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19/09/2024 | FRANCE | N°23TL00203

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 23TL00203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205419 du 4 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 19 janvier 2023 et le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Dujardin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205419 du 4 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2023 et le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Dujardin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 du préfet du Tarn ;

3°) d'ordonner au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cas d'admission à l'aide juridictionnelle ou à lui verser sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de non admission à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- en raison de l'ancienneté du rejet de sa demande d'asile et alors qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 20 avril 2022, la décision portant obligation de quitter le territoire français devait être fondée sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le tribunal administratif devait statuer en formation collégiale sur sa demande en application des articles R. 776-10 à R. 776-13 du même code ;

- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'arrêté en litige est suffisamment motivé et que les décisions prises à son encontre ne portent pas d'atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- il a dénaturé les éléments du dossier en estimant qu'il devait être regardé comme sollicitant une première carte de séjour temporaire ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- si l'arrêté a été pris au visa des articles L. 421-1 et L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " ou " travailleur temporaire ", le préfet aurait dû saisir pour avis les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et devait, à défaut, vérifier la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique ainsi que les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ;

- le préfet devait également examiner sa situation personnelle et familiale dans sa globalité et saisir les services en charge de l'emploi et du travail pour se prononcer sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en refusant son admission exceptionnelle au séjour, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard du même article ;

- en raison de la durée et des conditions de son séjour en France, il est en situation d'obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le refus opposé à sa demande a été pris en violation de ces dispositions et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de séjour est également sur ce point entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 421-1 et L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour " salarié " alors qu'il exerce une activité professionnelle depuis décembre 2019 ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la mesure d'éloignement est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision refusant son admission au séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation qui révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

-la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'emporte la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 7 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 juillet 2022, le préfet du Tarn a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., de nationalité albanaise né le 3 juin 1963, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 4 novembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 614-5 du même code, applicable à la date de l'arrêté contesté : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations ".

3. Les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle, dans l'hypothèse où un étranger, à qui a été refusée la reconnaissance de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire et qui a fait l'objet d'une ou, le cas échéant, de plusieurs obligations de quitter le territoire français fondées sur le 4° de cet article, a présenté une demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour, à ce que l'autorité administrative assortisse le refus qu'elle est susceptible d'opposer à cette demande d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur le 4° de cet article.

4. Dans une telle hypothèse, la décision relative au séjour et l'obligation de quitter le territoire français dont elle est assortie doivent être regardées comme intervenues concomitamment au sens du dernier alinéa de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la contestation de la décision relative au séjour à l'occasion d'un recours contre l'obligation de quitter le territoire français suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire prévu par cet article.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié le 21 novembre 2013 et que sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 septembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 février 2015. L'intéressé a fait précédemment l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 23 avril 2015 du préfet du Tarn dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2015, devenu définitif après le rejet de l'appel formé à son encontre par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 7 avril 2016. Si M. B... a déposé le 18 mai 2022 une demande d'admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale et d'une activité salariée, le préfet, qui a rejeté cette demande, pouvait légalement fonder l'obligation de quitter le territoire français sur les dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'il a été exposé au point 3 ci-dessus. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient à nouveau en appel M. B..., le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse était bien compétent, en application de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour se prononcer sur sa demande. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison de l'incompétence du magistrat désigné ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, M. B... soutient que le premier juge a commis des erreurs manifestes d'appréciation et dénaturé les éléments du dossier en écartant certains des moyens de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Toutefois, de tels moyens relèvent du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel auquel il appartient seulement, dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer à nouveau sur la légalité de l'arrêté préfectoral attaqué.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

7. En premier lieu, la décision portant refus d'admission au séjour vise les textes dont il a été fait application, notamment les articles L. 421-1, L. 421-3, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle rappelle le parcours administratif de M. B... et indique les motifs pour lesquels l'intéressé ne peut se voir délivrer le titre de séjour sollicité. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'a pas à faire état de l'ensemble des éléments avancés par l'étranger à l'appui de sa demande de titre de séjour, la décision en litige est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des motifs de l'arrêté en litige, que le préfet du Tarn a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle, familiale et professionnelle en France de M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. ". Aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l'objet d'un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui n'a jamais présenté ou justifié être en possession d'un visa long séjour, ne peut se prévaloir de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour demander un titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle salariée. Dans ces conditions, il n'appartenait pas au préfet du Tarn, dès lors que l'intéressé était en situation irrégulière, de saisir pour avis les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, devenue direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités. Pour les mêmes raisons et en l'absence de toute autorisation de travail, le préfet du Tarn a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commises par le préfet ne peuvent qu'être écartés.

11. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

12. M. B... se prévaut à nouveau en appel d'un séjour ancien en France remontant à 2013 et affirme avoir transféré sur le territoire national le centre de ses intérêts privés et familiaux dès lors que sa femme et ses quatre enfants y résident, qu'il participe depuis 2015 à des activités de bénévolat auprès de la Banque alimentaire du Tarn, qu'il a suivi des cours de français de 2014 à 2018, et qu'il travaille depuis plus de deux ans auprès de la même personne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que sa femme et ses trois autres enfants majeurs ont fait l'objet d'une décision de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français le 23 avril 2015, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par la cour administrative de Bordeaux le 7 avril 2016, de sorte qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce que leur vie privée et familiale se poursuive dans son pays d'origine, l'Albanie, alors même que la situation de l'un de ses enfants a été régularisée le 20 août 2021. En outre, la seule production de bulletins de salaire pour la période de décembre 2019 à avril 2022 pour un poste d'auxiliaire de vie chez la personne qui l'héberge avec sa femme, et la demande d'autorisation de travail du 5 avril 2022 en lien avec ce poste, ne caractérisent pas une insertion professionnelle particulière. Par suite, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'apparaît pas que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

14. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des motifs exceptionnels exigés par la loi.

15. D'une part, il résulte des termes de la décision contestée que le préfet du Tarn a relevé que l'appelant travaille au bénéfice de la personne qui avait antérieurement employé sa femme et qui les héberge tous deux à titre gracieux, et qu'il ne justifie ainsi pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Dès lors, le préfet a, contrairement à ce que soutient M. B..., examiné si celui-ci pouvait faire l'objet d'une admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "salarié ". Le moyen d'erreur de droit invoqué sur ce point doit être écarté.

16. D'autre part, compte tenu de la situation personnelle et familiale de l'appelant exposée au point 12 ci-dessus, sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ne peut être regardée comme répondant à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Par ailleurs, en ce qui concerne le titre de séjour temporaire portant la mention " salarié ", l'intéressé produit des bulletins de salaire pour la période de décembre 2019 à avril 2022 pour un poste d'auxiliaire de vie chez la personne qui l'héberge avec sa femme, et la demande d'autorisation de travail afférente, datée du 5 avril 2022. Toutefois, ces éléments, alors au demeurant que l'appelant ne dispose d'aucune formation particulière ni d'aucun diplôme pour exercer ce métier, ainsi que cela ressort de son curriculum vitae, ne permettent pas de considérer qu'il justifiait de motifs exceptionnels. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, l'illégalité de la décision refusant son admission au séjour n'étant pas établie, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".

19. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette décision se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé, comme c'est le cas en l'espèce ainsi qu'il a été relevé au point 7, de motivation distincte. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait insuffisamment motivée.

20. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

21. M. B... n'ayant pas établi l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de l'appelant ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Dujardin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le président-rapporteur,

D. ChabertLe président-assesseur,

T. Teulière

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00203
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23tl00203 ?
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