Me Chambaret, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, d'ordonner le renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Toulouse ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 22 décembre 2022 refusant d'abroger l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 26 septembre 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus d'abrogation est entachée d'un défaut de motivation en fait en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- c'est à tort que le premier juge a estimé que ce moyen de légalité externe était manifestement non fondé ;
- l'ordonnance ne fait pas état de l'ancienneté de son mariage avec son conjoint ;
- la décision portant refus d'abrogation est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en raison de la méconnaissance du droit à être entendu et c'est à tort que le premier juge a estimé que le moyen tiré de ce vice de procédure était manifestement infondé ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard du défaut d'examen particulier de sa situation ; ce moyen ne pouvait être regardé par le tribunal comme n'étant pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- compte tenu de ses liens anciens et personnels en France, la décision porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ce moyen ne pouvait être regardé comme n'étant manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- en outre, c'est à tort que l'ordonnance attaquée relève qu'elle n'a présenté aucune circonstance nouvelle pour solliciter l'abrogation de l'arrêté pris à son encontre dès lors qu'une telle condition n'est pas exigée à l'appui d'une demande d'abrogation ;
- la décision rejetant sa demande d'abrogation est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est uniquement fondé sur les dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabert, président,
- et les observations de Me Chambaret, représentant Mme C... épouse B....
Une note en délibéré, présentée par Mme C... épouse B..., représentée par Me Chambaret, a été enregistrée le 7 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., épouse B..., née le 20 septembre 1978, de nationalité marocaine, a sollicité les 25 mai, 26 juillet et 3 octobre 2022 l'abrogation de l'arrêté du 26 septembre 2018 pris à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par une décision du 22 décembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé d'abroger cet arrêté. Par la présente requête, Mme C... épouse B... relève appel de l'ordonnance du 25 mai 2023 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus d'abrogation.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation des jugements des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse comportait notamment un moyen tiré de l'atteinte excessive portée par la décision en litige au droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. S'il est vrai que la demande introductive d'instance ne comportait que la copie de la décision en litige, Mme C... épouse B... a produit ensuite des pièces relatives à la vie commune avec son époux, en particulier des avis d'imposition sur le revenu établis à leurs deux noms, et à son état de santé, notamment une ordonnance médicale du 27 mai 2022. Au regard des éléments ainsi produits, le moyen de légalité interne soulevé par l'intéressée à l'appui de sa demande ne pouvait être regardé comme étant manifestement non assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, en rejetant par ordonnance la demande de Mme C... épouse B..., le premier juge n'a pas fait une juste application des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité de l'ordonnance attaquée, que Mme C... épouse B... est fondée à en demander l'annulation.
5. Si l'appelante sollicite, à titre principal, le renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Toulouse, elle conclut également à titre subsidiaire à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne du 22 décembre 2022 en litige et le représentant de l'Etat a également conclu en appel au fond dans son mémoire en défense. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de Mme C... épouse B... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ". Il ressort clairement de ces dispositions que, si une personne intéressée peut demander l'abrogation d'une décision individuelle non créatrice de droits, dans l'hypothèse où elle est devenue illégale à la suite d'un changement de circonstances, elle ne peut, contrairement à un acte réglementaire, demander son abrogation au motif de son illégalité initiale, en dehors du délai de recours contentieux. Ainsi, si l'étranger, qui s'y croit fondé, peut demander à l'autorité administrative, sans condition de délai, l'abrogation d'une obligation de quitter le territoire français, il lui appartient de démontrer qu'un changement de circonstances de fait ou de la réglementation applicable est de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige.
7. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté les demandes d'abrogation de l'arrêté du 26 septembre 2018 vise les dispositions dont il a été fait application, à savoir l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration et précise les éléments de fait propres à la situation administrative en France de Mme C... épouse B.... S'il n'est pas fait état de la date du mariage de l'appelante avec son époux, une telle circonstance ne suffit pas à faire regarder la décision comme étant insuffisamment motivée au regard des exigences posées par les articles L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public l'administration.
8. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne, qui n'est pas tenu de faire état de tous les éléments avancés par l'étranger, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'appelante pour refuser d'abroger l'arrêté du 26 septembre 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français.
9. En troisième lieu, la décision en litige du préfet de la Haute-Garonne étant prise sur une demande présentée par Mme C... épouse B..., le représentant de l'Etat n'avait pas à mettre en œuvre une procédure contradictoire avant de se prononcer sur cette demande. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure en raison du non-respect du droit d'être entendu au préalable ne peut qu'être écarté comme inopérant.
10. En quatrième lieu, d'une part, compte tenu de ce qui a été exposé au point 6 du présent arrêt, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur de droit en appréciant si les éléments avancés par Mme C... épouse B... à l'appui de ses demandes étaient de nature à établir l'illégalité de l'arrêté dont l'abrogation est sollicitée en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction. D'autre part, si la requérante se prévaut de la poursuite de sa vie commune avec son époux avec qui elle s'est mariée le 16 janvier 2016 en produisant des avis d'impôt sur le revenu établis à leur nom, une telle circonstance ne suffit pas à démontrer que l'arrêté pris à son encontre le 26 septembre 2018 serait devenu illégal en raison d'éléments nouveaux survenus après son édiction. Enfin, alors que la pathologie dont souffre Mme C... épouse B... était déjà invoquée par l'intéressée à l'appui de sa demande de titre de séjour, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les problèmes de santé auxquels le couple se trouve confronté se seraient révélés ou aggravés depuis l'intervention de l'arrêté du 26 septembre 2018. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement refuser d'abroger cet arrêté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse B... s'est mariée en 2016 avec un compatriote qui réside régulièrement en France. Sa demande d'admission au séjour a été rejetée par l'arrêté du 26 septembre 2018 du préfet de la Haute-Garonne l'obligeant également à quitter le territoire français. La légalité de cet arrêté a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse par un jugement du 12 mars 2019 et par la cour administrative d'appel de Bordeaux par un arrêt du 21 octobre 2019. Alors qu'elle n'a pas exécuté la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, la seule ancienneté de sa vie commune avec son époux ne suffit pas à démontrer que le refus du préfet d'abroger l'arrêté du 26 septembre 2018 porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par ailleurs, en se bornant à faire état du diabète non insulino-dépendant de son époux et de la dysthyroïdie dont elle souffre et qui nécessite une prise en charge médicale, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, qu'elle ne pourrait être soignée au Maroc. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne portant refus d'abroger son arrêté du 26 septembre 2018 rejetant sa demande de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par l'appelante et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2207403 du 25 mai 2023 prise par le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : La demande de Mme C... épouse B... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
T. Teulière La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01517 2