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19/09/2024 | FRANCE | N°22TL22525

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 22TL22525


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 juin 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2105586 rendu le 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme C..

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Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 juin 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2105586 rendu le 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 décembre 2022, 5 juillet 2023 et le 31 mai 2024, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 16 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;

- le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit et n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation dès lors qu'il s'est estimé lié par la circonstance que son époux n'avait pas fait l'objet d'une condamnation pénale à raison des faits de violences sur conjoint pour lesquels elle avait porté plainte auprès des services de police ;

- la motivation de l'arrêté en litige est succincte et le jugement attaqué est lui-même insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen précédent ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le titre de séjour sollicité alors qu'elle remplit l'ensemble des conditions prévues par les articles L. 423-5 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 15 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2023.

Un mémoire produit par Mme C..., représentée par Me Ruffel, a été enregistré le 31 janvier 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain signé le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 3 juin 1986 à Trougout (Maroc), mariée avec un ressortissant français depuis le 24 juin 2013, est entrée sur le territoire national le 30 mars 2018, sous couvert d'un visa de long séjour " vie privée et familiale ". L'intéressée a présenté une première demande de titre de séjour le 4 novembre 2019, mais, par un arrêté du 2 mars 2020, lequel est devenu définitif en l'absence de tout recours contentieux, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme C... s'est maintenue en France et a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 13 avril 2021. Par un arrêté du 16 juin 2021, le préfet de l'Hérault lui a opposé un nouveau refus, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en vue de l'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 30 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés. ". En l'espèce, le tribunal administratif de Montpellier a mentionné au point 3 de son jugement que l'arrêté en litige indiquait notamment les éléments de la situation personnelle de Mme C... et qu'il ne ressortait pas des termes de cet arrêté que le préfet se serait estimé lié par l'absence de condamnation pénale infligée à son époux. En se prononçant de la sorte, les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse aux moyens soulevés par la requérante, tirés de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen de sa situation. Par suite, le jugement en cause n'est pas entaché de l'irrégularité invoquée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 3 novembre 2020, le préfet de l'Hérault a accordé une délégation à M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture, et, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à Mme Emmanuelle Darmon, secrétaire générale adjointe, pour signer, notamment, tous les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. La délégation consentie par cet arrêté ne présente pas une portée générale et absolue et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le secrétaire général n'aurait pas été absent ou empêché le jour de l'édiction de l'arrêté contesté. Dès lors, l'arrêté en litige a pu être compétemment signé par Mme B... au nom du préfet de l'Hérault.

4. En deuxième lieu, l'arrêté pris à l'encontre de Mme C... comporte un énoncé précis des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et mentionne en particulier les principaux éléments de la situation personnelle et familiale de la requérante. Il est ainsi suffisamment motivé. Il ne ressort par ailleurs ni de la motivation de cet arrêté, ni des autres pièces du dossier, que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée, le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle ou qu'il se serait estimé lié par l'absence de condamnation pénale prononcée à l'encontre de son époux à raison des faits de violences sur conjoint pour lesquels elle a porté plainte auprès des services de police. Par suite, le préfet n'a pas commis l'erreur de droit soulevée par l'appelante.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Et selon l'article L. 423-5 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le mariage contracté par Mme C... avec un ressortissant français le 24 juin 2013 au Maroc a été transcrit sur les registres de l'état-civil français le 7 juin 2017. La requérante soutient avoir résidé avec son époux à compter de son arrivée en France le 30 mars 2018 et jusqu'au 3 juin 2019, date à laquelle elle aurait réussi à s'enfuir après avoir été séquestrée par son mari et sa belle-famille et avoir subi des violences psychologiques et physiques de la part de ces derniers durant toute cette période. D'une part, si Mme C... justifie avoir déposé plainte pour violences conjugales auprès des services de police le 18 septembre 2019 et avoir initié une procédure de divorce en 2020, il est constant que son époux n'a fait l'objet d'aucune poursuite ni d'aucune condamnation pénale et que le divorce n'avait toujours pas été prononcé au mois de janvier 2024. D'autre part, si les certificats médicaux produits par la requérante confirment qu'elle est suivie par une psychiatre depuis le 8 octobre 2019 pour un état anxio-dépressif et un stress post-traumatique, les certificats en cause se bornent à rapporter les déclarations de la patiente sans se prononcer sur le lien éventuel de ses troubles psychologiques avec une situation de violences conjugales. Dans ces conditions, les seuls récits de Mme C..., de ses parents, de sa sœur et de la juriste d'une association pour l'accès aux droits des exclus ne sont pas suffisants pour établir la réalité des violences alléguées par l'intéressée. En conséquence, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 423-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de titre de séjour " vie privée et familiale " déposée par l'appelante.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale" (...). ".

8. Il résulte de ce qui a été exposé au point 1 du présent arrêt que Mme C... n'était présente que depuis trois ans en France à la date de l'arrêté en litige et qu'elle s'y était maintenue malgré une première mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 2 mars 2020. Il résulte par ailleurs de ce qui a été mentionné au point 6 que l'intéressée n'a pas eu une vie de couple stable et pérenne avec son conjoint de nationalité française. Si la requérante se prévaut de la présence de ses parents en France et d'une sœur chez qui elle réside à Montpellier, il n'en reste pas moins qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans au Maroc où habitent encore cinq de ses frères et sœurs. Elle n'allègue pas exercer une activité professionnelle en France et n'y justifie pas d'une insertion sociale réelle en se bornant à invoquer sa participation à des ateliers linguistiques. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs et en l'absence de toute circonstance humanitaire avérée, le préfet de l'Hérault n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelante et n'implique dès lors aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressée aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque à la requérante au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Ruffel.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL22525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22525
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;22tl22525 ?
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