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16/07/2024 | FRANCE | N°23TL00041

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 16 juillet 2024, 23TL00041


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et de

mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°2205621 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Girard, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement en date du 29 décembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 7 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté, entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit, est irrégulier ;

- les deux précédentes décisions portant obligation de quitter le territoire français des 1er juin 2018 et 30 avril 2019 ont été annulées par le tribunal administratif de Montpellier ; il a bénéficié, depuis l'année 2011, de quatre titres de séjours renouvelés et de récépissés et il a obtenu cinq nouveaux récépissés après l'expiration de son dernier titre valable jusqu'au 17 février 2021 ; sa situation n'a pas changé depuis la délivrance de son dernier titre de séjour ;

- l'arrêté litigieux, qui fait référence à des mesures d'éloignement annulées, est entaché d'une motivation irrégulière ; tenant l'absence de changement dans sa situation, les décisions attaquées sont injustifiées ;

- il devait se voir délivrer un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de son intégration, de sa moralité et de ses capacités financières ; il fait preuve d'intégration en France, ne menace pas l'ordre public et a toujours travaillé.

Une mise en demeure a été adressée au préfet de l'Aude le 14 avril 2023.

Par une ordonnance du 9 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juillet 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er janvier 1983, de nationalité marocaine, est entré en France le 18 décembre 2010 sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa long séjour " conjoint de français ". Il a, en dernier lieu, sollicité le 18 août 2021 la délivrance d'un titre de séjour, mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 octobre 2022, le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. A... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une erreur de droit qu'auraient commises les premiers juges.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. M. A... invoque l'irrégulière motivation de l'arrêté contesté. Toutefois, la circonstance que cet arrêté fasse mention de deux mesures d'éloignement prises en 2018 et 2019 qui ont été ensuite annulées par des jugements du tribunal administratif de Montpellier des 9 octobre 2018 et 5 juillet 2019 est sans incidence sur sa légalité dès lors que ces mentions ne constituent pas les motifs de la décision de refus de titre de séjour et de la nouvelle mesure d'éloignement en litige.

4. Si M. A... se prévaut de l'absence de changement dans sa situation depuis la délivrance de son dernier titre de séjour valable du 18 février 2020 au 17 février 2021, ce titre lui a été délivré à la suite du réexamen de sa situation, en conséquence de l'annulation, par le jugement précité du 5 juillet 2019 du tribunal administratif de Montpellier, de l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du 30 avril 2019 au motif que l'autorité préfectorale s'était crue à tort liée, par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pour refuser la demande de titre de séjour présentée par M. A... pour raisons de santé. La seule circonstance que M. A... ait ainsi précédemment bénéficié de ce titre de séjour ne faisait, par elle-même, pas obstacle à ce que l'autorité préfectorale oppose un refus à la demande présentée le 18 août 2021 par l'intéressé de délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. M. A... soutient qu'il devait se voir délivrer un titre de séjour en application des dispositions citées au point précédent de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en précisant que ses attaches privées et familiales sont exclusivement établies en France et en se prévalant notamment de son intégration, de l'absence de menace à l'ordre public et de ce qu'il a toujours travaillé. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré sur le territoire français le 18 décembre 2010 muni d'un visa long séjour en qualité de conjoint de français et qu'il a bénéficié d'un titre de séjour du 7 décembre 2011 au 6 décembre 2013, puis du 28 décembre 2016 au 27 décembre 2017, et enfin du 18 février 2020 au 17 février 2021. Toutefois, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 21 février 2014 et il admet lui-même s'être maintenu en situation irrégulière sur le territoire français au titre de la période allant du mois de mars 2014 au mois de novembre 2016. Il ressort également des pièces du dossier qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, le divorce de l'intéressé a été prononcé le 20 avril 2015 à ses torts exclusifs pour des faits de violences sur sa conjointe, alors que celle-ci se trouvait en situation de handicap. M. A... est désormais célibataire et sans charge de famille. S'il produit des attestations en sa faveur de son ancienne compagne et de sa mère, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir l'existence d'attaches privées particulièrement intenses sur le territoire français et M. A... ne démontre pas qu'il serait dépourvu de toutes attaches et se trouverait isolé en cas de retour au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Les circonstances qu'il a participé à des actions de bénévolat entre février et novembre 2017, qu'il a conclu un contrat individuel de formation professionnelle en décembre 2017, qu'il a notamment travaillé, sous contrats à durée déterminée conclus avec deux associations, respectivement de juin 2020 à janvier 2021 puis à compter de février 2022 et enfin qu'il a participé, à compter de mars 2022, à une action collective à visée d'insertion sociale, si elles témoignent d'efforts d'insertion, ne permettent cependant pas de regarder la décision de refus de séjour en litige comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite et eu égard à l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude du 7 octobre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux dépens et aux autres frais liés au litige ne peuvent également qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Girard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL00041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00041
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SELARL LYSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;23tl00041 ?
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