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18/07/2024 | FRANCE | N°23TL00612

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 juillet 2024, 23TL00612


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2104651 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif d

e Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2104651 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2023, et des mémoires en production de pièces enregistrés les 14 mars et 10 août 2023 et le 27 mai 2024, ces trois derniers n'ayant pas été communiqués, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une irrégularité de procédure dès lors que l'autorité administrative n'a pas soumis sa demande pour avis à la commission du titre de séjour alors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'accord franco-marocain, qui traite des conditions de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", n'exige pas la détention d'un visa de long séjour ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2024 à 12 heures.

Par une décision du 8 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami,

- et les observations de Me Carbonnier, substituant Me Ruffel représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, né le 10 mai 1967, déclare être entré sur le territoire français le 24 octobre 1996. L'intéressé a bénéficié, à compter du 30 juin 2015, d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois, délivrée en raison de son état de santé et régulièrement renouvelée jusqu'au 15 décembre 2016. Au terme de l'examen de sa nouvelle demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, il a fait l'objet, le 7 juin 2017, d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français pris par le préfet de l'Hérault, confirmé, en dernier ressort, par la cour administrative d'appel de Marseille le 11 février 2019. Le 22 juillet 2019, M. B... qui a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, a fait l'objet, le 4 août 2020, d'un nouvel arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire pris par le préfet de l'Hérault. Le 24 juillet 2020, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 26 juillet 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé l'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 28 septembre 2022 dont M. B... relève appel, rejeté sa demande

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ". Aux termes du premier alinéa de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Il résulte de ces stipulations de l'accord franco-marocain que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains. Les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, ne sont pas incompatibles avec les stipulations de cet accord et ont vocation à s'appliquer. L'autorité administrative peut donc légalement refuser la délivrance du titre de séjour portant la mention " salarié " à un ressortissant marocain qui n'est pas titulaire d'un visa de long séjour.

3. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet a, notamment, examiné si l'intéressé pouvait obtenir un titre de séjour au regard de sa situation professionnelle, de plein droit et au titre d'une admission exceptionnelle au séjour. Dès lors qu'il est constant que M. B... ne disposait pas d'un visa de long séjour, le préfet n'a pas commis une erreur de droit en refusant, sur la base, notamment, de ce motif, de lui délivrer de plein droit une carte de séjour en qualité de salarié. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M B... se prévaut de sa présence en France depuis plus de dix ans. S'il a bénéficié d'un titre de séjour " visiteur " du 26 janvier au 15 septembre 2005 et d'une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé à compter du 30 juin 2015 renouvelée jusqu'au 15 décembre 2016, il a néanmoins fait l'objet de deux arrêtés portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français pris par le préfet de l'Hérault le 7 juin 2017 et le 4 août 2020, le premier ayant été confirmé par la cour d'appel de Marseille. Ainsi, au cours des dix dernières années précédant la décision attaquée, l'appelant ne justifie de la régularité de sa présence sur le territoire national que pour une très courte période. En outre, par la seule production d'une carte d'admission à l'aide médicale de l'État et d'ordonnances médicales au titre de l'année 2012, de trois ordonnances médicales pour l'année 2013, et de pièces médicales justifiant son hospitalisation en France du 5 septembre au 4 novembre 2014 et d'une consultation médicale le 18 décembre 2014, l'appelant ne démontre pas le caractère habituel mais seulement ponctuel de sa présence sur le territoire national, notamment au cours de ces années. Par ailleurs, si l'intéressé qui est célibataire et sans enfant, fait état de la présence en France de sa sœur et de ses nièces et neveux, les attestations de ces derniers se bornent à indiquer leur lien de parenté avec l'appelant ainsi que son adresse mais ne permettent pas d'établir la nature et l'intensité des liens qu'il entretient avec ses eux. Par ailleurs, il ne justifie pas de son intégration sociale et professionnelle par la seule production d'une promesse d'embauche pour un poste d'ouvrier gardien. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.

6. En troisième lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".

8. Pour les motifs exposés au point 5, M. B... ne justifie pas de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision portant refus de séjour, ne peut qu'être écarté.

9. En cinquième et dernier lieu, pour les motifs exposés au point 5, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire national pour une durée d'un an ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 septembre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00612
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23tl00612 ?
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