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16/07/2024 | FRANCE | N°22TL21291

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 16 juillet 2024, 22TL21291


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de ses écritures :

- de mettre fin à l'illégalité de la rétroactivité de la pension de retraite au 1er septembre 2018 et de retenir la date du 1er juillet 2019 comme date de mise à la retraite ;

- d'ordonner à la caisse de retraite de procéder à un nouveau calcul de sa pension de retraite ;

- de faire injonction à la personne publique de répondre

dans le délai d'un mois à sa demande de rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension de retraite ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de ses écritures :

- de mettre fin à l'illégalité de la rétroactivité de la pension de retraite au 1er septembre 2018 et de retenir la date du 1er juillet 2019 comme date de mise à la retraite ;

- d'ordonner à la caisse de retraite de procéder à un nouveau calcul de sa pension de retraite ;

- de faire injonction à la personne publique de répondre dans le délai d'un mois à sa demande de rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension de retraite et éventuellement sur le complément au titre de l'aide à la personne toujours nécessaire ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 188 909,14 euros en réparation des préjudices subis résultant de l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 254 022 euros en réparation des préjudices subis résultant de l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ;

- d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal, à compter du 9 août 2019 ;

- de condamner l'Etat à verser directement les sommes requises par sa mutuelle, ou lui faire injonction de détailler les sommes versées ;

- d'enjoindre au ministère de l'économie et des finances de lui communiquer l'ensemble des bulletins de paie réactualisés, toutes pièces nécessaires au calcul des sommes dues, les précisions quant aux sommes versées s'il s'agit de salaires ou de primes et en cas de refus de condamnation pour le complément d'invalidité retraite de lui faire injonction de prise en compte de ce complément et calcul et versement de ce montant supplémentaire ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement avant-dire droit n° 1905700 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a déclaré l'Etat responsable sans faute des conséquences dommageables des lésions anxio-dépressives de M. A..., résultant de l'accident de service subi le 29 juin 2011 et ordonné une expertise médicale, l'expert ayant notamment pour mission de procéder à un examen clinique des lésions anxio-dépressives de M. A... résultant de l'accident de service subi le 29 juin 2011, de fixer la date d'apparition de ces lésions, le taux d'incapacité permanente partielle lié à ces lésions, et le cas échéant une date de consolidation ainsi que de procéder, contradictoirement, à l'évaluation des préjudices directement liés aux dommages corporels subis par M. A..., résultant de ses seules lésions anxio-dépressives résultant de l'accident de service.

Par un jugement n°1905700 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 71 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2019, mis à sa charge les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des dépôts de pièces, enregistrés les 6, 21, 22 et 28 juin 2022, un mémoire, enregistré le 7 mars 2023, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 28 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Delort, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n°1905700 du tribunal administratif de Montpellier du 8 avril 2022 ;

2°) de mettre fin à l'illégalité de la rétroactivité de la pension de retraite au 1er septembre 2018 et de retenir la date du 1er juillet 2019 comme date de mise à la retraite, sinon, d'ordonner à l'Etat de prendre en compte cette date pour la régularisation de sa situation, à défaut, lui enjoindre de tirer toutes les conséquences de la date retenue de consolidation et de l'annulation du refus d'imputabilité de ses arrêts de maladie au service ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser ses pleins salaires manquants au titre de la période du 1er septembre 2018 au 29 juin 2019 ;

4°) de faire injonction à la personne publique de répondre dans le délai d'un mois à sa demande de rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension de retraite ;

5°) de condamner l'Etat, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à lui verser une somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral du fait du retard et des fautes de l'administration à considérer sa situation, une somme de 10 000 euros au titre des dommages financiers et préjudices moraux causés par les retards et refus de l'administration ainsi qu'une somme de 23 735,20 euros au titre de la perte de chance sérieuse de pouvoir solliciter une rente viagère d'invalidité cumulable avec sa pension de retraite, ou à défaut de régularisation de l'illégalité résultant de la date de consolidation du 29 juin 2019, une somme de 29 468,20 euros ;

6°) de condamner l'Etat, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à lui verser une somme de 10 269,70 euros au titre des rappels de salaires sur la période du 1er septembre 2018 au 29 juin 2019, une somme de 1 158,30 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire physique, de 23 652 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire psychique, une somme de 94 050 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ou, subsidiairement, de 65 050 euros, une somme de 54 000 euros au titre des douleurs, de 15 000 euros au titre des préjudices d'agrément, une somme de 128 887,20 euros au titre de l'aide à la personne, ces sommes étant assorties des intérêts à compter du 9 août 2019 ;

7°) d'enjoindre à l'Etat de régulariser sa situation en matière de date de mise en retraite et de versement des salaires complémentaires, de lui ordonner de tirer les conséquences de l'annulation du refus d'imputabilité de ses arrêts de maladie au service et de régler les sommes complémentaires dues, ainsi que de régulariser sa situation en matière de retraite, sinon ordonner la saisine de la commission de réforme ;

8°) d'enjoindre à l'Etat de lui communiquer l'ensemble des bulletins de paie réactualisés ;

9°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la fin de non-recevoir, tirée du défaut de conclusions en annulation ou réformation du jugement, ne saurait être accueillie ;

- le jugement avant dire droit, qui a reconnu l'imputabilité au service de ses arrêts de maladie depuis l'accident de service, n'a pas été correctement exécuté et l'expertise judiciaire a apporté un élément nouveau, à savoir, la date de consolidation de son état au 29 juin 2019 ; il en résulte que sa mise en retraite avant toute consolidation définitive est illégale et qu'aucune mise à la retraite ne pouvait intervenir avant la date de consolidation retenue par l'expert, alors qu'il n'avait pas épuisé ses droits à congé au 31 août 2018 ; cette prétention ne soulève pas un litige distinct ; le caractère définitif du jugement du 19 mars 2021 qui a statué sur la légalité de la décision portant mise en retraite ne saurait prospérer et lui être opposé ; il doit lui être accordé au titre des pertes de salaires une somme de 10 269,70 euros et le calcul de sa pension présente en outre une illégalité manifeste ;

- c'est à tort que le jugement attaqué a estimé irrecevables ses conclusions tendant à mettre fin à l'illégalité de la rétroactivité de la pension de retraite ;

- la prescription quadriennale ne lui est pas opposable ; son état ne pouvait être consolidé au 31 août 2012 en considération de l'ensemble de ses infirmités alors que ses lésions psychiques, comme ses lésions physiques, sont concomitantes à l'accident ; la prescription n'a pu intervenir à la date du 31 décembre 2017 ;

- le jugement contesté n'a pas tiré les conséquences financières de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail et de la date de consolidation retenue par l'expert ; il a perdu, à ce titre, sur la période allant de janvier 2013 à avril 2019, une somme de 95 957,84 euros et le calcul de sa pension comporte des erreurs manifestes ; le recalcul du montant de celle-ci est nécessaire ;

- l'administration est responsable de négligences réitérées dans la gestion de son dossier, de la perte de l'allocation temporaire d'invalidité, ainsi que de défaut d'information et soutien ;

- elle n'a pas totalement exécuté l'injonction du tribunal, qui lui a ordonné de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie anxio-dépressive et d'en tirer toutes les conséquences sur son droit à traitement ;

- il a perdu une chance sérieuse de solliciter le versement d'une rente viagère d'invalidité, le jugement avant dire droit n'étant pas définitif sur cette question, du fait des conclusions de l'expertise judiciaire ;

- il a dû rembourser des sommes à la mutuelle et à la caisse de retraite et en a subi des conséquences fiscales excessives ;

- l'administration doit l'indemniser de son déficit fonctionnel temporaire, permanent, du coût d'une tierce personne, de ses souffrances, de préjudices d'agrément ; il sollicite le versement d'une indemnité de 23 652 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire psychique et de 1 158,30 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire physique ; au titre du déficit fonctionnel permanent, il sollicite la somme de 94 050 euros ou, à défaut, celle de 65 050 euros ; au titre des souffrances endurées évaluées par l'expert, il demande qu'une somme de 50 000 euros lui soit allouée ; il sollicite également une somme de 4 500 euros au titre des souffrances physiques et douleurs non évaluées par l'expertise ; au titre des préjudices d'agrément, il sollicite une somme de 30 000 euros, subsidiairement, celles de 10 000 à 15 000 euros ; au titre du coût d'une tierce personne, il demande le versement d'une somme globale de 128 887,20 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 février 2022, 18 janvier et 20 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que :

- à titre principal, le recours est irrecevable, en raison du défaut de conclusions en annulation ou réformation du jugement ;

- doivent être jugées irrecevables les conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à la rétroactivité de la pension de retraite et à ce que soit retenue la date du 1er juillet 2019 comme date de mise en retraite dès lors qu'il s'agit de conclusions en déclaration de droits, les conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité pour faute résultant de l'illégalité du refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie dépressive, de l'illégalité de la décision l'admettant à la retraite pour invalidité " avec jouissance immédiate de la pension à compter du 1er septembre 2018 " et du manque de diligence de l'administration dans la gestion de la situation administrative et médicale de M. A... rejetées par le jugement avant dire droit définitif ainsi que les conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité pour faute résultant d'une mauvaise exécution du jugement n°1905975 du 10 juin 2021 qui relèvent d'un litige distinct et, enfin, les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal par le requérant ;

- à titre subsidiaire, le recours n'est pas fondé ;

- la pension du requérant a acquis un caractère définitif ; la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de maladie n'entraîne pas de reconnaissance en matière de droits à pension et de rente.

Par une ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2023.

Des dépôts de pièces, présentés pour le requérant, ont été enregistrés les 5, 6 et 28 février 2024 et n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Delort, représentant M. A....

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 8 juillet 2024 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., en dernier lieu contrôleur de 1ère classe à l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), exerçant ses fonctions à la direction régionale d'Occitanie, a été victime de plusieurs accidents de la circulation, les 27 juin 1983, 15 février 1985, 2 juillet 1997 puis le 29 juin 2011. Par une décision du 17 avril 2013, l'administration a reconnu imputable au service le dernier accident du 29 juin 2011, fixé la date de consolidation au 31 août 2012, et fixé un taux d'incapacité permanente partielle global et non séparable de l'accident subi en 1985 de 15 % pour des lombosciatalgies gauches chronicisées non déficitaires. Atteint d'un cancer de la vessie, M. A... a été placé, à sa demande, en congé longue maladie du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, puis en congé longue durée à compter du 1er septembre 2013 jusqu'au 31 août 2018. Par une décision du 15 avril 2019, il a été admis à la retraite pour invalidité " avec jouissance immédiate de la pension à compter du 1er septembre 2018 ". Par un jugement définitif n°1903056 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision portant mise à la retraite. Par un jugement définitif n°1905975 du 10 juin 2021, ce tribunal a annulé la décision implicite par laquelle l'institut national de la statistique et des études économiques a rejeté la demande formée par M. A... le 12 août 2019, tendant à ce que ses arrêts de travail postérieurs au 31 août 2012, soient reconnus imputables à l'accident de service subi le 29 juin 2011 et a enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la relance de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie anxio-dépressive dont souffre M. A... et d'en tirer toutes les conséquences sur le droit à traitement de l'intéressé. Par un jugement avant dire droit n°1905700 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a déclaré l'Etat responsable sans faute des conséquences dommageables des lésions anxio-dépressives de M. A..., résultant de l'accident de service du 29 juin 2011 et ordonné une expertise médicale, notamment pour évaluer les préjudices de l'intéressé résultant de ses lésions. Par un jugement n°1905700 du 8 avril 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a également condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 71 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2019.

Sur la fin de non-recevoir du ministre tirée du défaut de conclusions en annulation ou réformation du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. /(...) ".

3. En l'espèce, la requête de M. A..., qui contient l'exposé de moyens et de conclusions, répond aux exigences des dispositions citées au point précédent. En outre, M. A... doit être regardé comme ayant conclu à la réformation du jugement contesté du 8 avril 2022 " sur certains points et à l'augmentation du montant des préjudices ", Par suite, la fin de non-recevoir du ministre ne saurait être accueillie.

Sur les autres fins de non-recevoir du ministre :

4. Ainsi que le fait valoir le ministre, par le jugement avant dire droit susmentionné du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions indemnitaires du requérant fondées sur la responsabilité pour faute de l'Etat résultant de l'illégalité du refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie dépressive ainsi que de l'illégalité de la décision du 15 avril 2019 l'admettant à la retraite pour invalidité " avec jouissance immédiate de la pension à compter du 1er septembre 2018 ". Si M. A... soutient que ce même jugement a reconnu l'imputabilité au service de ses arrêts de maladie et qu'il convient de tenir compte de la date de consolidation de son état au 29 juin 2019 retenue par l'expertise judiciaire qu'il a ordonnée, il n'a cependant pas expressément contesté ledit jugement avant l'expiration du délai d'appel contre le jugement attaqué réglant définitivement le fond du litige, se bornant, seulement, à se prévaloir de son exécution incorrecte. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des rappels de salaires au titre de la période allant du 1er septembre 2018 au 29 juin 2019 ainsi qu'une indemnité au titre de la perte de chance d'obtenir une rente viagère d'invalidité sont irrecevables et doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de régulariser sa situation en matière de retraite en réglant notamment les compléments de salaires dus ou en tirant les conséquences de l'annulation du refus d'imputabilité de ses arrêts de maladie au service doivent également être rejetées de même que ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'illégalité de la rétroactivité de la pension de retraite au 1er septembre 2018 et retenue une date du 1er juillet 2019 comme date de mise à la retraite, ainsi que ses conclusions en injonction subséquentes.

5. Par le même jugement avant dire droit devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a également rejeté les conclusions indemnitaires de M. A... fondées sur la responsabilité pour faute de l'Etat du fait du manque de diligences dans la gestion de sa situation administrative et médicale et de la privation de l'allocation temporaire d'invalidité. Par suite, les demandes indemnitaires du requérant fondées sur les négligences réitérées de l'administration dans la gestion de son dossier ou la perte de l'allocation temporaire d'invalidité doivent également être rejetées comme irrecevables.

6. Enfin, au point 6 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a regardé la demande de M. A... de communication de l'ensemble des bulletins de paie réactualisés ainsi que celle de " faire injonction à la personne publique de répondre dans le délai d'un mois à sa demande de rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension de retraite " comme des conclusions à fin d'injonction à titre principal irrecevables. Le requérant, qui se borne à reprendre à l'instance les mêmes conclusions, ne conteste pas leur caractère irrecevable. M. A... ne peut davantage utilement invoquer dans ses écritures l'inexécution du jugement définitif n°1905975 du tribunal administratif de Montpellier du 10 juin 2021 ou les conséquences, au plan fiscal, de remboursements effectués à sa mutuelle et à la caisse de retraite en exécution de ce même jugement, lesquelles relèvent de ce litige distinct.

Sur le bien-fondé du jugement du 8 avril 2022 :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute en raison d'un défaut d'information et de soutien :

7. M. A... se plaint d'un défaut d'information et de soutien à de multiples reprises de la part de son administration en ce qui concerne ses droits en matière d'accident de service. Toutefois, il ne fournit aucun fait précis à l'appui de ses allégations de nature à caractériser la faute invoquée alors que le ministre fait notamment valoir en défense que les multiples pathologies du requérant et les différents accidents dont il a été victime ont rendu plus difficile l'examen de ses demandes et que l'administration a, dans ce contexte, fait tout son possible pour assurer le suivi de la situation de M. A..., ce dont témoignent les échanges fournis entretenus par les gestionnaires des ressources humaines de l'institut national de la statistique et des études économiques avec l'intéressé.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :

8. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne.

9. Il résulte de l'instruction que l'état de M. A... a rendu nécessaire, avant consolidation son assistance dans les actes de la vie quotidienne par une femme de ménage trois heures par semaine durant trois ans, le reste des activités quotidiennes étant alors réalisé par sa fille et surtout son épouse. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant, sur la base d'un tarif moyen horaire de 13 euros, à la somme de 6 084 euros. Si l'expert mentionne que M. A... a désormais repris ses activités de cuisine et de ménage, qu'il accompagne son épouse aux courses mais qu'il ne peut conduire, cette seule circonstance est, en l'absence d'autres éléments, insuffisante à établir que M. A... se trouverait, au titre de la période postérieure à la date de consolidation dans un état de dépendance tel qu'il justifierait une aide par tierce personne pour les nécessités de la vie quotidienne.

10. Si M. A... sollicite l'indemnisation de ses préjudices physiques, notamment la réparation d'un déficit fonctionnel temporaire physique et de ses souffrances physiques en soutenant que la prescription quadriennale ne lui est à ce titre pas opposable, le jugement avant dire droit définitif du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Montpellier a cependant déclaré l'Etat responsable sans faute des conséquences dommageables des seules lésions anxio-dépressives de M. A..., résultant de l'accident de service subi le 29 juin 2011. Par suite, sa demande d'indemnisation de ses préjudices physiques doit être rejetée.

11. Il résulte de l'instruction que, du fait de l'accident de service subi en 2011, M. A... présente un déficit fonctionnel permanent dont le taux a été fixé par l'expert à 30% s'agissant de ses troubles anxiodépressifs devenus chroniques. Il sera fait une juste appréciation des déficits fonctionnels temporaire et permanent de l'intéressé liés à ces troubles, compte tenu, notamment, de son âge à la date de consolidation de son état, en les fixant à la somme globale de 50 000 euros.

12. Il sera fait une juste appréciation des souffrances de M. A... liées à ses troubles psychiques, évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7, en les évaluant à la somme de 23 000 euros.

13. M. A... a également subi un préjudice d'agrément du fait de l'impossibilité de pratiquer la moto dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 2 000 euros.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité que l'Etat a été condamné par les premiers juges à lui verser en réparation des préjudices résultant de ses lésions anxio-dépressives soit portée de la somme de 71 000 euros à celle de 81 084 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2019.

Sur les frais liés aux litiges :

15. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a mis les frais de l'expertise qu'il avait ordonnée à la charge de l'Etat. Le jugement n'est pas contesté sur ce point.

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... en réparation de ses préjudices une indemnité de 81 084 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2019.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1905700 du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 avril 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL21291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21291
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : DELORT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;22tl21291 ?
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