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16/07/2024 | FRANCE | N°22TL20488

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 16 juillet 2024, 22TL20488


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 27 mars 2019 par laquelle la directrice du groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie a supprimé son poste de responsable administratif et financier, d'autre part, la décision, révélée par le courriel du 29 mai 2019, par laquelle elle l'a licenciée en l'absence de possibilité de reclassement, d'enjoindre à ce groupement d'intérêt public de la

réintégrer dans ses fonctions en procédant à la reconstitution de sa carrière à compter ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 27 mars 2019 par laquelle la directrice du groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie a supprimé son poste de responsable administratif et financier, d'autre part, la décision, révélée par le courriel du 29 mai 2019, par laquelle elle l'a licenciée en l'absence de possibilité de reclassement, d'enjoindre à ce groupement d'intérêt public de la réintégrer dans ses fonctions en procédant à la reconstitution de sa carrière à compter de la prise d'effet de son licenciement, dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1903534 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision, révélée par le courriel du 29 mai 2019, par laquelle la directrice du groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie a licencié Mme B... en l'absence de possibilité de reclassement, a enjoint à la directrice du groupement, d'une part, de régulariser la situation administrative de Mme B... en la réintégrant juridiquement et rétroactivement dans les effectifs du groupement et d'autre part, de réexaminer sa situation en ce qui concerne sa réintégration effective dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge du groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 22BX00488 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL20488, et un mémoire, enregistré le 29 juin 2023, le groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences (ORU) Occitanie, représenté par Me Deschamps, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions de Mme B... ;

2°) de rejeter les demandes de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son mémoire, enregistré le 17 juillet 2020, aurait dû être communiqué ;

- la décision du 27 mars 2019, qui doit être qualifiée de décision de licenciement et non de décision de suppression de poste, est devenue définitive ; le recours contre cette décision étant tardif et cette tardiveté ayant été à bon droit opposée, le jugement doit être infirmé et la demande reconventionnelle de Mme B... rejetée ; cette dernière est seulement recevable à exciper de l'illégalité de la décision portant licenciement ; il a un double intérêt à opposer cette irrecevabilité ;

- le moyen tiré du défaut de base légale de la décision de licenciement retenu par le tribunal est infondé ; l a décision individuelle de licenciement a été notifiée à Mme B... le 29 mars 2019 et cette notification lui est opposable ; il n'existe aucune obligation de publication des emplois ; à supposer une publication requise, cette circonstance est indifférente s'agissant des délais courant à l'égard de la requérante ; le poste de l'agent a disparu avec l'entité qui l'avait recrutée et Mme B... a seulement bénéficié d'un transfert après avoir refusé une proposition de poste ; la décision notifiée comportait la mention des voies et délais de recours ; les demandes d'annulation de la décision de licenciement notifiée le 29 mars 2019 sont irrecevables, faute de recours introduit dans le délai de droit commun de deux mois ;

- la décision informant d'une impossibilité de reclassement n'est soumise à aucune condition de forme et c'est à tort que le jugement a retenu qu'il n'avait pas formalisé de décision de licenciement ;

- s'agissant du non-respect du préavis et de la date d'effet du licenciement, les termes de la lettre de notification du licenciement sont exacts et il ne peut en être déduit aucune irrégularité ; une erreur de décompte de son préavis est sans incidence sur la légalité de la durée de ce préavis de deux mois ; le cours du préavis n'est pas suspendu ou interrompu pendant un arrêt maladie ; il expirait en l'espèce le 29 mai 2019 ; aucune disposition n'interdit à l'employeur de faire part à son agent d'un refus de reclassement avant l'expiration du délai d'une durée maximale de trois mois pendant lequel il est placé en congé sans traitement ; il n'avait pas à accorder une suspension trimestrielle artificielle alors que l'impossibilité de reclassement a été constatée avant la fin du préavis ; à supposer qu'une erreur ait été commise dans le calcul des droits ou la date de sortie de l'intéressée, elle n'a pas eu d'incidence sur la légalité des décisions contestées ;

- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision portant licenciement de l'intéressée au motif du défaut de consultation du médecin coordonnateur ;

- le moyen tiré de la rétroactivité illégale de la décision du 29 mai 2019 en raison de sa prise d'effet au 28 mai 2019 ne saurait être retenu ;

- l'appel incident est infondé ; les vices de forme ou de procédure invoqués, notamment l'absence d'avis préalable du conseil d'administration, ne peuvent être utilement discutés au titre d'une exception d'illégalité, compte tenu de la tardiveté du recours ; le moyen tiré de ce que la décision de suppression d'emplois a été prise par une autorité incompétente est infondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 septembre 2022 et 31 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Cayssials, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué, ensemble de la décision du 27 mars 2019 portant suppression de son emploi et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du groupement requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le tribunal n'a pas interprété de façon erronée les conclusions dont il était saisi ;

- les moyens soulevés relatifs à la régularité du jugement ne sont pas fondés ;

- le jugement attaqué est bien fondé en tant qu'il a annulé la décision finale de licenciement ; les moyens dirigés contre les motifs retenus respectivement aux points 15 et 16, 17, 18 et 19, 20 et 21 du jugement attaqué doivent être écartés ;

- subsidiairement, la décision finale de licenciement est entachée de rétroactivité illégale ;

- ses conclusions d'appel incident sont recevables ; sa demande d'annulation de la décision de suppression d'emploi n'était pas tardive, cette décision à caractère réglementaire n'ayant donné lieu à aucune publication ; la directrice du groupement n'était pas matériellement compétente pour procéder à la suppression d'emploi litigieuse qui relevait de l'assemblée générale du groupement.

Par une ordonnance du 1er août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2023.

Un mémoire, produit pour Mme B... a été enregistré le 31 octobre 2023 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2012-1240 du 7 novembre 2012 ;

- le décret n°2013-292 du 5 avril 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Deschamps représentant le groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie et les observations de Me Santin, substituant Me Cayssials, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., recrutée le 21 janvier 2002 par le centre hospitalier universitaire de Toulouse, a été mise à disposition, à compter du 1er mars 2004, du groupement d'intérêt public de l'Observatoire Régional des Urgences Midi-Pyrénées, puis directement recrutée par ce groupement, en vertu d'un contrat à durée indéterminée prenant effet le 3 septembre 2007, en qualité de responsable administrative. Afin de tirer les conséquences de la nouvelle carte régionale résultant de la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015, un nouveau groupement d'intérêt public, dénommé Observatoire Régional des Urgences (ORU) Occitanie, a alors été créé dans un contexte de restructuration, lequel a repris les activités des groupements des observatoires Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Le transfert effectif d'activités et de moyens a été précédé d'une période dite de " préfiguration ", assurant la continuité du service, entre avril 2018 et janvier 2019. Le 16 avril 2018, la candidature de Mme B... au poste de directrice préfiguratrice du groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie a été rejetée. Après qu'elle a refusé une offre d'emploi pour devenir adjointe des cadres au centre hospitalier universitaire de Toulouse, l'intéressée a finalement été recrutée par le groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie, par avenant du 4 février 2019 à son contrat à durée indéterminée prenant effet au 1er janvier 2019, pour y exercer les fonctions de chargée de mission administrative. Mais, par une lettre du 27 mars 2019, la directrice du groupement a informé Mme B... de son licenciement au motif de la suppression de son poste. La demande de reclassement que l'intéressée a ensuite présentée a été rejetée par un courriel du 29 mai 2019 et son licenciement est, dès lors, devenu effectif. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 27 mars 2019 par laquelle la directrice du groupement Observatoire Régional des Urgences Occitanie a décidé de supprimer son emploi, et d'autre part, la décision, révélée par le courriel du 29 mai 2019, par laquelle elle a été définitivement licenciée en l'absence de possibilité de reclassement. Par un jugement n°1903534 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision portant licenciement en l'absence de possibilité de reclassement, a enjoint à la directrice du groupement, d'une part, de régulariser la situation administrative de l'intéressée, en la réintégrant juridiquement et rétroactivement dans les effectifs et d'autre part, de réexaminer sa situation en ce qui concerne sa réintégration effective dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge du groupement une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande de Mme B.... Le groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie relève appel de ce jugement et Mme B... forme, quant à elle, un appel incident à son encontre.

Sur la régularité du jugement :

2. La circonstance que le mémoire du groupement requérant, enregistré le 17 juillet 2020, n'ait pas été communiqué à Mme B... en cours d'instance devant le tribunal n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard du requérant et ne saurait, dès lors, être utilement invoqué par lui.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

3. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le présent décret détermine le régime de droit public, mentionné au dernier alinéa de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 susvisée, auquel peuvent être soumis les personnels et le directeur d'un groupement d'intérêt public dans les conditions prévues à ce même article. / II. ' A l'exception des agents publics placés en situation de mise à disposition ainsi que des personnels mis à disposition par une personne morale de droit privé membre du groupement en application du 1° de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 susvisée et régis par l'article 3 du présent décret, les personnels d'un groupement d'intérêt public relevant du I sont régis par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 susvisé à l'exception des articles 5, 6, 8, 27, 28, 28-1, 29, 30, 31 et 42-1 à 42-7, sous réserve des dispositions du titre Ier du présent décret. ".

4. Aux termes de l'article 45-3 du décret susvisé du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d'un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent doit être justifié par l'un des motifs suivants : / 1° La suppression du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent ; (...) ". L'article 45-5 du même décret dispose : " I.- Le licenciement pour un des motifs prévus aux 1° à 4° de l'article 45-3 ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent, dans un autre emploi que la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement des agents non titulaires, n'est pas possible. Ce reclassement concerne les agents recrutés pour des besoins permanents par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L'emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat. / Il s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'agent, d'un emploi relevant d'une catégorie inférieure. / L'offre de reclassement concerne les emplois des services relevant de l'autorité ayant recruté l'agent. L'offre de reclassement proposée à l'agent est écrite et précise. L'emploi proposé est compatible avec ses compétences professionnelles. / II.- Lorsque l'administration envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I du présent article, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 47. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 1er-2, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. / Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 46. / Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 46 et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. / III.- En cas de reclassement, ne sont pas applicables à la rupture ou à la modification du contrat antérieur de l'agent les dispositions relatives à la fin de contrat prévues au chapitre Ier ni celles relatives au licenciement prévues au chapitre II. / IV.- Lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou en cas d'absence de demande formulée dans le délai indiqué au troisième alinéa du II, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 46. / V.- Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 46, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue de ce délai, pour une durée maximale de trois mois, dans l'attente d'un reclassement dans les conditions prévues au I. / Le placement de l'agent en congé sans traitement suspend la date d'effet du licenciement. Une attestation de suspension du contrat de travail du fait de l'administration est délivrée à l'agent. / L'agent peut à tout moment, au cours de la période de trois mois mentionnée au premier alinéa du V, revenir sur sa demande de reclassement. Il est alors licencié. / En cas de refus de l'emploi proposé par l'administration ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié. ".

5. La lettre recommandée, mentionnée au II de l'article 45-5 du décret du 17 janvier 1986, par laquelle l'administration, après avoir convoqué l'agent contractuel à un entretien préalable et consulté la commission consultative paritaire, lui notifie sa décision de le licencier en précisant les motifs de son licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir et l'invite à présenter une demande écrite de reclassement dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 46, a pour effet de priver l'agent de son emploi tel qu'il résulte de son contrat et, s'il n'est pas fait usage de la faculté de reclassement, de mettre fin à son emploi au sein de l'administration. Il s'ensuit qu'il s'agit d'une décision faisant grief et que l'agent concerné peut former un recours pour excès de pouvoir contre elle, si elle n'est pas devenue définitive, sans qu'il y ait lieu de distinguer, pour apprécier l'effet de cette décision, selon que l'intéressé ne fait pas de demande de reclassement ou refuse le bénéfice de la procédure de reclassement, ou bien que, ayant fait une telle demande, il fait l'objet d'un reclassement, est placé en congé sans traitement à l'issue du préavis prévu à l'article 46 ou, en cas de refus de l'emploi proposé ou d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement, est finalement licencié.

6. La décision de reclassement, d'une part, et les décisions de placement en congé sans traitement et de licenciement en cas d'échec de la procédure de reclassement, mentionnées aux IV et V de l'article 45-5 du décret du 17 janvier 1986, d'autre part, doivent être formalisées par écrit, sans que l'administration ait à reprendre la procédure prévue au II des dispositions de cet article, et sont, elles aussi, susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

7. Ces mêmes décisions ne peuvent être légalement prises si la décision de licenciement prise sur le fondement du II de l'article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 n'est pas intervenue. Il suit de là que l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision initiale emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables contre elles, l'annulation par voie de conséquence des décisions de reclassement, de placement en congé sans traitement ou de licenciement en cas de refus de l'emploi proposé par l'administration ou d'impossibilité de reclassement au terme du congé de trois mois.

8. Un agent peut utilement exciper de l'illégalité de la décision de licenciement prise sur le fondement du II de l'article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions prononçant son reclassement, le plaçant en congé sans traitement ou procédant à son licenciement en cas de refus de l'emploi proposé par l'administration ou d'impossibilité de reclassement au terme du congé de reclassement. La décision initiale de licenciement et les décisions ultérieures de reclassement, de placement en congé sans rémunération et de licenciement sur le fondement du V de l'article 45-5 constituant des éléments d'une opération complexe, le caractère définitif de la décision initiale de licenciement ne peut être opposé à cette exception d'illégalité.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la recevabilité des demandes de première instance :

9. Le groupement requérant soutient que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions en annulation de la décision de licenciement, notifiée à Mme B... le 29 mars 2019 et non contestée dans le délai de recours. Cependant, il résulte de l'instruction que Mme B... a contesté devant le tribunal, d'une part, la décision de suppression de poste contenue dans la lettre de licenciement du 27 mars 2019 dont elle a été destinataire, d'autre part, la décision de la licencier du fait de l'impossibilité de la reclasser, révélée par un courriel du 29 mai 2019. Le tribunal, qui a rejeté au fond la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision de suppression d'emploi, n'était donc, sur ce premier point en litige, pas tenu d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense. Par ailleurs, sur le second point en litige, le tribunal, après avoir précisé qu'étaient susceptibles d'un recours pour excès de pouvoir autonome non seulement la décision initiale de licenciement et la décision portant refus de reclassement, mais aussi la décision finale de licenciement en l'absence de possibilité de reclassement, a notamment indiqué qu'alors que cette dernière décision a été révélée par le courriel du 29 mai 2019, les conclusions à fin d'annulation présentées le 28 juin 2019 par Mme B... à son encontre n'étaient pas tardives. Ainsi, le groupement requérant, qui ne peut utilement se prévaloir du caractère définitif de la décision de licenciement initiale pour suppression de poste, notifiée le 29 mars 2019, pour opposer à Mme B... la tardiveté de ses conclusions dirigées contre la décision finale de licenciement, révélée par un courriel du 29 mai 2019 ne comportant pas de mentions et voies et délais de recours, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté cette fin de non-recevoir pour tardiveté.

10. Enfin, contrairement à ce que soutient le groupement requérant, la décision portant suppression d'emploi constituant un acte réglementaire n'ayant fait l'objet d'aucune publication, les conclusions présentées par Mme B... à son encontre n'étaient pas tardives, alors même que cette décision contenue dans la lettre de licenciement initial a été notifiée le 29 mars 2019 à Mme B... et qu'elle ne l'a pas contestée dans le délai de deux mois à compter de cette notification.

En ce qui concerne la légalité de la décision de licenciement en l'absence de possibilité de reclassement :

11. Aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les actes réglementaires ne sont opposables, tant aux tiers qu'à l'administration, qu'à condition d'avoir été publiés.

12. En l'espèce, il est constant que l'acte réglementaire portant suppression de l'emploi de Mme B... n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité. Pourtant, en l'absence de dispositions contraires, son entrée en vigueur est conditionnée à sa publication, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi, la décision initiale de licenciement, prise sur le fondement d'un acte réglementaire non publié, se trouve privée de base légale. Il en résulte que la décision finale de licenciement en l'absence de possibilité de reclassement est elle-même entachée d'illégalité, par voie d'exception d'illégalité de cette décision initiale. Au surplus, le courriel du 29 mai 2019 révélant la décision définitive de licenciement se borne à informer la requérante de l'impossibilité de la reclasser et à l'inviter, " afin de finaliser la procédure ", à venir chercher les documents consécutifs à la cessation de son activité, soit son certificat de travail, son solde de tout compte et ses attestations d'emploi et de réception de prime de licenciement, sans lui indiquer clairement qu'une décision de licenciement a été prise à son encontre du fait de l'échec de la procédure de reclassement. Par suite, Mme B... était également fondée à invoquer l'absence de formalisation écrite de cette décision finale de licenciement.

Sur l'appel incident :

13. Ainsi qu'il a été précédemment exposé, le groupement requérant ne peut utilement soutenir que la décision portant suppression de poste aurait un caractère définitif, compte tenu de sa notification à l'intéressée, dès lors qu'il s'agit d'un acte réglementaire et qu'il est constant qu'il n'a pas été publié.

14. Aux termes de l'article 175 du décret susvisé du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable aux groupements d'intérêt public soumis aux règles de la comptabilité publique en vertu du 6° de son article 1er : " Le budget correspond à l'année civile. Les autorisations qu'il prévoit sont annuelles. Il est constitué d'un budget initial et, le cas échéant, de budgets rectificatifs adoptés en cours d'exercice. / Le budget comprend :/ 1° Les autorisations budgétaires constituées des autorisations d'emplois, (...) ". L'article 10.7 " pouvoirs " de la convention constitutive du groupement requérant stipule que l'assemblée générale est compétente pour, notamment l'adoption, sur proposition du conseil d'administration, du budget prévisionnel du groupement ainsi que des comptes de l'exercice clos.

15. Les autorisations et, symétriquement, les suppressions d'emploi impliquant une décision en matière budgétaire, il résulte des dispositions et stipulations citées au point précédent que l'assemblée générale du groupement est compétente pour créer les emplois nécessaires à son fonctionnement, et procéder, le cas échéant, à leur suppression. Pour ce motif, et alors même que l'article 12.2 de la convention constitutive stipule que le directeur du groupement en assure la direction générale, qu'il peut s'entourer de collaborateurs dont il détermine les fonctions et attributions, sur avis du médecin coordinateur et qu'il a autorité sur les personnels, Mme B... est fondée à soutenir que la directrice du groupement n'était pas matériellement compétente pour supprimer son emploi.

16. Il résulte de ce qui précède d'une part, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs d'annulation retenus, que le groupement requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a écarté sa fin de non-recevoir pour tardiveté, annulé la décision de licenciement de Mme B..., révélée par le courriel du 29 mai 2019 et enjoint à la directrice du groupement de régulariser la situation administrative de l'intéressée, en procédant à sa réintégration juridique et rétroactive et de réexaminer sa situation en ce qui concerne sa réintégration effective et, d'autre part, que Mme B... est fondée à soutenir, par voie d'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision de suppression de son poste.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que le groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie demande sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie est rejetée.

Article 2 : L'article 4 du jugement n° 1903534 du tribunal administratif de Toulouse du 14 décembre 2021, ensemble la décision de suppression de l'emploi de Mme B... sont annulés.

Article 3 : Le groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au groupement d'intérêt public Observatoire Régional des Urgences Occitanie.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22TL20488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20488
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CAYSSIALS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;22tl20488 ?
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