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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL21810

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL21810


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société François Fondeville a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer le décompte général de liquidation du marché passé avec le département de la Haute-Garonne et relatif à la construction du collège d'Escalquens, et fixé par le département à la somme correspondant à un solde négatif de 1 124 202,74 euros toutes taxes comprises, à la somme de 0 euro.



Par un jugement n° 2000371 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a fixé

le décompte de résiliation du marché à un solde négatif de 1 102 091,68 euros toutes taxes comprise...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société François Fondeville a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer le décompte général de liquidation du marché passé avec le département de la Haute-Garonne et relatif à la construction du collège d'Escalquens, et fixé par le département à la somme correspondant à un solde négatif de 1 124 202,74 euros toutes taxes comprises, à la somme de 0 euro.

Par un jugement n° 2000371 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a fixé le décompte de résiliation du marché à un solde négatif de 1 102 091,68 euros toutes taxes comprises.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2022, la société François Fondeville, représentée par Me Meneau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a réduit le solde négatif du décompte de liquidation que de 22 111,06 euros toutes taxes comprises ;

2°) d'arrêter le décompte général de liquidation du marché à la somme de 0 euro ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de résiliation est entachée d'une irrégularité de forme dès lors que, contrairement à ce qu'impose l'article 46.3.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, elle n'a pas été invitée à présenter des observations, par la mise en demeure qui lui a été adressée le 4 octobre 2018 lui demandant de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations contractuelles ;

- la décision de résiliation est entachée d'une irrégularité, au regard de l'article L.622- 13 du code de commerce, dans la mesure où, à la date de notification de la résiliation, elle avait fait l'objet d'un jugement du tribunal de commerce de Montpellier d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, ce qui faisait obstacle à ce que soit prononcée une résiliation à son encontre, la décision de résiliation n'étant motivée que par des faits antérieurs à l'ouverture de la procédure judiciaire ;

- si la résiliation se fonde sur un retard d'exécution constaté le 25 octobre 2018 , elle n'avait pas cinq semaines de retard pour la réalisation de la tâche n° 57 relative à la réalisation d'un voile du vide sanitaire et cette tâche était achevée à 95 % à la date du 9 novembre 2018 ; lorsque la mise en demeure du 4 octobre 2018 lui a été adressée, aucune des tâches n° 56 et n°s 58 à 61, n'avait à être achevée et quant aux tâches relatives aux réseaux sous dallage et au plancher haut du vide sanitaire, elles étaient, au 25 octobre 2018, avancées à hauteur respectivement de 65 % et de 40 % ; de plus, le nouveau planning ne lui a été notifié que le 11 octobre 2018, soit après que les mises en demeure lui ont été adressées ;

- par ailleurs, le cahier des clauses administratives particulières applicable au marché prévoyait la possibilité d'infliction de pénalités provisoires, mais non la résiliation ; de plus, aucune stipulation contractuelle n'imposait la présence d'effectifs en personnel particuliers sur le chantier ;

- l'application de pénalités pour un montant de 38 653,34 euros pour une absence de réalisation de travaux d'un montant de 3 328, 54 euros présente par ailleurs un caractère manifestement excessif ;

- la résiliation du marché procède en réalité de son placement en procédure de redressement judiciaire, alors qu'il appartenait au département de respecter la procédure prévue par le code de commerce en mettant en demeure l'administrateur judiciaire quant à la question de la poursuite du contrat ;

- elle demande la condamnation du département de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 434 456,76 euros hors taxes, correspondant à 10 % du montant du marché au titre de l'indemnisation du manque à gagner sur le marché résilié à tort ;

- les mesures conservatoires n'étaient pas prévues par le constat contradictoire de résiliation et ne lui ont pas été notifiées dans les dix jours de la réalisation de ce constat , contrairement à ce qu'impose l'article 47.1.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ;

- en ce qui concerne la réparation des dommages que la société aurait causés pendant les travaux, qui ont été mis à sa charge à hauteur de la somme de 33 976,76 euros hors taxes par le décompte de liquidation, ils n'ont pas fait l'objet de réserves à la réception des travaux et étaient par ailleurs connus et apparents à la réception ;

- la situation mensuelle n° 5 de septembre 2018 d'un montant de 328 732, 92 euros toutes taxes comprises, qui avait été acceptée par le maître d'œuvre, n'a pas été prise en compte ; le département lui doit à ce titre la somme de 246 726, 93 euros hors taxes ;

- le département doit lui verser un certain nombre de sommes payées par elle et qui n'ont pas, du fait de la résiliation, été intégrées dans les situations de travaux ; elles concernent le montage, le démontage et la location des installations électriques, les études de béton, celles d'étanchéité de la couverture et de la charpente métallique, ainsi que le décalage des travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le département de la Haute-Garonne, représenté par Me Pintat, conclut, à titre principal et incident, à ce que le décompte de résiliation du marché soit arrêté à la somme négative de 1 124 202,74 euros toutes taxes comprises au débit de la société Fondeville et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ; il demande, en outre, que soit mise à la charge de l'appelante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il devait verser à la société appelante la somme de 22 111,06 euros toutes taxes comprises au titre de la valeur des clôtures mises en place en début de chantier, dès lors qu'il s'en était déjà acquitté ;

- par ailleurs, la demande de la société Fondeville était irrecevable, faute pour la résiliation d'avoir été contestée dans le délai de deux mois ;

- en tout état de cause, cette résiliation est régulière, dès lors que l'appelante a eu la possibilité de présenter des observations par la mise en demeure qui lui a été adressée le 4 octobre 2018 ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la résiliation, si l'article 49 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics interdit la résiliation d'un marché dont est titulaire une société faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, c'est à la condition que la société en ait informé le pouvoir adjudicateur, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce , alors qu' en tout état de cause, la mise en demeure est antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

- l'article 46.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux permet la résiliation du marché si l'entreprise ne s'est pas acquittée de ses obligations dans les délais contractuels, ce qui a été le cas en l'espèce ;

- la résiliation pour faute n'ouvre pas droit à indemnisation et en tout état de cause, la réalité du préjudice invoqué n'est pas justifiée ;

- concernant les pénalités, le planning recalé, du 11 octobre 2018, a été notifié à la société appelante le même jour, par lettre recommandée avec accusé de réception alors que la réalisation du voile en béton du vide sanitaire est intervenue le 29 octobre 2018, soit avec un retard de vingt-sept jours par rapport au délai expirant le 2 octobre 2018, qui était imparti à la société Fondeville pour exécuter ces travaux ; ces pénalités ne sont pas, par ailleurs excessives, dès lors qu'elles représentent seulement 0,9 % du montant du marché ;

- les retenues opérées au titre des mesures conservatoires sont justifiées par la nécessité de dépose et d'évacuation du dépôt de chantier, de redressement de la clôture, de rebouchage des fouilles ouvertes et d'évacuation des stocks de terre ; de plus, les frais de gardiennage, de mise au propre des plateformes et de protection des talus devaient nécessairement être engagés, pour assurer la conservation et la sécurité de l'ouvrage ;

- les retenues opérées au titre de la réparation des dommages sont justifiées, compte tenu de ce que les fourreaux Telecom ont été endommagés, lors du coulage des fondations du local vélo par la société Fondeville, laquelle s'est, en outre, appropriée des palettes d'isolants ;

- la situation n° 5 de septembre 2018, à laquelle s'est substitué le décompte général, n'a pas été payée à la société compte tenu de la situation du chantier début octobre 2018 ;

- les demandes de paiement de rémunérations complémentaires ne peuvent être que rejetées faute pour les travaux en question d'avoir été exécutés, notamment pour ce qui est des études béton ; en tout état de cause, ces études, d'un montant de 67 500 euros hors taxes, ne peuvent être intégrées au décompte de liquidation, dès lors qu'elles sont déjà intégrées dans le prix unitaire des ouvrages ; par ailleurs, en vertu de l'article 9.2 du cahier des clauses administratives particulières, le coût de réalisation des études est à la charge de la société titulaire du marché ;

- pour ce qui est des installations électriques, c'est à tort que la société appelante allègue que le département aurait souhaité les acheter, alors que ces installations ont déjà été rémunérées au titre du poste 7.1 " Installations du chantier " et qu'elles ne sauraient être mises à la charge du département une seconde fois ;

- enfin, la société appelante ne saurait se prévaloir de l'existence d'un surcoût, du fait d'un décalage de deux mois du planning de réalisation des travaux et du surcoût d'immobilisation de son matériel et du personnel qu'il aurait entraîné, en l'absence de sujétions imprévues ; en outre, faute d'avoir contesté, dans les conditions de l'article 3.8.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans le délai de 15 jours, l'ordre de service du 10 octobre 2018, la société ne peut demander que cette somme soit intégrée dans le décompte de liquidation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code de commerce ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un projet de construction d'un collège à Escalquens, le département de la Haute-Garonne a confié, par acte d'engagement signé le 12 mars 2018 le lot n° 1 " Gros œuvre, couverture, charpente et étanchéité " à la société François Fondeville, pour un montant de 4 294 816,22 euros hors taxes. Les travaux, prévus pour une durée de seize mois, devaient initialement commencer le 16 mars 2018, mais leur exécution a été décalée et un premier planning de travaux a été notifié aux entreprises et notamment à la société précitée le 22 juin 2018, puis un second le 11 octobre 2018. Au motif du retard dans l'exécution du marché, le département précité a prononcé la résiliation pour faute du marché par une décision du 26 octobre 2018 . Puis, le 22 mai 2019, le département a notifié à la société un document afférent au décompte de liquidation de son marché qui faisait apparaître un solde dû par celle-ci de 1 124 202,74 euros toutes taxes comprises.

2. La société François Fondeville relève appel du jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a réduit le solde négatif du décompte de liquidation que de 22 111,06 euros toutes taxes comprises et a rejeté le surplus de sa demande. Le département de la Haute-Garonne, par la voie de l'appel incident, demande que ce décompte soit arrêté à la somme négative de 1 124 202,74 euros toutes taxes comprises au débit de la société appelante.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions indemnitaires afférentes à la résiliation :

3. Une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation, un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir le département de la Haute-Garonne, l'absence de contestation par la société François Fondeville de la résiliation est sans incidence sur la recevabilité de ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice que lui a causé l'irrégularité de cette mesure, déjà présentées en première instance et qui ont été précédées d'une réclamation formée le 6 novembre 2018. La fin de non-recevoir opposée en défense par le département de la Haute-Garonne doit donc être écartée.

Sur l'appel principal présenté par la société Fondeville :

En ce qui concerne la résiliation :

4. En vertu de l'article 46.3.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux dans sa version applicable au litige : " Sauf dans les cas prévus aux g, i, k et l du 46.3.1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations ".

5. Il résulte de l'instruction que, par la mise en demeure qui lui a été adressée par courrier du 4 octobre 2018, le département de la Haute-Garonne a demandé à la société François Fondeville d'apporter tous les éléments de nature à démontrer qu'elle sera en mesure de respecter les délais contractuels d'exécution. En conséquence et contrairement à ce que soutient la société appelante, elle doit être regardée comme ayant été invitée à présenter ses observations sur la mesure de résiliation envisagée.

6. En premier lieu, en vertu de l'article L. 622-13 du code de commerce :" I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. / Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif. (...) " . En vertu de l'article L. 631-14 : " Les articles (...) L. 622-13 à L. 622-33 sont applicables à la procédure de redressement judiciaire, sous réserve des dispositions qui suivent. (...) ". Par ailleurs aux termes de l'article 49 de l'ordonnance susvisée du 23 juillet 2015, en vigueur à la date de la résiliation : " I. - Lorsqu'un opérateur économique est, au cours de la procédure de passation ou de l'exécution du marché public, placé dans l'une des situations mentionnées aux articles 45, 46 et 48 ayant pour effet de l'exclure d'un marché public, l'acheteur peut résilier le marché public pour ce motif.

L'opérateur informe sans délai l'acheteur de ce changement de situation.

II. - La résiliation mentionnée au I ne peut être prononcée lorsque l'opérateur économique fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire instituée par l'article L. 631-1 du code de commerce, à condition qu'il ait informé sans délai l'acheteur de son changement de situation. "

7. Si la résiliation du marché le 26 octobre 2018 est intervenue alors que la société appelante avait été placée, le 9 octobre 2018, en procédure de redressement judiciaire, il résulte de l'instruction qu'elle n'en avait pas informé le pouvoir adjudicateur, contrairement à ce qu'imposent les dispositions précitées de l'article 49 de l'ordonnance susvisée du 23 juillet 2015. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce doit être écarté.

8. En second lieu, en vertu de l'article 46.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et applicable au marché litigieux : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent (...) ".

9. ll résulte de l'instruction et notamment de la décision de résiliation du 26 octobre 2018, qu'à la date du 25 octobre 2018, au regard des obligations qui lui avaient été imparties à l'échéance du 22 octobre 2018, en dernier lieu par le calendrier d'exécution des travaux notifié le 11 octobre 2018, la société François Fondeville n'avait pas, malgré les deux mises en demeure qui lui avaient été adressées les 24 septembre et 4 octobre 2018, exécuté un certain nombre de travaux dont la charge lui incombait en vertu du marché.

10. Tout d'abord, les circonstances invoquées par l'appelante selon lesquelles, contrairement à ce qui lui oppose la mise en demeure du 25 septembre 2018, rappelée par la décision de résiliation, le retard n'atteignait pas cinq semaines pour la réalisation de la tâche n° 57, relative à la réalisation d'un voile du vide sanitaire, et selon lesquelles cette tâche était achevée à 95 % à la date du 9 novembre 2018 doivent être écartées, eu égard à ce que la décision de résiliation constate l'absence de réalisation d'un certain nombre de travaux à la date du 25 octobre 2018, alors que ces travaux devaient être achevés au 22 octobre 2018. Ainsi, les tâches relatives aux planchers hauts du vide sanitaire (prédalle), qui devaient être achevées au 22 octobre 2018, n'avaient, à la date du 25 octobre 2018, pas été commencées pour ce qui est des planchers hauts du vide sanitaire de la zone G1 et n'étaient avancées qu'à hauteur de 80 % pour ce qui est de la zone G2. Par ailleurs, les travaux relatifs aux planchers bas du rez-de-chaussée, qui devaient pour ce qui est respectivement des zones G1 et G2, être avancés au 22 octobre 2018 à hauteur de 80 % et 60 %, n'avaient, au 25 octobre 2018, pas commencé pour ce qui est de la zone G1, et n'avaient avancé pour ce qui est de la zone G2 qu'à hauteur de 10 %.

11. Par suite, contrairement à ce que soutient la société appelante, la circonstance selon laquelle le nouveau planning d'exécution n'a été notifié que le 11 octobre 2018 étant à cet égard sans incidence, la méconnaissance de ses engagements contractuels justifiait la résiliation du marché par le département de la Haute-Garonne. En conséquence, elle n'est pas fondée à réclamer la condamnation du département de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 434 456,76 euros hors taxes à titre d'indemnité de résiliation.

En ce qui concerne le surplus des conclusions de la requête ;

S'agissant de la contestation du décompte général de liquidation :

En ce qui concerne les pénalités de retard :

12. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur la méconnaissance, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

13. L'article 3 de l'acte d'engagement du marché en litige stipule que : " Les travaux concernant les dix marchés sont exécutés dans un délai global de 16 mois, la durée de préparation du chantier fixée à 1,5 mois incluse ". Aux termes de l'article 5 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige : " 5.1.1 Généralités - Le délai d'exécution de l'ensemble des marchés est fixé à l'article 3 de l'acte d'engagement / (...) 5.3.3 Pénalités applicables aux travaux non exécutés lors de la réception - Sur proposition du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage se réserve le droit d'appliquer une pénalité sans qu'une mise en demeure soit nécessaire. / La pénalité égale à 1/3000ème du montant HT du marché par jour calendaire de retard, sera applicable entre la date de réception et la limite du délai accordé par le procès-verbal de réception pour remédier aux non-façons (...) ".

14. Il ressort du décompte de liquidation notifié à la société François Fondeville que le département de la Haute-Garonne lui a appliqué des pénalités de retard à hauteur de 38 653,34 euros à raison du retard accumulé durant la période du 2 au 29 octobre 2018 au titre de la tâche correspondant à la réalisation du voile en béton du vide sanitaire. Cependant, il résulte de l'instruction que le planning recalé du 10 octobre 2018 n'a été notifié à la société appelante que le 11 octobre 2018. Or, à cette date, le calendrier d'exécution ne pouvait impartir à la société l'exécution de travaux de réalisation de voiles du vide sanitaire pour la période déjà passée comprise entre le 24 septembre 2018 et le 1er octobre 2018.

15. Dès lors, la société Fondeville est fondée à demander à être déchargée des pénalités de retard à hauteur de la somme de 38 653,34 euros.

En ce qui concerne les mesures conservatoires et de sécurité :

16. Aux termes de l'article 47 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Article 47 - Opérations de liquidation - 47.1. Modalités d'exécution : 47.1.1. En cas de résiliation, il est procédé, le titulaire ou ses ayants droit, tuteur, administrateur ou liquidateur, dûment convoqués dans les conditions prévues par les documents particuliers du marché, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations dans les conditions prévues à l'article 12. Ce procès-verbal comporte l'avis du maître d'œuvre sur la conformité aux dispositions du marché des ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés. / Ce procès-verbal est signé par le maître de l'ouvrage. Il emporte réception des ouvrages et parties avec effet de la date d'effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l'article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché à l'article 13.3.2. / 47.1.2. Dans les dix jours suivant la date de signature de ce procès-verbal, le représentant du pouvoir adjudicateur fixe les mesures qui doivent être prises avant la fermeture du chantier pour assurer la conservation et la sécurité des ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés. Ces mesures peuvent comporter la démolition de certaines parties d'ouvrages. / À défaut d'exécution de ces mesures par le titulaire dans le délai imparti par le représentant du pouvoir adjudicateur, le maître d'œuvre les fait exécuter d'office. Sauf dans les cas de résiliation ouvrant droit à indemnité, ces mesures sont à la charge du titulaire ".

17. Ainsi que le fait valoir la société François Fondeville, le procès-verbal de " constat des ouvrages exécutés en vue de la résiliation du marché Fondeville " indique in fine, que les constatations ont été opérées le 9 novembre 2018 et porte une signature à cette date du représentant du département de la Haute-Garonne. C'est dès lors à cette date que le délai de dix jours mentionné par les stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux à compter du constat contradictoire, avait commencé à courir et non à celle du 23 novembre 2018 à laquelle a été apposée une nouvelle signature d'un représentant du département. Toutefois, l'expiration de ce délai au 30 novembre 2018, date à laquelle le département de la Haute-Garonne a fixé les mesures conservatoires devant être mises à la charge de l'appelante, est sans incidence sur le bien-fondé des mesures conservatoires et sur la possibilité de les mettre à la charge de la société François Fondeville.

En ce qui concerne la réparation des dommages :

18. Aux termes de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Article 35 - Dommages divers causés par la conduite des travaux ou les modalités de leur exécution - 35.1.1. Les dommages de toute nature, causés par le titulaire au personnel ou aux biens du maître de l'ouvrage ou du représentant du pouvoir adjudicateur, du fait de la conduite des travaux ou des modalités de leur exécution, sont à la charge du titulaire, sauf si celui-ci établit que cette conduite ou ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordre de service ".

19. Si la société François Fondeville fait valoir que les dommages qu'elle aurait causés lors de l'exécution des travaux ne pourraient être mis à sa charge faute d'avoir été mentionnés dans le procès-verbal de " constat des ouvrages exécutés en vue de la résiliation du marché Fondeville " établi le 9 novembre 2018, un tel constat demeure, en lui-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif.

20. Il suit de là que la société appelante n'est pas fondée à demander le retrait de la retenue de 33 976,76 euros hors taxes correspondant à la réparation des dommages de son décompte de liquidation.

En ce qui concerne la situation n° 5 :

21. Si la société appelante soutient que la situation mensuelle n° 5 de septembre 2018 d'un montant de 328 732,92 euros toutes taxes comprises, qui avait été acceptée par le maître d'œuvre, n'a pas été prise en compte à hauteur de la somme de 246 726,93 euros hors taxes, le département de la Haute-Garonne fait valoir en défense que cette avance n'a pas été payée faute pour la société François Fondeville de s'être acquittée de l'exécution des travaux qui lui incombaient, ce qu'elle ne conteste pas. En conséquence et alors même que la maîtrise d'œuvre aurait accepté le principe du versement de cette avance, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que le décompte de liquidation ne comporte pas cette somme de 246 726, 93 euros.

En ce qui concerne les demandes de rémunérations complémentaires :

22. En premier lieu, la société appelante ne présente pas en appel de critique du jugement quant au fait que les coûts du montage, du démontage et de la location des installations électriques, qui constituent des prestations faisant partie des installations de chantier, ont déjà été rémunérés par le département de la Haute-Garonne, à hauteur de la somme de 30 220,98 euros hors taxes au titre du poste 7.1 " Installations de chantier ".

23. En deuxième lieu, si la société François Fondeville demande le règlement d'une somme totale de 109 200 euros hors taxes au titre de la rémunération de différentes études portant sur le béton, l'étanchéité de la couverture et la charpente métallique, les stipulations de l'article 9.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige prévoient expressément que le coût des études est à la charge du titulaire du marché.

24. En troisième lieu, la société appelante ne justifie pas plus en appel qu'en première instance, avoir subi un surcoût du fait du décalage du chantier. En conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation à ce titre du département de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 66 280 euros hors taxes doivent être rejetées.

Sur l'appel incident présenté par le département de la Haute-Garonne :

25. En vertu de l'article 47 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " 47.1.3. Le maître de l'ouvrage dispose du droit de racheter, en totalité ou en partie : - les ouvrages provisoires réalisés dans le cadre du marché et utiles à l'exécution du marché ; - les matériaux, produits de construction, équipements, progiciels, logiciels et outillages approvisionnés, acquis ou réalisés pour les besoins du marché, dans la limite où il en a besoin pour le chantier. / Il dispose, en outre, pour la poursuite des travaux, du droit, soit de racheter, soit de conserver à sa disposition le matériel spécialement construit pour l'exécution du marché. / En cas d'application des deux alinéas précédents, le prix de rachat des ouvrages provisoires et du matériel est égal à la partie non amortie de leur valeur. Si le matériel est maintenu à disposition, son prix de location est déterminé en fonction de la partie non amortie de sa valeur. / Les matériaux, produits de construction, équipements, progiciels, logiciels et outillages approvisionnés, acquis ou réalisés, sont rachetés aux prix du marché ou, à défaut, à ceux qui résultent de l'application de l'article 14. / 47.1.4. Le titulaire est tenu d'évacuer les lieux dans le délai qui est fixé par le maître d'œuvre. "

26. Le département de la Haute-Garonne ne justifie pas plus en appel qu'en première instance s'être acquitté de la somme de 18 425,88 euros hors taxes, soit 22 111, 06 euros toutes taxes comprises, au titre du rachat des clôtures mises en place en début de chantier. Dans ces conditions, l'appel incident du département de la Haute-Garonne doit être rejeté.

27. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Fondeville est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à ce que la somme de 38 653,34 euros représentative des pénalités de retard ne figure pas dans le décompte de liquidation et, d'autre part, que l'appel incident présenté par le département de la Haute-Garonne doit être rejeté. Par suite, le décompte général du marché doit être arrêté à la somme de 1 063 438,34 euros toutes taxes comprises au débit de la société François Fondeville.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de département de la Haute-Garonne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie essentiellement perdante, la somme que la société François Fondeville demande sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société François Fondeville au bénéfice du département de la Haute-Garonne, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à la société Fondeville la décharge des pénalités de retard à hauteur de la somme de 38 653,34 euros.

Article 2: L'appel incident présenté par le département de la Haute-Garonne est rejeté.

Article 3 : Le décompte de liquidation est fixé à la somme de 1 063 438,34 euros toutes taxes comprises au débit de la société François Fondeville.

Article 4 : Le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 5 : La société François Fondeville versera la somme de 1 500 euros au département de la Haute-Garonne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Me Hélène Gaston, et à Me Alix Brenac, liquidateurs de la société François Fondeville, et au département de la Haute-Garonne.

Copie en sera adressée à Me Jean-Philippe Meneau

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21810 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21810
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL ACOCE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl21810 ?
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