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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL21725

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL21725


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement les sociétés Deshoulières Jeanneau Architectes, Commins Acoustics Workshop, Sibat, Citadis et Mariani à lui verser la somme de 156 535,06 euros en réparation des frais qu'elle a avancés à la communauté d'agglomération du Grand Avignon pour la reprise des désordres affectant l'école nationale de musique, danse et théâtre du Grand Avignon.



Par un jugem

ent n° 2001530 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a, notamment, condamné solidairement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement les sociétés Deshoulières Jeanneau Architectes, Commins Acoustics Workshop, Sibat, Citadis et Mariani à lui verser la somme de 156 535,06 euros en réparation des frais qu'elle a avancés à la communauté d'agglomération du Grand Avignon pour la reprise des désordres affectant l'école nationale de musique, danse et théâtre du Grand Avignon.

Par un jugement n° 2001530 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a, notamment, condamné solidairement les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat, Commins Accoustics Workshop et Citadis à verser à la société Axa France Iard, d'une part, la somme de 57 035,25 euros et la société Mariani à verser à cette dernière la somme de 6 558,75 euros et, d'autre part, condamné solidairement les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat, Commins Accoustics Workshop, Citadis et Mariani à verser à la société Axa France Iard la somme de 23 817,77 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2022 et le 11 avril 2023, la société Citadis, représentée par Me Tartanson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 10 juin 2022 en tant qu'il l'a condamnée solidairement à verser à la société Axa France Iard la somme de 80 853,02 euros ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes de la société Axa France Iard formulées à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat et Commins Accoustics Workshop à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées, le cas échéant, à son encontre au titre des désordres acoustiques ;

4°) dans tous les cas, de condamner solidairement ces sociétés à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées, le cas échéant, à son encontre au titre des frais d'expertise ;

5°) de rejeter les appels en garantie formulés à son encontre par les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Argos intervenant en tant que mandataire judiciaire en charge de représenter la société Commins Accoustics Workshop ;

6°) de mettre à la charge des sociétés Axa France Iard, Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat, Argos et Mariani la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité décennale, au titre des désordres acoustiques, ne peut être engagée à son encontre dès lors qu'elle ne peut être regardée comme ayant la qualité de constructeur ; elle n'est intervenue dans l'opération en litige que comme mandataire du maître de l'ouvrage et n'a jamais exécuté un contrat de louage d'ouvrage concernant le suivi et la direction des travaux, missions réalisées par le maître d'œuvre ;

- à supposer même qu'elle ait partiellement exécuté un contrat de louage d'ouvrage, son rôle s'est limité à s'assurer que le maître d'œuvre et l'acousticien avaient bien pris en compte la protection acoustique dans le cadre de la modification des travaux intervenue en cours de chantier à la demande exclusive du maître de l'ouvrage ; elle ne dispose pas de compétence en matière acoustique pour apprécier si la protection technique envisagée était suffisante ;

- la modification de la structure initiale du projet constructif en cours de chantier résulte du seul choix du maître de l'ouvrage ; elle n'a fait que répercuter le choix du maître de l'ouvrage de conserver le plancher haut au maître d'œuvre et à l'acousticien qui l'ont accepté ;

- le recours à l'expertise judiciaire résulte de la seule carence de la société Axa ;

- dès lors que les responsabilités du maître d'œuvre et de l'acousticien sont entières dans la survenue de ce désordre, elle doit être, le cas échéant, garantie par ces constructeurs de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de ce désordre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2022, les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat et Argos, celle-ci intervenant en qualité de mandataire judiciaire pour représenter la société Commins Accoustics Workshop, représentées par Me L'Hostis, concluent :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, au rejet de l'intégralité des demandes de la société Axa France Iard formulées à leur encontre au titre des désordres acoustiques et des frais d'expertise ;

3°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Citadis à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Citadis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- leur responsabilité contractuelle de droit commun en tant que maître d'œuvre ne peut être engagée dès lors que le décompte général de leur marché est devenu définitif par le paiement de son solde par le maître de l'ouvrage ;

- les désordres acoustiques sont imputables à la société appelante au titre de la garantie décennale des constructeurs ; la part de responsabilité de cette dernière est prépondérante dès lors qu'elle leur a imposé la modification du programme et qu'elle n'a pas engagé de travaux d'isolation acoustique supplémentaires pour en tenir compte ;

- elles n'ont fait que répondre aux instructions de la société appelante ; à la demande de celle-ci, l'espace situé au-dessus du plancher haut de la chapelle ne devait plus être affecté de manière habituelle à la danse mais devait seulement être traité comme un lieu d'appoint ;

- la responsabilité des sociétés Deshoulières Jeanneau architectes et Sibat n'est pas évoquée par l'expert ; aucune part de responsabilité ne peut leur être imputée ;

- si leur responsabilité devait être retenue, la société appelante devrait être condamnées à les garantir intégralement des condamnations prononcées à leur encontre ;

- le recours à l'expertise judiciaire découle des errements de la société Axa.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, la société Axa France Iard, représentée par Me Rigeade, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) au rejet de l'appel incident des sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat et Argo ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de ces sociétés la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, le contrat signé le 13 février 2006 entre la société appelante et le maître de l'ouvrage permet de qualifier cette société de constructeur ;

- le maître d'œuvre ne nie pas la réalité des désordres ; s'il se borne à contester son imputation dans la réalisation de ce désordre, le rapport d'expertise met en évidence plusieurs défauts de conception qui sont à sa charge ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif, elle reprend les moyens présentés en première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 mars et 10 mai 2023, la société Mariani, représentée par Me Vrignaud, doit être regardée comme concluant :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, au rejet de la demande de la société Axa France Iard comme portée devant une juridiction incompétente ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation au titre du traitement des nez-de-marches soit limitée à 2 915 euros hors taxes correspondant à son taux de responsabilité de 40 % ;

4°) au rejet des appels en garantie formulés à son encontre ;

5°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Citadis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la juridiction administrative est incompétente à connaître des conclusions présentées par la société Axa Iard France dès lors que celle-ci ne produit pas le contrat d'assurance et les éléments relatifs aux événements garantis et aux modalités d'indemnisation ;

- la responsabilité décennale, au titre des désordres affectant les nez-de-marches, ne peut être engagée à son encontre dès lors que les travaux ont été réalisés par la société Solfrini, détentrice du marché de sous-traitance ;

- à titre subsidiaire, sa part de responsabilité ne peut excéder 40 %.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rigeade, représentant la société Axa France Iard.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération du Grand Avignon a souscrit un contrat d'assurance dommages ouvrage auprès de la société Axa France Iard pour des travaux portant sur la restructuration et la réhabilitation de l'ancien palais de justice d'Avignon afin d'accueillir l'école nationale de musique, danse et théâtre du Grand Avignon. Par un acte d'engagement du 11 avril 2005, la communauté d'agglomération, représentée par son mandataire, la société Citadis, assistant à maîtrise d'ouvrage, a confié au groupement constitué par les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat et Commins, une mission de maîtrise d'œuvre portant sur l'opération de travaux. La société Socotec construction a été chargée d'une mission de contrôle technique. Le lot n° 2 " gros œuvre, démolition, charpente métallique, charpente couverture, étanchéité, carrelages " a été attribué à la société Mariani. Ces travaux ont débuté en avril 2006 et ont été réceptionnés le 30 novembre 2007. La communauté d'agglomération a rapidement constaté divers désordres relatifs à l'isolation phonique de la salle d'audition et aux difficultés de nettoyage des sols en pierre d'escalier monumental et a déclaré, le 23 octobre 2008, le sinistre à son assureur.

2. À la suite du refus de la société Axa France de prendre en charge ce sinistre, la communauté d'agglomération précitée a réitéré sa demande le 28 janvier 2009. Le 30 mars 2009, la société Axa France a décliné sa garantie. La communauté d'agglomération du Grand Avignon a formé, le 6 mai 2010, un recours gracieux, qui est demeuré sans réponse. M. A..., désigné en qualité d'expert par ordonnance du président du tribunal administratif de Nîmes du 22 septembre 2011, a remis son rapport le 7 janvier 2014. Puis, par un jugement du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la société Axa France à payer à la communauté d'agglomération du Grand Avignon la somme de 142 000 euros. La société Axa France Iard, subrogée dans les droits du maître d'ouvrage, a alors demandé à ce même tribunal de condamner solidairement les sociétés Deshoulières Jeanneau Architectes, Commins Acoustics Workshop, Sibat, Citadis, Mariani à lui verser la somme 156 535,06 euros en réparation du préjudice correspondant aux frais qu'elle a avancés à la communauté d'agglomération du Grand Avignon.

3. La société Citadis relève appel du jugement du 10 juin 2022 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il l'a condamnée solidairement à verser à la société Axa France Iard les sommes de 57 035,25 euros et de 23 817,77 euros. Par la voie de l'appel incident, d'une part, les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat et Argo, venant aux droits de la société Commins Accoustics Workshop, demandent le rejet de l'intégralité des demandes de la société Axa France Iard formulées à leur encontre au titre des désordres acoustiques et des frais d'expertise. D'autre part, la société Mariani demande le rejet de la demande de la société Axa France Iard formulée à son encontre.

Sur l'appel principal de la société Citadis :

En ce qui concerne les débiteurs de la garantie décennale s'agissant du désordre acoustique :

4. L'action en garantie décennale est ouverte à l'assureur, subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage à l'égard de toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.

5. Même si le marché de délégation de maîtrise d'ouvrage publique conclu le 13 février 2006 entre la communauté d'agglomération du Grand Avignon et la société Citadis qualifie ce marché de contrat de mandat et a pour objet de confier à cette dernière le soin de réaliser au nom et pour le compte du maître d'ouvrage, l'opération de construction de l'école de musique, danse et théâtre, il résulte de l'ensemble de ses stipulations qu'il ne se borne pas à organiser la représentation du maître d'ouvrage sur les aspects administratifs et financiers de la gestion du marché. Ce contrat met, en effet, à la charge du titulaire une mission d'assistance technique du maître d'ouvrage puisqu'il lui appartient de proposer à celui-ci toutes modifications ou solutions nouvelles, techniquement, nécessaires ou opportunes et de procéder à un contrôle technique renforcé des documents produits. De plus, il lui incombe d'assister le maître d'ouvrage dans les opérations de réception des travaux notamment, en lui transmettant ses propositions en ce qui concerne la décision de réception. Enfin, pour exécuter ses missions, le contrat prévoit que le mandataire est tenu de souscrire l'assurance garantissant les risques de sa mission de constructeur pour le compte du maître d'ouvrage. Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces stipulations que le contrat en litige revêt le caractère d'un contrat de louage d'ouvrage et la qualité de constructeur doit être reconnue non seulement aux sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat et Commins Accoustics Workshop, maîtres d'œuvre, mais aussi à la société Citadis.

En ce qui concerne l'imputabilité du désordre acoustique :

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire que les nuisances acoustiques provenant de la salle de danse et empêchant l'utilisation normale de l'auditorium, résultent de la décision de la société Citadis prévoyant le déplacement de la salle de danse au-dessus de l'auditorium et de l'absence de réflexion globale et approfondie des sociétés de la maîtrise d'œuvre sur les conséquences en matière acoustique de cette décision. Il est constant que le projet initial de réhabilitation de l'ancienne chapelle du palais de justice d'Avignon prévoyait la démolition de son plancher haut et, en compensation, la mise en place de surélévations complémentaires afin de créer un studio de danse de 120 m² équipé d'un plancher sur double lambourdage. Toutefois, ce plancher haut a finalement été conservé pour accueillir une salle de danse située au-dessus de la salle d'audition. Si la société Citadis soutient être étrangère à la décision de déplacer la salle de danse au-dessus de l'auditorium, le contrat la liant au maître d'ouvrage prévoit toutefois qu'il lui appartenait de proposer toutes modifications ou solutions nouvelles nécessaires ou opportunes, soit techniquement, soit financièrement. De plus, le maître d'ouvrage ne peut être regardé comme étant à l'origine de la modification du programme initial dès lors qu'aucun avenant au contrat de mandat n'a été conclu, ainsi que le prévoit l'article 3.3 de ce contrat. En outre, si, pour démontrer qu'elle a suffisamment appréhendé les conséquences de la modification du projet initial, la maîtrise d'œuvre soutient que l'espace situé au-dessus du plancher haut devait être affecté non pas à une salle de danse mais seulement à une salle d'appoint, il résulte des comptes-rendus de chantier qu'elle avait parfaitement connaissance de l'installation à l'étage non pas simplement d'une salle d'appoint mais d'une salle de danse. Dès lors, le désordre acoustique en cause, dont il n'est pas contesté qu'il est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, est imputable à la société Citadis et aux sociétés en charge de la maîtrise d'œuvre.

7. Par ailleurs, les cotraitants d'un groupement peuvent être condamnés solidairement s'ils sont coauteurs d'un même dommage. Le fait que la société Commins Accoustics Workshop disposait d'une expertise particulière n'est pas de nature à exonérer de leur responsabilité les deux autres cotraitants du groupement de maîtrise d'œuvre dès lors que la survenue du désordre résulte d'un manque de réflexion globale et approfondie, imputable à l'ensemble des cotraitants, sur l'impact en matière d'isolation phonique de la modification du projet envisagée.

En ce qui concerne les conclusions d'appels en garantie dirigées contre les sociétés en charge de la maîtrise d'œuvre :

8. Pour les motifs exposés au point 6, la survenance du désordre acoustique est imputable aux carences, d'une part, de la société appelante en matière d'assistance à la maîtrise d'ouvrage et d'autre part, des sociétés en charge de la maîtrise d'œuvre en matière d'études sur la modification du projet initial. Compte tenu de la part prépondérante de responsabilité du groupement de maîtrise d'œuvre au sein duquel intervenait notamment le bureau d'étude Commins Accoustics Workshop, spécialisé dans le domaine acoustique, la société Citadis est fondée à appeler en garantie de sa condamnation solidaire les sociétés de la maîtrise d'œuvre à hauteur de 51 % pour le désordre acoustique, ainsi que cela a été jugé par les premiers juges. Par suite, les conclusions des sociétés de la maîtrise d'œuvre tendant à ce que leurs condamnations soient intégralement garanties par la société Citadis pour ce même désordre ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les frais d'expertise :

9. Ainsi que les premiers juges l'ont justement relevé, les frais d'expertise doivent être regardés comme trouvant leur origine dans la survenance des désordres décennaux et ont été utiles à la détermination du préjudice y afférent.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la société Citadis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, elle a été solidairement condamnée avec les sociétés de la maîtrise d'œuvre à verser à la société Axa France Iard la somme de 57 035,25 euros au titre du désordre acoustique et celle de 23 817,77 euros au titre des frais d'expertise et que, d'autre part, l'appel incident des sociétés de la maîtrise d'œuvre doit être rejeté

Sur l'appel incident de la société Mariani

En ce qui concerne le recours subrogatoire de la société Axa France Iard :

11. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".

12. L'assureur qui bénéficie de la subrogation instituée par les prescriptions de l'article L. 121-12 du code des assurances précité dispose de la plénitude des droits et actions que l'assuré qu'il a dédommagé aurait été admis à exercer à l'encontre de toute personne responsable, à quelque titre que ce soit, du dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité d'assurance.

13. Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. En outre, l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance.

14. Si la société Axa France Iard n'a pas produit la police d'assurance en exécution de laquelle elle a indemnisé la communauté d'agglomération du Grand Avignon, les éléments concernant cette police et notamment le numéro de son contrat, la référence du sinistre et la nature et le montant des préjudices garantis ont été mentionnés dans la quittance subrogative établie le 17 octobre 2019 par cette communauté d'agglomération, à la demande de la société Axa France Iard. Par cette quittance, la société Axa France Iard, qui a, de plus, justifié en première instance avoir indemnisé la communauté d'agglomération du Grand à hauteur de 173 927,84 euros, était fondée à exercer son recours subrogatoire sur le terrain de la responsabilité décennale.

En ce qui concerne l'imputabilité du désordre d'entretien affectant les sols en pierre de l'escalier :

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire que le désordre affectant l'entretien des nez-de-marches de l'escalier en pierre résulte du remplissage de la feuillure en carborundum irrégulier, non systématique et en quantité trop importante. Il résulte du devis établi par l'entreprise Solfrini que cette société a posé le revêtement en pierre des marches de l'escalier. Ces travaux incluaient nécessairement la pose du carborundum. Dès lors, la mauvaise exécution des travaux de remplissage des antidérapants ne peut être imputée à la société Mariani. Par suite, sa responsabilité décennale s'agissant des désordres affectant les sols en pierre de l'escalier, ne peut être engagée.

16. En dernier lieu, la société Mariani étant mise hors de cause, ses conclusions d'appel en garantie ne peuvent qu'être rejetées.

17. Il résulte de ce qui précède que la société Mariani est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont mis à sa charge la responsabilité du désordre d'entretien affectant les sols en pierre de l'escalier.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Axa France Iard qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Citadis.

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des sociétés Citadis, Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat, Argo une somme de 500 euros à verser, respectivement, à la société Axa France Iard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions de la société Citadis sur le fondement de ces dispositions dirigées contre les sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat, Argo et Mariani et celles de ces sociétés dirigées contre la société Citadis doivent être rejetées.

20. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Citadis une somme au profit de la société Mariani.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a condamné la société Mariani à verser à la société Axa France Iard la somme de 6 558,75 euros.

Article 2 : La requête de la société Citadis est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident des sociétés Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat, Argo sont rejetées.

Article 4 : Les sociétés Citadis, Deshoulières Jeanneau architectes, Sibat et Argo verseront chacune à la société Axa France Iard une somme de 500 euros sur le fondement de l'article l.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'économie mixte Citadis, à la société anonyme Axa France Iard, à la société par actions simplifiée Deshoulières Jeanneau architectes, à la société par actions simplifiée à associé unique Sibat, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Argo venant aux droits de la société par actions simplifiée Commins Accoustics Workshop, et à la société anonyme Mariani.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21725
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Subrogation - Subrogation de l'assureur.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl21725 ?
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