La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2024 | FRANCE | N°22TL21142

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 16 juillet 2024, 22TL21142


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 7 février 2020 de la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat en tant qu'elle l'a placée en congés de maladie ordinaire à compter du 10 décembre 2018 et les deux arrêtés de régularisation édictés en lien avec cette décision, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat de la placer rétroactiv

ement en congé de maladie imputable au service à compter du 10 décembre 2018 en lui assurant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 7 février 2020 de la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat en tant qu'elle l'a placée en congés de maladie ordinaire à compter du 10 décembre 2018 et les deux arrêtés de régularisation édictés en lien avec cette décision, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat de la placer rétroactivement en congé de maladie imputable au service à compter du 10 décembre 2018 en lui assurant l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit établi par un médecin agréé que son état de santé lui permet de reprendre son service et d'établir les arrêtés de régularisation en conséquence depuis le 10 décembre 2018, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge de Tarn-et-Garonne Habitat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004888 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 7 février 2020 de la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, a enjoint à la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat de placer rétroactivement Mme B... en congés de maladie imputables au service pour la période du 10 décembre 2018 au 30 avril 2019 et d'établir un arrêté de régularisation en conséquence dans le délai d'un mois, mis à la charge de l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Panfili, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2004888 du 25 mars 2022 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a jugé irrecevables en raison de leur tardiveté, ses conclusions à fin d'annulation des deux arrêtés de régularisation en date du 2 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2020 par lequel la directrice générale de l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat l'a placée en congé de maladie ordinaire au titre de la période du 25 septembre 2019 au 31 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre à l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat de la placer rétroactivement en congé de maladie imputable au service à compter du 25 septembre 2019 jusqu'au 27 septembre 2021, avec prise en compte des droits afférents, de rétablir ses indemnités de fonction, de sujétion et d'expertise, de lui verser les primes d'objectifs non obtenues depuis octobre 2018, de recalculer et d'ajuster les primes d'intéressement versées depuis octobre 2018 et de régulariser les arrêtés en conséquence ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat une somme de 3 000 euros au titre de L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé tardives ses conclusions à fin d'annulation des deux arrêtés de régularisation du 2 janvier 2020, en considération de la personnalité morale de son employeur de droit privé et qu'il l'a ainsi privée, en sa qualité de fonctionnaire, des droits de recours qu'elle tient de son statut ; l'article 6 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ne suffit pas pour exclure l'application de la prorogation des délais aux établissements publics industriels et commerciaux dès lors que le litige concerne un fonctionnaire territorial et relève donc de la matière administrative ; il résulte du I de l'article 1er, de l'article 2 de cette ordonnance ainsi que du I de l'article 15 de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, un mécanisme général de prorogation des différents délais de toute nature ;

- le jugement n°2000948 du 25 mars 2022 du même tribunal a reconnu comme justifié l'octroi de la protection fonctionnelle en considération de la poursuite des faits de harcèlement moral qu'elle a dénoncés entre le 16 juillet et le 25 septembre 2019 ; il n'est donc pas cohérent de reconnaître un congé de maladie imputable au service jusqu'au 30 avril 2019 seulement alors que la protection fonctionnelle est octroyée jusqu'au 25 septembre 2019 et que les arrêts de travail ont le même fait générateur ; ces faits de harcèlement reconnus sur la période d'octobre 2018 à septembre 2019 l'ont empêchée de travailler en continu, ont entraîné des arrêts successifs continuant d'altérer sa santé et après trois tentatives de reprise, elle a été arrêtée pendant deux ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2022, l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat, représenté par la SELAS Barthélémy Avocats, agissant par Me Liberi, conclut au rejet de la requête de Mme B..., sollicite, par la voie d'un appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 7 février 2020 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de la requérante, a enjoint à la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat de placer rétroactivement Mme B... en congés de maladie imputables au service pour la période du 10 décembre 2018 au 30 avril 2019 et d'établir un arrêté de régularisation en conséquence et mis à sa charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit qu'il a été jugé que les demandes dirigées contre les arrêtés du 2 janvier 2020 étaient tardives ;

- le jugement dont entend se prévaloir la requérante, statuant sur sa demande relative à la protection fonctionnelle, n'est pas définitif ; l'intéressée a été placée à sa demande en congé de longue durée à compter du 25 septembre 2019 et cette décision est devenue définitive ; aucun élément du dossier ne permet de justifier de l'imputabilité au service de son état de santé pour les arrêts postérieurs au 30 avril 2019 ;

- s'agissant de la lettre du 7 février 2020, en retenant une carence de motivation alors que la requérante n'en contestait que les motifs, le tribunal est allé au-delà de ce qui était soutenu par elle ; cette lettre ne peut être considérée comme une décision de placement de l'intéressée sous le régime de la maladie ordinaire et ne faisait pas grief dès lors qu'elle complétait seulement le contenu des deux arrêtés du 2 janvier 2020 ; elle a été contestée par un recours gracieux, implicitement rejeté ; le délai de recours contre cette décision implicite de rejet a expiré avant le recours contentieux de Mme B... et le délai de recours contre les décisions antérieures était également écoulé ;

- les arrêts de travail intervenus entre le 10 décembre 2018 et le 30 avril 2019 ne sont pas liés à un état de santé imputable au service ; la requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer que son état de santé serait effectivement lié à l'accident initial postérieurement au 9 décembre 2018 ; elle souffrait, au début de l'année 2019, d'une autre pathologie de nature à justifier son inaptitude à reprendre ses fonctions ; à compter du 9 décembre 2018, son état était consolidé et à compter de cette date, ses arrêts de travail ne pouvaient être considérés comme en lien avec un état de santé imputable au service ;

- les demandes de versement de sommes relatives aux primes d'objectif ou d'intéressement et au régime indemnitaire sont nouvelles en appel, et à ce titre, irrecevables ; la requérante ne fait pas état du moindre fondement juridique au soutien de ses prétentions ; de telles demandes d'injonction sont irrecevables et infondées.

Par une ordonnance du 20 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2023.

Un dépôt de pièces a été enregistré le 21 juillet 2023, pour l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat, et n'a pas été communiqué.

Un mémoire en défense récapitulatif, enregistré le 7 septembre 2023, a été présenté pour l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat, représenté par la SELARL Boissy avocats associés, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Feres-Massol, représentant Mme B... et les observations de Me Danguy, représentant Tarn-et-Garonne Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., nommée au grade de directeur territorial le 18 décembre 2009, occupait, depuis le 1er janvier 2005, le poste de directeur administratif et financier de l'office public départemental d'habitations à loyer modéré de Tarn-et-Garonne, devenu Tarn-et-Garonne Habitat, établissement public local à caractère industriel et commercial. En octobre 2018, elle a été affectée sur un poste de contrôle de gestion. Mme B... a alors notamment fait l'objet d'arrêts de travail pour les périodes allant du 26 novembre 2018 au 30 avril 2019, du 15 mai au 15 juillet 2019, ainsi qu'à compter du 25 septembre 2019. Par une lettre du 7 février 2020, la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat a informé l'intéressée de ce que l'établissement avait décidé de suivre l'avis du 11 décembre 2019 de la commission de réforme et que, par conséquent, seul son arrêt de travail allant du 26 novembre au 9 décembre 2018 était considéré comme imputable au service, les arrêts suivants étant regardés comme des arrêts de travail pour maladie ordinaire. La directrice générale a également précisé que des arrêtés de régularisation, en cours de préparation, lui seraient prochainement adressés. Trois arrêtés de régularisation datés du 2 janvier 2020 ont alors été notifiés à Mme B... par une lettre de la directrice générale du 12 février 2020 reçue le 17 février suivant. Par une lettre du 3 mars 2020, reçue le 5 mars suivant, Mme B... a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision du 7 février 2020 et des deux arrêtés de régularisation l'ayant placée en congé de maladie ordinaire pour les périodes allant du 10 décembre 2018 au 30 avril 2019 et du 25 septembre 2019 au 31 janvier 2020. Ce recours gracieux a été implicitement rejeté. Mme B... relève appel du jugement n°2004888 du 25 mars 2022 du tribunal administratif de Toulouse en tant que ce jugement a estimé tardives ses conclusions à fin d'annulation des deux arrêtés de régularisation en date du 2 janvier 2020. L'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat forme, quant à lui, un appel incident tendant à la réformation du jugement attaqué en tant que ce dernier a annulé la décision du 7 février 2020, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux, qu'il a enjoint de placer rétroactivement Mme B... en congés de maladie imputables au service pour la période du 10 décembre 2018 au 30 avril 2019 et d'établir un arrêté de régularisation en conséquence et enfin qu'il a mis à sa charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur l'appel principal :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...) ". Selon l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ". En vertu de l'article L. 112-6 de ce code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 100-3 du même code : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : / 1° Administration : les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes du I de l'article 15 de l'ordonnance susvisée n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif.(...) ". Le I de l'article 1er de l'ordonnance susvisée n°2020-306 du 25 mars 2020, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que : " Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. ". Le premier alinéa de l'article 2 de la même ordonnance prévoit que : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. ". Aux termes de l'article 6 de cette ordonnance : " Le présent titre s'applique aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu'aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ". Enfin, selon l'article 7 de cette ordonnance : " Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. (...) ".

4. En l'espèce, il est constant que Mme B... a reçu notification, le 17 février 2020, des arrêtés litigieux datés du 2 janvier 2020 par lesquels la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat l'a placée en congé de maladie ordinaire, d'une part, pour la période du 10 décembre 2018 au 30 avril 2019, et d'autre part, pour la période du 25 septembre 2019 au 31 janvier 2020 et qui comportaient la mention des voies et délais de recours ouverts à leur encontre. Tarn-et-Garonne Habitat étant un établissement public local industriel et commercial par application des dispositions de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation et se trouvant ainsi hors du champ d'application de l'article 6 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, les dispositions précitées de l'article 7 de la même ordonnance, relatives à la suspension des délais à l'issue desquels une décision est susceptible d'intervenir, n'étaient donc pas applicables au litige. Il en résulte qu'à la suite du recours gracieux formé le 3 mars 2020 par Mme B... contre les arrêtés litigieux, reçu le 5 mars suivant, le délai à l'issue duquel une décision implicite de rejet était susceptible d'intervenir sur ce recours n'a pas été suspendu et qu'une décision tacite de rejet est ainsi intervenue le 5 mai 2020, quand bien même aucun accusé de réception du recours gracieux n'a été notifié à Mme B.... A cet égard, cette dernière ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, inapplicables au litige, son employeur n'étant pas une administration au sens de ce code. Si en application des dispositions combinées des articles 1er et 2 de l'ordonnance n°2020-306, le délai de recours contentieux de droit commun de deux mois n'a commencé à courir qu'à compter du 24 juin 2020, sa requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 30 septembre 2020, soit postérieurement à l'expiration du délai de deux mois, le 24 août 2020, était tardive.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme tardives ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés de régularisation du 2 janvier 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'annulation de l'arrêté du 2 janvier 2020 par lequel la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat l'a placée en congé de maladie ordinaire au titre de la période du 25 septembre 2019 au 31 janvier 2020, et à fin d'injonctions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'appel incident :

6. En visant les moyens tirés d'un défaut de motivation de la décision attaquée du 7 février 2020 et d'une insuffisante motivation de l'avis de la commission de réforme, expressément soulevés par la requérante et en retenant à ce titre un défaut de motivation de la décision du 7 février 2020, le tribunal n'a pas inexactement interprété l'argumentation dont il était saisi et n'a pas retenu à tort un moyen qu'il aurait soulevé d'office. Par suite, le moyen de l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat relatif à la régularité du jugement ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

7. Par une lettre du 7 février 2020, la directrice générale de l'établissement public a informé Mme B... de ce qu'elle avait décidé de suivre l'avis du 11 décembre 2019 de la commission de réforme et que, par conséquent, seul son arrêt de travail allant du 26 novembre au 9 décembre 2018 était considéré comme imputable au service, les arrêts suivants étant regardés comme des arrêts de travail pour maladie ordinaire. La directrice générale a également précisé à cette occasion que des arrêtés de régularisation, en cours de préparation, lui seraient prochainement adressés. Par suite, eu égard à son objet, cette lettre par laquelle la requérante a eu connaissance du refus de l'établissement public d'admettre l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 9 décembre 2018 avait un caractère décisoire et était susceptible de faire grief à sa destinataire. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de décision faisant grief doit donc être écartée.

8. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige du 7 février 2020 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours et que Mme B... a formé un recours gracieux le 3 mars 2020 contre cette décision, qui a été implicitement rejeté le 5 mai 2020. Dans ces circonstances, l'intéressée, qui ne pouvait se voir opposer les délais de recours fixés par le code de justice administrative, disposait, pour introduire son recours contentieux contre la décision administrative qu'elle conteste, à compter du jour où elle en a eu connaissance, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point ci-dessus. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de son recours à l'encontre de cette décision ne saurait donc être accueillie.

10. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions alors en vigueur de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

11. Il résulte de la décision contestée du 7 février 2020 que la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat a reconnu comme étant un accident de service l'événement du 22 novembre 2018 déclaré par Mme B... et qu'elle a, en conséquence, reconnu l'imputabilité au service de son arrêt de travail au titre de la période allant du 26 novembre 2018 au 9 décembre 2018. Il ressort des pièces du dossier que l'avis d'arrêt de travail initial indiquait la présence d'un " épisode dépressif " et d'un " syndrome dépressif réactionnel ", au titre des éléments médicaux le justifiant. Par la suite, cinq avis de prolongation d'arrêt de travail ont été successivement établis, couvrant sans interruption, la période du 10 décembre 2018 au 30 avril 2019. Si l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat fait valoir que Mme B... a souffert d'une autre pathologie au début de l'année 2019 qui pourrait justifier son inaptitude à reprendre ses fonctions, le seul compte-rendu d'examen de l'épaule du 8 février 2019 que l'intéressée a produit en première instance n'est pas de nature à établir que cette pathologie serait à l'origine des avis de prolongation d'arrêt de travail concernés, qui ont tous été signés par le même médecin psychiatre. D'autre part, en retenant la date du 9 décembre 2018, date de consolidation de l'état de santé de l'agent suivant l'avis de la commission de réforme, comme date du terme de son congé de maladie imputable au service, alors que cette date n'impliquait pas, par elle-même, la rupture du lien de causalité entre l'accident de service du 26 novembre 2018 et les arrêts de travail postérieurs au 9 décembre 2018, l'établissement public a commis une erreur de droit. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de retenir l'imputabilité au service des congés de maladie de la requérante au titre de la période allant du 10 décembre 2018 au 30 avril 2019, la directrice générale de Tarn-et-Garonne Habitat a fait une inexacte application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 11 que l'ensemble des conclusions d'appel incident de l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par l'établissement Tarn-et-Garonne Habitat sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'établissement public Tarn-et-Garonne Habitat.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22TL21142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21142
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-07 Procédure. - Introduction de l'instance. - Délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : PANFILI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;22tl21142 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award