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09/07/2024 | FRANCE | N°23TL00543

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 23TL00543


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 avril 2021 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la Haute-Garonne du 10 septembre 2020 ayant refusé d'autoriser son licenciement pour faute et a autorisé ledit licenciement.



Par un jugement n° 2103003 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant l

a cour :



Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023, M. A..., représenté par Me Robert, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 avril 2021 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la Haute-Garonne du 10 septembre 2020 ayant refusé d'autoriser son licenciement pour faute et a autorisé ledit licenciement.

Par un jugement n° 2103003 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023, M. A..., représenté par Me Robert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 janvier 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 2 avril 2021 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspection du travail du 10 septembre 2020 et a autorisé son licenciement ;

3°) de prononcer sa réintégration au sein de la société ID Logistics santé ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'autorisation de licenciement méconnaît le principe du contradictoire dès lors que la ministre du travail n'apporte pas la preuve que les deux tableaux extraits du logiciel métier recueillis par l'administration au cours de l'enquête devant l'inspectrice du travail lui ont été communiqués lors de l'enquête de la ministre ;

- le grief de " flashage en rafale " ne peut être retenu à son encontre dès lors qu'il n'a reçu aucune formation spécifique relative à l'ancrage ;

- les autres griefs qui lui sont imputés ne sont pas établis ;

- en autorisant son licenciement, la ministre du travail a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a pas d'antécédent disciplinaire, qu'il n'a pas été averti de l'irrégularité de ses pratiques et que le préjudice allégué par l'entreprise est négligeable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, la société ID logistics France représentée par Me Desaint, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- toutes les pièces ont été communiquées à M. A... en application du principe du contradictoire ;

- M. A... a bénéficié des formations nécessaires à son poste ;

- M. A... ne conteste pas sérieusement les griefs qui lui sont imputés ;

- les faits reprochés à M. A... justifient son licenciement sans que son ancienneté dans la société et l'absence d'antécédent disciplinaire fassent obstacle à cette sanction.

Vu les autres pièces de ce dossier.

Vu :

- le code du travail

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Barrère pour la société ID Logistics France.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., recruté le 18 décembre 2017 par la société ID Logistics France en contrat à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée, en qualité de cariste en prestation logistique le 17 mars 2018, était représentant du personnel depuis septembre 2018, lorsque le 4 août 2020, une procédure de licenciement pour motif disciplinaire a été engagée à son encontre. Le 11 août 2020, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement à l'issue duquel le conseil social et économique de l'entreprise a rendu, le 12 août 2020, un avis défavorable à son licenciement. Le 10 septembre 2020, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser son licenciement. Par une décision du 2 avril 2021, la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé ce licenciement. Par un jugement du 12 janvier 2023 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-11 du même code : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ". Aux termes de l'article R. 2422-1 du même code : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (...) ".

3. Aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique, de procéder lui-même à une enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue sur la demande d'autorisation.

4. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'une attestation de remise de documents dans le cadre de la contre-enquête réalisée par la ministre du travail, signée le 2 février 2021 par M. A..., que ce dernier a reçu l'ensemble des documents produits par son employeur tant dans sa demande initiale que dans son recours hiérarchique et notamment deux tableaux extraits du logiciel métiers. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu et en vertu des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspectrice du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspectrice du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.

7. La décision portant autorisation de licenciement de M. A... est fondée sur la commission d'actes de flashage en rafale frauduleux de palettes de marchandises - qu'il enregistrait en double, voire en triple, de manière à en fausser l'acheminement - et de flashage de palettes dans le même temps, dans des lieux différents et éloignés, commis par M. A... entre janvier et juin 2020 en vue d'augmenter artificiellement sa prime de productivité, ces faits ayant été commis, selon cette décision, grâce à l'aide de sa compagne, alors elle-même salariée de la société ID Logistics France. Il ressort des pièces du dossier que l'appelant avait connaissance des procédures applicables, ainsi que l'établit la fiche de suivi des formations et habilitations qu'il a signée le 3 janvier 2018. De plus, il admet avoir prêté son pistolet à sa compagne, qui disposait des mêmes horaires que lui. En outre, les données informatiques, issues du logiciel d'exploitation utilisé dans l'entreprise, mettent en évidence que des flashages ont été réalisés de manière simultanée et dans des lieux différents à partir des identifiants et des codes confidentiels de M. A.... Par ailleurs, il ressort de l'historique des primes versées à ce dernier de janvier à décembre 2020 qu'à compter du licenciement de sa compagne en septembre 2020 sa productivité a été plus faible. Il résulte également de témoignages de deux salariés recueillis par l'employeur dans le cadre de l'enquête interne que M. A... et sa compagne échangeaient leurs codes et que cette dernière travaillait pour lui. Au demeurant, le conseil des prud'hommes de Toulouse, par un jugement du 4 mai 2023, a confirmé le licenciement pour faute grave de la compagne de l'appelant, au motif que les faits de complicité dans les manœuvres frauduleuses de M. A... qui lui étaient reprochés étaient matériellement établis. Les faits imputés à l'appelant doivent donc être regardés comme établis et révèlent une intention frauduleuse procédant d'une méconnaissance de son obligation contractuelle de loyauté vis-à-vis de son employeur. Par ailleurs, ces faits ont causé un préjudice à la société intimée du fait du paiement à l'intéressé, au titre des mois de janvier à juin 2020, d'une prime de productivité supérieure à celle à laquelle il aurait pu prétendre et du fait de la désorganisation de ses stocks qui a résulté des agissements de M. A.... Dans ces conditions, les faits commis par celui-ci, alors même qu'il n'a pas d'antécédent disciplinaire, constituent des fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail autorisant son licenciement.

Sur les conclusions à fins de réintégration :

10. En tout état de cause, compte tenu du rejet des conclusions en annulation de la décision de la ministre du travail autorisant le licenciement de M. A..., ses conclusions à fins de réintégration ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société ID logistics France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par l'appelant et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à la société ID logistics France sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la société ID logistics France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à la société ID logistics France.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président ,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-BèthbéderLa greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°23TL00543 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00543
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : FACTORHY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;23tl00543 ?
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