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18/07/2024 | FRANCE | N°24TL00360

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 juillet 2024, 24TL00360


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2301593 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par u

ne requête, enregistrée le 12 février 2024, Mme A..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :



1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2301593 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2024, Mme A..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 27 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- en omettant de répondre au moyen tiré de ce que la délégation de signature est trop générale, les premiers juges ont entaché le jugement d'une insuffisance de motivation ;

- les premiers juges ont écarté le moyen du vice d'incompétence sans que le préfet produise un exemplaire complet de la délégation de signature ;

- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence au vu de la délégation de signature trop générale ;

- il est entaché d'un défaut d'examen réel et complet et d'une insuffisance de motivation ;

- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 12 janvier 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Rey-Bèthbéder et les observations de Me Carbonnier, substituant Me Ruffel, représentant Mme A... au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1957, déclare être entrée en France le 11 novembre 2013. Elle a sollicité, en novembre 2022, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 27 décembre 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 15 juin 2023 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements doivent être motivés ".

3. Mme A... a soulevé, devant les premiers juges, l'irrégularité de la délégation de signature accordée par le préfet à l'auteur de la décision attaquée au motif de son caractère trop général. Or, il ressort de la lecture du jugement attaqué que celui-ci ne se prononce pas quant à ce caractère trop général. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de ce jugement doit être accueilli. Par suite, il y a lieu de l'annuler et de statuer sur la demande de Mme A... par la voie de l'évocation.

Sur le bien-fondé du jugement

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Frédéric Poisot, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault en vertu d'une délégation qui lui a été consentie par arrêté du préfet de l'Hérault n° 2022-09-DRCL-0357 du 14 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 126 du 14 septembre 2022, et accessible sur le site internet de la préfecture tant au juge qu'aux parties. Cet arrêté lui donne délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault, à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre et de la réquisition des comptables publics. Cet arrêté précise en outre que cette délégation comprend les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Dès lors, cette délégation, qui n'est pas de portée trop générale, habilitait M. B... à signer l'arrêté en litige et le moyen tiré du vice d'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il a été fait application, en particulier les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet de l'Hérault a mentionné les circonstances de fait propres à la situation personnelle et familiale de Mme A.... L'arrêté précise également qu'elle ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine. En outre, il indique que l'appelante ne démontre pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme A..., une telle motivation démontre que le préfet a procédé à un examen réel et complet de sa situation personnelle en se fondant sur des circonstances précises et concrètes. Dans ces conditions, les moyens tirés du défaut d'examen réel et complet et de l'insuffisance de motivation des décisions que comporte cet arrêté doivent être écartés.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Mme A... se prévaut de sa présence habituelle sur le territoire français depuis novembre 2023 et soutient qu'il lui est impossible d'être hébergée au Maroc par son frère. Si l'appelante fait valoir qu'elle s'occupe de ses quatre petits-enfants et vit chez sa fille unique, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 13 janvier 2031, elle n'établit pas que sa présence auprès d'eux serait indispensable. En outre, Mme A... fait état des problèmes médicaux de l'une de ses petites-filles, qui présente une exophtalmie, toutefois, l'intéressée ne démontre pas, par les pièces médicales versées aux débats, que l'état de santé de cette dernière nécessite sa présence auprès d'elle, ni même qu'elle serait la seule personne à même de lui porter assistance. Par ailleurs, Mme A..., qui a fait l'objet en 2014 et 2017, de deux refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire qu'elle n'a pas exécutées, ne justifie d'aucune insertion professionnelle depuis son entrée en France en 2010, ne possède aucun logement autonome, et ne dispose, partant, pas de ressources suffisantes pour subvenir par elle-même à ses besoins. De surcroît, elle ne peut se prévaloir d'une particulière insertion sociale par la seule production de quelques attestations se bornant à indiquer qu'elle est hébergée par sa fille et qu'elle s'occupe quotidiennement de ses petits-enfants. Il suit de ce qui vient d'être exposé que l'appelante ne justifie pas avoir tissé d'autres liens d'une intensité, d'une ancienneté ou d'une stabilité particulières sur le territoire français alors même qu'elle est divorcée depuis 1977 et désormais sans enfant à charge et tandis qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, le Maroc, où elle a vécu jusqu'à ses 56 ans et où résident notamment ses sœurs. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 27 décembre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juin 2023 est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme A... en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 24TL00360 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00360
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;24tl00360 ?
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