Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 24 novembre 2021 par laquelle la Commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de lui renouveler sa carte professionnelle en tant qu'agent de sécurité privée.
Par un jugement n° 2107118 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision et a enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, de renouveler la carte professionnelle d'agent de sécurité privée de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 août 2022, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Cano, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 juillet 2022 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 24 novembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- il n'est pas établi que la minute du jugement soit revêtue des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne le fond :
- le comportement de M. B... est incompatible avec les fonctions d'agent de sécurité privée compte tenu, d'une part, de sa qualité d'auteur des faits de violences sans incapacité sur un mineur de quinze ans par un ascendant commis du 1er janvier 2015 au 1er décembre 2016, et des faits de violences habituelles sur une personne étant ou ayant été sa concubine, et, d'autre part, du stage de sensibilisation contre les stupéfiants qui lui a été imposé ;
- la gravité particulière des faits de violences commis sur une longue période sur sa concubine et sur son fils, et des faits de consommation de stupéfiants, est d'autant plus accentuée que l'intéressé s'était précédemment vu délivrer une carte professionnelle et avait connaissance des règles strictes encadrant l'exercice de l'activité d'agent de sécurité privée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Maamouri, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil d'administration du Conseil national des activités privées de sécurité ait pris une décision visant à interjeter appel du jugement rendu en sa faveur ;
- aucun des faits qui lui est reproché n'est de nature à valablement fonder la décision portant refus de renouvellement de sa carte professionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, rapporteure
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Ricci, substituant Me Cano, représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a sollicité, le 11 avril 2019, le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée. Par une décision du 4 octobre 2019, la Commission locale d'agrément et de contrôle Sud-ouest du Conseil des activités privées de sécurité a rejeté sa demande. L'intéressé a alors saisi, le 7 octobre 2019, la Commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité d'un recours administratif préalable obligatoire. Par une décision du 27 novembre 2019, la commission nationale a rejeté son recours et confirmé ainsi le rejet de sa demande tendant au renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée. Par un jugement n° 1905746 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de la décision du 27 novembre 2019 et a enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de réexaminer la demande de M. B.... Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt n° 21TL23958. A l'issue de ce réexamen, la Commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a de nouveau refusé d'accorder à l'intéressé le renouvellement de sa carte professionnelle par une décision du 24 novembre 2021. Le Conseil national des activités privées de sécurité relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. B..., annulé la décision précitée du 24 novembre 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président et le rapporteur de la formation de jugement ainsi que par la greffière d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen d'irrégularité, tiré de l'absence de signature de la minute, doit être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) : / 2° S'il résulte de l'enquête administrative (...), que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées (...) ".
5. Il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, à l'issue d'une enquête administrative, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si le comportement du demandeur est compatible avec l'exercice de la profession d'agent privé de sécurité à laquelle il aspire. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose.
6. Pour rejeter le recours préalable de M. B... et sa demande de renouvellement de sa carte professionnelle, la commission d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité s'est fondée, en premier lieu, sur sa mise en cause, le 7 décembre 2017, en qualité d'auteur de faits de violence sans incapacité sur mineur de quinze ans par un ascendant commis entre le 1er janvier 2015 et le 1er décembre 2016 qui a donné lieu à un rappel à la loi. Elle s'est également fondée sur sa mise en cause, le 12 octobre 2016, en qualité d'auteur de faits de violences habituelles suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint ou concubin. Enfin, la commission s'est appuyée sur un motif tiré de ce que les autorités judiciaires ont imposé à M. B..., compte tenu de sa consommation régulière de produits stupéfiants, de suivre un stage de sensibilisation à ces produits.
7. Il ressort des pièces du dossier que les comportements reprochés à M. B... envers son fils, alors âgé de moins de quinze ans et scolarisé dans un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique accueillant des adolescents présentant des difficultés psychologiques et des troubles du comportement, consistaient en des réprimandes au vu de ses mauvais résultats, en des gifles et des insultes, des douches imposées avec une éponge grattante. Il lui a aussi été reproché d'avoir poussé son fils dans le grand bassin d'une piscine. Si M. B... a reconnu avoir adressé des insultes à son fils au cours de la période du 1er janvier 2015 au 1er décembre 2016, et lui avoir administré " quelques fessées " pour le punir, il a toutefois constamment contesté la réalité des autres faits allégués, dont la matérialité ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier. Par ailleurs, il est vrai que M. B... ne conteste pas la matérialité de la gifle qu'il a donnée le 27 septembre 2016 à sa concubine. Toutefois, ce dernier fait, il est vrai regrettable, n'a pas donné lieu à des poursuites pénales et a débouché sur à un simple rappel à la loi. En outre, il n'a pas été réitéré par des agissements de même nature et il est, tout comme les faits concernant son fils, intervenu près de cinq ans avant la décision attaquée. Quant aux faits de consommation régulière de produits stupéfiants imputés à M. B..., leur matérialité ne peut se déduire du seul fait qu'il a suivi en janvier 2017 un stage de sensibilisation aux dangers des produits stupéfiants, ce stage pouvant être proposé dans le cadre d'une composition pénale à un usager occasionnel de produits stupéfiants. En outre, ces faits sont, eux aussi, antérieurs de plus cinq ans à la décision attaquée. Et, à cet égard, il ne ressort des pièces du dossier ni que M. B... aurait été pénalement mis en cause pour des faits de consommation illégale de stupéfiants ni qu'il serait dans un état de dépendance à l'égard de ces produits. Dans ces conditions, eu égard au caractère ancien des faits imputés à M. B... et à l'absence de réitération d'un comportement contraire à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil nationale des activités privées de sécurité a fait une inexacte appréciation en estimant, par sa décision du 24 novembre 2021, que le comportement de l'intéressé était incompatible avec l'activité d'agent de sécurité pour laquelle il avait sollicité le renouvellement de sa carte professionnelle.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête d'appel, que le Conseil national des activités privées de sécurité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 24 novembre 2021.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, M. B... n'étant pas la partie perdante.
10. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête du Conseil national des activités privées de sécurité est rejetée.
Article 2 : Le Conseil national des activités privées de sécurité versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil national des activités privées de sécurité et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président de chambre,
M. Bentolila, président assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21871