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18/07/2024 | FRANCE | N°23TL02279

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 juillet 2024, 23TL02279


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, sous le n° 2304621, d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Aveyron lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et fixé le pays de renvoi ainsi que l'arrêté du même jour par lequel cette autorité l'a assigné à résidence. Sous le n° 2304682, Mme A... C... a demandé à ce t

ribunal d'annuler les arrêtés du préfet de l'Aveyron du 28 juillet 2023 ayant le même objet.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, sous le n° 2304621, d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Aveyron lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et fixé le pays de renvoi ainsi que l'arrêté du même jour par lequel cette autorité l'a assigné à résidence. Sous le n° 2304682, Mme A... C... a demandé à ce tribunal d'annuler les arrêtés du préfet de l'Aveyron du 28 juillet 2023 ayant le même objet.

Par un jugement n° 2304621 du 9 août 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, renvoyé à une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B... E....

Par un jugement n°s 2304621 - 2304682 du 23 avril 2024, le tribunal administratif de Toulouse, statuant en formation collégiale, a rejeté, d'une part, la demande de M. B... E... tendant à l'annulation de décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2023 précité et, d'autre part, la demande présentée par Mme A... C... sous le n° 2304682 tendant à l'annulation de l'ensemble des décisions contenues dans les arrêtés préfectoraux du 28 juillet 2023 édictés à son encontre.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2023, sous le n° 23TL02279, M. B... E..., représenté par Me Buttet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 août 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 28 juillet 2023 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et fixé le pays de renvoi ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît la liberté de circulation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. B... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 26 janvier 2024.

Par une ordonnance du 31 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2024 à 12 heures.

II. Par une requête, enregistrée le 22 mai 2024, sous le n° 24TL01280, Mme C..., représentée par Me Buttet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 avril 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Aveyron lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et fixé le pays de renvoi ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît la liberté de circulation.

Un mémoire, présenté par le préfet de l'Aveyron, a été enregistré le 3 juillet 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 12 juillet 2024.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., ressortissant égyptien, né le 7 janvier 1984, déclaré être entré sur le territoire français le 21 mars 2011. Sa compagne, Mme C..., ressortissante algérienne née le 29 janvier 1985, est entrée en France le 15 février 2014 munie d'un visa de court séjour. De leur relation sont nées en France deux filles, le 21 septembre 2016 et le 26 mars 2018. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 15 mars et 21 novembre 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, le 19 juillet 2017. Par des arrêtés des 6 juillet et 1er octobre 2018, le préfet de Seine-Saint-Denis leur a fait obligation de quitter le territoire français. Le 13 septembre 2021, Mme C... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Le 16 mai 2022, M. B... E... a présenté une demande identique. Par des arrêtés du 28 juillet 2023, le préfet de l'Aveyron leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, leur a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par des arrêtés du même jour, le préfet de l'Aveyron les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Sous le n° 23TL02279, M. B... E... relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 9 août 2023 rejetant sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des décisions précitées du 28 juillet 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, de la décision du même jour l'assignant à résidence. Sous le n° 24TL01280, Mme C... relève appel du jugement du 23 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 28 juillet 2023 dans leur ensemble.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 23TL02279 et 24TL01280 concernent la situation d'un même couple de ressortissants étrangers, présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". L'article L. 613-1 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ". Les décisions portant refus de titre de séjour visent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation des appelants, en particulier les articles L. 423-23 et L. 435-1, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et mentionnent l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, personnelle et familiale des intéressés. Elles mentionnent l'avis rendu par la commission départementale du titre de séjour à l'égard de M. B... E..., la date d'arrivée en France des appelants et indiquent qu'ils ne justifient pas de leur insertion socio-professionnelle dans la société française. Dès lors que les décisions en litige ont été prises sur le fondement de décisions relatives au séjour elles-mêmes motivées en ce qu'elles comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, elles n'avaient pas à faire l'objet d'une motivation distincte.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'exhaustive motivation des arrêtés en litige que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation personnelle des appelants. La seule circonstance selon laquelle une instance est pendante devant le tribunal correctionnel de Millau appelé à statuer sur ses intérêts civils dans le cadre de l'agression physique dont a été victime M. B... E... n'est pas de nature à entacher la décision prise à son égard d'un défaut d'examen, ce dernier disposant, en tout état de cause, de la faculté de solliciter l'octroi d'un délai de départ volontaire auprès des services préfectoraux.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

6. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de sa charte des droits fondamentaux. Ce droit n'implique toutefois pas l'obligation, pour le préfet, d'entendre l'étranger spécifiquement au sujet de l'obligation de quitter le territoire français qu'il envisage de prendre après avoir statué sur le droit au séjour à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, M. B... E... n'aurait pas été mis en mesure de présenter des observations, écrites ou orales, en complément de sa demande de titre ni qu'il aurait sollicité, en vain, un entretien avec les services préfectoraux, ces derniers l'ayant, du reste, convoqué à un entretien administratif. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B... E... et Mme C... soutiennent qu'ils ont vocation à mener leur vie personnelle et familiale en France où ils résident depuis plus de dix ans. Toutefois, les appelants ne justifient pas de la nature, de l'ancienneté et de la stabilité des liens qu'ils ont développés en France au regard de ceux qu'ils ont conservés dans leur pays d'origine, où ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales eu égard aux déclarations de chacun des époux lors des entretiens administratifs réalisés en préfecture. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... E... est entré en France à l'âge de 27 ans et s'y maintient de manière irrégulière, sous couvert d'un titre italien obtenu frauduleusement, en dépit d'une précédente mesure d'éloignement et du rejet définitif de sa demande d'asile et qu'il ne dispose pas d'une insertion sociale avérée. Il ressort également des pièces du dossier que Mme C... a vécu dans son pays d'origine la majeure partie de sa vie et n'est entrée en France qu'à l'âge de 29 ans. Par ailleurs, dès lors que chacun des membres du couple fait l'objet d'une mesure d'éloignement et compte tenu du jeune âge de leurs filles, il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue soit en Égypte soit en Algérie, pays dans lesquels il n'est pas établi qu'ils ne seraient pas légalement admissibles et dans lesquels leurs deux filles, nées en 2016 et 2018, pourront poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour des appelants sur le territoire français, le préfet de l'Aveyron n'a pas, en leur faisant obligation de quitter le territoire français, porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent.

Sur les décisions portant refus de délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ". Les décisions en litige, après avoir visé les dispositions de l'article L. 612-2 et celles du 5° et du 7° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent, d'une part, que Mme C... et M. B... E... n'ont pas déféré à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement édictée par le préfet de Seine-Saint-Denis, d'autre part, que ce dernier est défavorablement connu des services de police pour des faits d'usage de faux documents administratifs, des faits de violences sans incapacité sur un conjoint ou concubin et faits de conduite de véhicule sans permis et, enfin, qu'il a été interpellé, le 22 juillet 2023, à Millau, pour des faits de menaces sur personne dépositaire de l'autorité publique. Les décisions en litige, qui comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit qui les fondent sont, par suite, suffisamment motivées.

11. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de délai de départ volontaire n'ont pas été précédées d'une procédure contradictoire doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 6.

12. En troisième lieu, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 9, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de délai de départ volontaire seraient, par voie de conséquence, illégales doit être écarté.

13. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que les appelants n'ont pas déféré à une précédente mesure d'éloignement édictée par le préfet de Seine-Saint-Denis, M. B... E... ayant également reconnu, lors de son entretien administratif, s'être irrégulièrement maintenu en France en utilisant une carte nationale d'identité italienne pour pouvoir travailler. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'extrait du traitement des antécédents judiciaires que M. B... E... est défavorablement connu des services de police pour des faits d'usage et détention de faux document administratif constatant un droit une qualité, en l'espèce une carte nationale d'identité italienne falsifiée, commis le 15 janvier 2020, des faits de conduite d'un véhicule sans permis de conduire, commis le même jour ainsi que des faits de violence sans incapacité sur conjoint ou concubin commis le 1er août 2022. Enfin, il ressort du procès-verbal de police établi le 22 juillet 2023 qu'à la suite d'une visite de police à son domicile dans le cadre d'une procédure pour menaces de mort sur personne dépositaire de l'autorité publique, l'appelant s'est retranché à son domicile muni d'un couteau, ce qui a nécessité le déploiement d'une unité d'intervention du service de recherche, assistance, intervention et dissuasion (RAID). Si M. B... E... soutient qu'il devait être convoqué par un expert judiciaire à la fin de l'année 2023 dans le cadre de la procédure judiciaire ouverte pour l'agression dont il a été victime, il n'établit pas être dans l'impossibilité de saisir les services préfectoraux d'une demande tendant à l'octroi d'un délai de départ volontaire. Dès lors que, pour les des motifs prévus au 1° et au 3° de l'article L. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... E... et Mme C... pouvaient valablement faire l'objet d'un refus de délai de départ volontaire, le préfet de l'Aveyron n'a pas une inexacte application de ces dispositions.

Sur les décisions fixant le pays de renvoi :

15. En premier lieu, les décisions fixant le pays de renvoi visent, notamment, les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles mentionnent que les appelants, de nationalité égyptienne et algérienne, n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Les décisions en litige, qui comportent ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement sont, dès lors, suffisamment motivées.

16. En deuxième lieu, il ne ressort pas de leur exhaustive motivation que les décisions fixant le pays de renvoi n'auraient pas été précédées d'un examen particulier la situation personnelle des appelants.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce, et l'appréciation portée sur eux, en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans incidence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. M. B... E... et Mme C... soutiennent avoir quitté leur pays d'origine pour avoir manifesté contre le pouvoir en place et craignent d'y retourner en raison d'un risque de représailles. Toutefois, par ces seules allégations, qui ne sont assorties d'aucun élément probant concernant la nature et le degré de leur engagement politique, les appelants ne font état d'aucun élément précis et circonstancié de nature à établir qu'ils étaient, à la date des décisions en litige, personnellement exposés, en cas de retour dans leur pays d'origine, à des traitements contraires à ces stipulations alors que leur demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités en charge de l'asile ainsi qu'il a été dit au point 1. Par suite, le préfet de l'Aveyron n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le pays de destination.

Sur les décisions portant assignation à résidence :

19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". Les décisions en litige visent, notamment, les dispositions du 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles mentionnent, en outre, que les appelants font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai édictée le même jour, qu'ils ne peuvent immédiatement quitter le territoire français mais que leur éloignement demeure une perspective raisonnable et qu'ils disposent d'une adresse stable. Les décisions en litige, qui comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent en le fondement sont, par suite, suffisamment motivées.

20. En second lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / (...) ".

21. D'une part, dès lors que M. B... E... et Mme C..., qui n'ont pas déféré à une précédente mesure d'éloignement, ont fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, l'autorité préfectorale, en vue de garantir l'exécution de cette obligation, pouvait légalement limiter leur liberté de circulation en les assignant à résidence. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le périmètre et les modalités de leur assignation imposeraient aux appelants des restrictions excédant les nécessités liées à la préparation de leur éloignement du territoire, et ne seraient ainsi pas adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités poursuivies alors que Mme C... n'exerce pas d'activité professionnelle et que M. B... E..., qui a déclaré lors de son audition administrative être placé en arrêt de travail, n'allègue pas être soumis à des contraintes d'ordre médical, personnel ou professionnel particulières. Par suite, en assignant à résidence les appelants sur le territoire de la commune de Millau et des communes avoisinantes et en les astreignant à se présenter les mercredi et les vendredi, sauf les jours fériés ou chômés, entre 10 heures et 12 heures, le préfet de l'Aveyron n'a pas porté une atteinte excessive à leur liberté de circulation.

22.Il résulte de tout ce qui précède que M. B... E... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse et le tribunal administratif de Toulouse statuant en formation collégiale ont rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : Les requêtes de M. B... E... et de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... E..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23TL02279 - 24TL01280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02279
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BUTTET EMMA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23tl02279 ?
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