Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse suivante :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 2203621 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2023, M. A..., représenté par Me Chabbert Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Gard en date du 24 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de saisine de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu le rapport de M. B... au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1959, déclare être entré en France le 16 février 2009 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité, le 12 octobre 2021, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Le 24 octobre 2022, la préfète du Gard a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Par un jugement du 18 avril 2023 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Et aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
3. M. A... soutient être entré en France en 2009 et y résider habituellement depuis cette date. Toutefois, les pièces insuffisamment probantes qu'il produit, principalement constituées d'ordonnances médicales, d'attestations de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, d'attestation de la mutualité sociale agricole Provence Azur, d'attestations d'assurance, de relevés bancaires ainsi que des avis d'impôt sur les revenus des années 2011 à 2022, ne peuvent établir la réalité et la continuité de sa présence en France depuis cette date ou, en tout état de cause, depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. En outre, ces pièces sont insuffisamment nombreuses pour plusieurs années consécutives, notamment de 2012 à 2016. Par suite, M. A... qui n'établit pas, qu'à la date de l'arrêté contesté, il résidait effectivement en France depuis plus de dix ans, n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Gard a entaché sa décision d'un vice de procédure en ne consultant pas la commission du titre de séjour, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord précité : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans ". Et aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. S'agissant de la délivrance à titre exceptionnel d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", si M. A... se prévaut de sa volonté de travailler et de son insertion professionnelle, il ressort toutefois des termes de l'arrêté litigieux que pour refuser le titre de séjour que l'intéressé a sollicité, la préfète du Gard a notamment retenu que M. A... ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes au sens des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Ce motif, qui n'est pas contesté, était, à lui seul, de nature à justifier le refus de séjour attaqué. En tout état de cause, les bulletins de salaire et le contrat de travail qu'il produit ne permettent pas, à eux-seuls, de justifier d'une intégration professionnelle durable en France, alors d'ailleurs que ses avis d'imposition établis en 2014, 2017 et en 2021 indiquent qu'il n'a perçu aucun revenu au titre des années 2013, 2016 et 2020.
7. S'agissant de la délivrance à titre exceptionnel d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", M. A..., célibataire et sans charge de famille, ne démontre pas qu'il aurait fixé le centre de ses intérêts privés en France. Si l'appelant se prévaut de ses attaches familiales sur le territoire français au regard de la présence de ses deux frères ainsi que de ses nièces et neveux, les seules attestations sur l'honneur établies par les membres de sa famille ne sauraient établir la réalité et l'intensité des liens que M. A... entretiendrait avec ces derniers, alors même qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que l'appelant a exercé plusieurs emplois dans le milieu agricole dans le cadre de contrats à durée déterminée et qu'il occupe, depuis le 1er juin 2021, un poste d'agent de nettoyage dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, il ne saurait cependant se prévaloir de ces éléments pour justifier de son insertion professionnelle dès lors qu'il est constant qu'il n'avait pas d'autorisation de travail. Enfin, l'appelant a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, le 6 mai 2011, qu'il n'a pas exécutée, et dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 juillet 2011 devenu définitif. Dans ces conditions, la situation de M. A... ne peut être regardée comme relevant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, et comme l'ont estimé les premiers juges, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour porterait à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas entachée des illégalités alléguées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait de ce fait dépourvue de sa base légale.
11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. B...,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
Le président rapporteur,
É. B...
Le président-assesseur,
P. Bentolila La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23TL01102 2