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18/07/2024 | FRANCE | N°23TL01625

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 juillet 2024, 23TL01625


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2203189 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif

de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2203189 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrés le 7 juillet 2023 et le 23 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ainsi que la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux du 9 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant à ses attaches familiales en République centrafricaine et à sa durée de présence en France ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision rejetant implicitement son recours gracieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 7 juin 2023.

Par une ordonnance du 29 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 janvier 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention signée le 26 septembre 1994 entre le gouvernent de la République française et le gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- et les observations de Me Carbonnier, substituant Me Ruffel, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant centrafricain, né le 3 juillet 1970, est entré en France le 19 août 2010 sous couvert d'un visa de court séjour, valable du 19 août au 2 octobre 2010. Le 21 septembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa présence en France depuis dix ans et de ses liens privés et familiaux. M. B... relève appel du jugement du 3 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort pas de l'exhaustive motivation de l'arrêté que la décision en litige n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de la situation personnelle de M. B....

3. En deuxième lieu, il ressort du formulaire de demande de titre de séjour qu'il a renseigné le 19 septembre 2021, que M. B... a mentionné, au titre de la rubrique concernant les membres de sa famille résidant à l'étranger, la présence de ses deux parents et de ses deux sœurs en République centrafricaine sans, du reste, indiquer qu'il aurait un frère. S'il indique que son père et sa mère sont décédés en produisant, à ce titre, des actes de décès établis en 2011 et en 2013, et précise que ses deux sœurs et son frère sont réfugiés au Cameroun, ces circonstances ne sont, indépendamment de la force probante devant être attachée à ces actes d'état civil, pas de nature à établir que la décision en litige serait entachée d'inexactitude matérielle compte tenu des éléments d'information qu'il a transmis à l'autorité préfectorale concernant les attaches dont il dispose dans son pays d'origine lors du dépôt de sa demande de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'inexactitude matérielle quant aux attaches familiales dont dispose M. B... en République centrafricaine doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. B... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son concubinage avec une compatriote en situation régulière sur le territoire français dont l'état de santé nécessite sa présence à ses côtés, il ne produit toutefois aucun élément probant, tel qu'un contrat de bail, des factures d'énergie ou un avis d'imposition aux deux noms, de nature à éclairer la cour sur l'effectivité de la vie commune et l'ancienneté de leur relation. De même, l'intéressé ne produit, pas plus en première instance qu'en appel, d'élément précis et circonstancié de nature à caractériser l'ancienneté, la stabilité et l'intensité des liens privés et familiaux qu'il a développés en France au regard de ceux conservés dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et du maintien de l'intéressé en France en dépit de nombreuses mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré, de l'absence de membres de sa famille présents en France et du caractère récent de sa relation de couple, le préfet de l'Hérault n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 13 de la convention signée le 26 septembre 1994 entre le gouvernent de la République française et le gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les points non traités par la présente Convention sont régis par la législation interne de chaque État (...) ". En renvoyant à la législation française les points non traités par l'accord, ces stipulations rendent applicables aux ressortissants centrafricains en situation irrégulière les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant centrafricain en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord bilatéral du 26 septembre 1994, à faire application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

8. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, M. B... ne fait pas état de liens personnels et familiaux particulièrement intenses, anciens et stables en France de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. D'autre part, à l'exception d'un contrat de travail daté du 24 avril 2023 le recrutant en qualité d'ouvrier d'exécution dans le bâtiment, d'une déclaration préalable à l'embauche du 27 avril 2023 et de bulletins de paie établis entre les mois d'août 2023 et novembre 2023, soit postérieurement à l'arrêté en litige, M. B... ne dispose d'aucune insertion professionnelle avérée en dépit de son entrée en France cours de l'année 2010. Par suite, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de M. B..., le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1 ° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

10. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels ces dispositions renvoient.

11. M. B..., qui est entré sur le territoire français le 19 août 2010 sous couvert d'un visa de court séjour, se prévaut d'une présence en France depuis plus de dix ans. Outre que l'intéressé ne produit pas la copie intégrale de son passeport lequel permet d'établir s'il n'a pas quitté l'espace Schengen au cours des dix années précédant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, les justificatifs produits au titre de l'année 2013 se limitent à un formulaire Cerfa de demande d'aide médicale d'État souscrit le 14 juin 2013, à une prescription médicale du 15 juin 2013, à une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'État valable du 21 juin 2013 au 20 juin 2014 et, enfin, à un formulaire de transfert d'argent daté du 4 août 2013. Outre qu'ils ne sont pas diversifiés et ne comportent aucun élément de domiciliation, ce qui permet d'en limiter la force probante, ces justificatifs ne sont pas de nature à établir de manière certaine sa présence continue en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Par suite, dès lors que M. B... ne démontre pas totaliser dix ans de résidence habituelle en France à la date de sa demande de titre de séjour et qu'il ne remplissait pas, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 8, les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le vice de procédure allégué. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle quant à sa durée de présence en France.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.

13. La décision en litige vise le principe posé à l'article L. 621-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 612-10 du même code. En outre, elle mentionne la durée de présence de M. B..., la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et la circonstance qu'il ne justifie d'aucun motif humanitaire s'opposant au prononcé d'une telle mesure. Elle mentionne, enfin, que l'intéressé a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées. La décision en litige qui comprend les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, par suite, suffisamment motivée.

14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de la situation personnelle de M. B....

15. En troisième et dernier lieu, l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

16. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

17. M. B... soutient qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans, qu'il a travaillé pour le compte de plusieurs employeurs et ne dispose plus d'attaches familiales en République centrafricaine. Il indique bénéficier de fortes attachées privées en France où il vit auprès de sa compagne en situation régulière et qui présente des problèmes de santé. Il indique, enfin, que la dernière mesure d'éloignement édictée à son encontre date de l'année 2015. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, ces éléments ne permettent pas de regarder l'intéressé comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour alors qu'il vit en France de manière précaire et irrégulière en dépit du rejet définitif de ses demandes d'asile en 2011 et de l'édiction de quatre mesures d'éloignement en 2011, 2012, 2014 et 2015 tandis que sa communauté de vie présente un caractère récent et peu stable à la date de l'arrêté en litige. Dès lors que M. B... n'a pas déféré à de nombreuses mesures d'éloignement et que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers, et alors même que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Hérault n'a ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.

18. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5.

Sur la décision rejetant implicitement le recours gracieux :

19. Les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01625
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23tl01625 ?
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