Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 4 juin 1988, est entré en France irrégulièrement, selon lui, le 4 octobre 2013. Il a fait l'objet, à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, d'un premier refus de certificat de résidence, le 12 avril 2016, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours pris par le préfet de la Haute-Garonne, puis d'une décision du 17 novembre 2016 de ce dernier portant rejet de sa demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, dont la légalité a été confirmée par une décision définitive de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 octobre 2019. Par ailleurs par un arrêté du 30 juin 2017 dont la légalité a été confirmée par un jugement du 10 août 2017 du tribunal administratif de Toulouse, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français. Enfin, par un arrêté du 15 mars 2023 la même autorité lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
2. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 24 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté du 15 mars 2023.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
3. En premier lieu, ainsi que l'ont considéré les premiers juges, si c'est de façon inexacte que le préfet, par l'arrêté attaqué du 15 mars 2023, indique que M. A... n'a pas présenté de demande de délivrance d'un certificat de résidence, il n'en a pas moins examiné de façon circonstanciée sa situation, dès lors qu'il fait état de sa situation personnelle et familiale, caractérisée notamment par sa qualité de célibataire sans enfant. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen de sa situation par le préfet, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M. A... produit des documents, essentiellement médicaux, de nature à établir une certaine présence en France depuis 2013, il est célibataire sans enfant et il est constant qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en France, alors qu'au contraire ses attaches familiales se trouvent en Algérie, en les personnes de ses parents et de ses frères et sœurs. Dans ces conditions et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, faute pour l'appelant, dont la demande de certificat de résidence en qualité d'étranger malade avait été rejetée par une décision du 17 novembre 2016 du préfet de la Haute-Garonne dont la légalité a été confirmée par un jugement du 10 août 2017 du tribunal administratif de Toulouse, d'avoir présenté de nouvelle demande de certificat de résidence en qualité d'étranger malade, le moyen invoqué tiré de ce qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour en Algérie, compte tenu du stress post-traumatique dont il souffrirait et qui serait en relation avec des événements vécus en Algérie, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien qui ne se rapportent qu'à l'attribution d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il ne peut davantage se prévaloir d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel il sera éloigné. Ces moyens sont donc inopérants et doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / 6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ". Selon l'article L. 613-2 du code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
9. En premier lieu, il résulte de l'arrêté attaqué que, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur les dispositions précitées des 1°, 5°, 6° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur les circonstances selon lesquelles l'intéressé était entré irrégulièrement en France, s'était soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement et ne présentait pas de garanties de représentation. Cet arrêté est donc suffisamment motivé, alors même qu'il mentionne à tort que M. A... n'aurait jamais présenté de demande de certificat de résidence.
10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de l'audition de M. A... du 15 mars 2023, que ce dernier a déclaré être sans domicile et n'avoir ni passeport ni document d'identité. L'intéressé ne présentait donc pas à la date de la décision attaquée de garanties de représentation. Dès lors, et compte tenu de ce qu'il s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché sa décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
12. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, vise les dispositions précitées des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se fonde notamment sur l'absence d'attaches familiales en France de M. A... et sur le fait qu'il ne justifierait d'aucune circonstance humanitaire particulière faisant obstacle à ce que soit prise à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, cette décision est suffisamment motivée et ne se trouve pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
14. Il résulte de ce qui précède que, lorsque le préfet prend une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, il est tenu d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de l'interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire national.
15. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, M. A... s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. Dans ces conditions et alors qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en France, toutes ses attaches familiales se trouvant en Algérie, en les personnes de ses parents ainsi que de ses frères et sœurs, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
16. En troisième lieu, à supposer même que le préfet ait considéré à tort que l'entrée de M. A... était récente, il résulte toutefois des pièces du dossier, eu égard à l'absence de liens sur le territoire français et à la soustraction à deux précédentes mesures d'éloignement, que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas porté cette mention dans sa décision. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. En quatrième et dernier lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01117 2