Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 12 juin 2019 établissant les listes des candidats retenus sur les postes 2019-194710 et 2019-194713 de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier et le rejet du recours gracieux du 24 juillet 2019, et d'enjoindre à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier d'organiser une nouvelle procédure de recrutement sur ces postes.
Par une ordonnance n° 2004215 du 7 mars 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées respectivement le 24 mai 2022 et le 24 mars 2023, M. B... F..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 7 mars 2022 ;
2°) d'annuler les décisions du 12 juin 2019 établissant les listes des candidats retenus sur les postes 2019-194710 et 2019-194713 de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 24 juillet 2019 ;
3°) d'annuler la procédure de recrutement des professeurs sur ces postes ;
4°) d'enjoindre à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier d'organiser une nouvelle procédure de recrutement des professeurs sur ses postes ;
5°) de mettre à la charge de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête devant le tribunal n'était pas tardive et ne pouvait être rejetée par ordonnance dès lors qu'il justifiait de circonstances particulières l'ayant empêché de la présenter dans le délai d'un an fixé par la jurisprudence du Conseil d'Etat : il n'a pas été informé des voies et délais de recours et a été orienté vers le ministère de la culture à la suite de son recours gracieux, sans mention de la possibilité de recours contentieux ; ce ministère n'a pas répondu à son courrier ; il a fait l'objet de pression et de harcèlement mettant en cause son travail par des personnes signalées par le ministère dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale, signalement qui a donné lieu à enquête et citation par le procureur devant le tribunal correctionnel ; son recours gracieux aurait dû être transmis au ministre ; la décision de rejet n'est intervenue que le 25 septembre 2020 ; il a tenté une démarche de concertation auprès de sa hiérarchie et n'a cessé de dénoncer tant le contexte général de harcèlement au sein de l'école que le harcèlement particulier dont il a fait l'objet ; un audit sur les risques psycho-sociaux a été mené au sein de l'école, qui a mis en évidence des " violences verbales récurrentes " et des comportements " inadaptés et inappropriés ", comprenant des situations de harcèlement sexuel ;
- les décisions sont entachées d'un vice de procédure en ce que l'un des membres du jury était d'un rang inférieur à celui des candidats, en méconnaissance de l'article 11 du décret du 15 février 2018 et de l'article 1B du règlement intérieur ;
- elles sont également entachées d'un vice de procédure en ce que l'un des candidats entretenait des liens d'amitié étroits et pérennes avec l'un des membres du jury, M. G..., ainsi que des liens scientifiques avec Mme I... ;
- elles sont entachées d'illégalité en raison de l'illégalité de la composition du comité pédagogique et scientifique s'agissant de la règle d'équivalence de rang des professeurs et du méconnaissance du principe d'impartialité ;
- elles sont entachées de détournement de pouvoir et de fraude à la loi.
Par des mémoires enregistrés le 10 février 2023 et le 27 juillet 2023, M. H... représenté par Me Pechevis, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. F... et de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, conjointement, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le mémoire présenté par l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier est irrecevable en raison du défaut de mandat de son directeur ;
- il y a lieu d'écarter des débats les pièces n° 1 et 3 soumises au secret produites par l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, et n° 10 produite par M. F..., en application de l'article L. 5 du code de justice administrative ;
- l'appelant ne fait état d'aucune circonstance particulière justifiant de proroger au-delà d'un an, le délai raisonnable dans lequel il pouvait exercer un recours juridictionnel ;
- aucun des moyens invoqués par M. F... n'est fondé.
Par des mémoires en défense enregistrés le 4 mai 2023 et le 21 septembre 2023, l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, représentée par Me Jeanjean de la SCP SVA, demande de faire droit à la demande d'annulation de l'ordonnance du 7 mars 2022 et des décisions du 12 juin 2019 et de la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux formé par M. F..., de rejeter les conclusions présentées par le requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros sur le même fondement.
Elle fait valoir que :
- le directeur de l'établissement ayant été nommé par un arrêté du 3 août 2021, il n'y a pas lieu d'écarter des débats le mémoire du 4 mai 2023 ;
- le tribunal a commis une erreur de droit dès lors que la requête de M. F... n'était pas tardive ;
- la procédure de recrutement suivie a été irrégulière ; la composition du jury a été de nature à favoriser la candidature de M. A... ; les décisions sont entachées d'un détournement de pouvoir.
Par ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 29 février 2024.
Des pièces nouvelles ont été enregistrées le 6 juin 2024 pour l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier et n'ont pas été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mazas, représentant M. F..., et celles de Me Gimenez, représentant l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., architecte et enseignant à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier depuis le 1er septembre 2014 en qualité de maître-assistant, a été reclassé dans le corps des maîtres de conférences par arrêté du 14 mai 2018. Le 27 mai 2019 il a présenté sa candidature pour les deux postes de professeur en " Théorie et Pratique de la Conception Architecturale et Urbaine " (TPCAU). Il a été auditionné le 12 juin 2019. Par délibérations du comité de sélection établissant la liste des candidats retenus par ordre de préférence en date du 12 juin 2019, M. F... a été classé en troisième et dernier rang pour chacun des postes de professeur. Il relève appel de l'ordonnance du 7 mars 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ainsi que du rejet de son recours gracieux du 24 juillet 2019 comme manifestement irrecevable.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 du même code prévoit : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé ".
3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courriel du 24 juillet 2019 adressé au directeur de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, M. F... a fait état d'irrégularités de procédure et de possibles conflits d'intérêt, en particulier pour l'un des postes sur lesquels il s'était porté candidat. Eu égard aux termes de ce courriel, lequel se bornait à faire état d'irrégularités de procédure et indiquait qu'il envisageait de se renseigner auprès d'un avocat sur les éventuelles conséquences des faits relevés, celui-ci ne saurait être regardé comme un recours gracieux. Par suite, si le courriel du 24 juillet 2019 que lui a adressé en réponse le directeur de l'école, qui contestait au préalable toute irrégularité dans la procédure de sélection suivie, invitait l'intéressé à déposer un recours auprès du ministère de la culture, seul habilité à juger du bon déroulement de cette épreuve, les dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration ne faisaient aucune obligation au directeur de l'école de transmettre son courriel au ministre. Si M. F... soutient avoir engagé de nombreuses démarches auprès du ministère de la culture, il ne ressort cependant pas des termes du courrier qu'il a adressé au sous-directeur de l'enseignement supérieur et de la recherche en architecture le 30 janvier 2020 faisant de nouveau état des irrégularités constatées lors du concours de professeur ainsi que d'un contexte de harcèlement, et se bornant à solliciter une intervention auprès de l'école afin, " d'un côté, rétablir la légalité dans les recrutements " et, " de l'autre, protéger le droit au travail dans des conditions normales ", que ce courrier puisse être davantage regardé comme un recours hiérarchique. Il en est de même du courrier qu'il a adressé le 14 février 2020 au président du conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture, responsable des carrières dans ces écoles d'architecture. M. F... expose ensuite avoir transmis de nombreux courriers au ministère de la culture pour dénoncer le contexte général de harcèlement au sein de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier entre le 11 février et le 20 juillet 2020, ajoutant que ses démarches s'inscrivent dans un contexte psycho-social extrêmement dégradé ayant abouti à la saisine de l'inspection générale des affaires culturelles par la ministre de la culture le 21 juillet 2020. Il se prévaut également du signalement effectué le 15 décembre 2020 par le secrétaire général du ministère de la culture sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale concernant le directeur de l'école ainsi que M. A..., titulaire de l'un des postes de professeur pour lequel le requérant s'était porté candidat, à la suite des éléments recueillis par l'inspection générale des affaires culturelles dans le cadre de cette mission en novembre 2020. Toutefois, alors que le requérant a effectivement alerté les différents services du ministère de la culture sur le contexte psycho-social détérioré qui sévissait au sein de l'école, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce contexte ait été de nature à faire obstacle à l'exercice d'un recours administratif ou juridictionnel en temps utile. De même, s'il expose avoir fait l'objet de pressions de la part de l'autorité hiérarchique, la circonstance que le directeur de l'école lui ait demandé par courrier du 3 juillet 2019 de solliciter une dérogation concernant son lieu de résidence ne permet de justifier d'aucun empêchement pour exercer un recours à l'encontre des délibérations contestées. Enfin, M. F... ne peut se prévaloir de son état de santé dégradé en se bornant à produire une attestation du 17 décembre 2021 établie par un médecin psychiatre indiquant le suivre en consultation depuis novembre 2020 en raison d'un trouble dépressif majeur en lien avec une situation de harcèlement moral dans son environnement professionnel. Dans ces conditions, M. F... ne peut se prévaloir d'aucune circonstance particulière qui l'aurait empêché de former un recours juridictionnel à l'encontre des délibérations en litige au-delà d'un délai raisonnable, en l'espèce d'un an suivant la date à laquelle il en a eu connaissance. Sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 25 septembre 2020 était dès lors tardive.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit utile de statuer sur la recevabilité du mémoire de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier ni d'ordonner que des pièces soient écartées des débats, que c'est à bon droit que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier et de M. A... présentées en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier et par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier (ENSAM), à M. D... A... et à M. E... C....
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.
La présidente rapporteure,
A. Geslan-Demaret
Le premier conseiller le plus ancien,
T. Teulière
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21213 2