Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités italiennes et l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, en tout état de cause, de procéder au réexamen de sa demande, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement des entiers dépens du procès ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au titre du seul article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2302375 du 2 mai 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 25 avril 2023, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023 sous le numéro 23TL01424, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2302375 du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse dans toutes ses dispositions ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. A....
Il soutient que :
- son appel est recevable ratione temporis ;
- le tribunal a commis une erreur de fait en estimant que l'intéressé n'avait pas reçu de ses services les éléments informatifs sous la forme des brochures A et B prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ; les brochures lui ont été remises en langue française, ainsi qu'il résulte de leur émargement, puis lues par un agent de la préfecture avant d'être traduites par un interprète en langue soussou qu'il comprend ; la langue soussou est une macrolangue tonale parlée dans l'Afrique de l'ouest mais c'est le français qui est la seule langue officielle de la république de Guinée, pays d'origine de l'intéressé ; l'article L.111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 4 du règlement B... III disposent, d'une part, que l'information de l'étranger peut se faire au moyen de formulaires écrits ou d'un interprète et que sa présence n'est obligatoire que si l'étranger ne parle pas français et ne sait pas lire, d'autre part, que les informations précitées sont données par écrit au demandeur dans une langue dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend, c'est précisément le cas de ce demandeur d'asile originaire de Guinée dont la langue officielle est le français, et dont l'entretien individuel s'est déroulé en présence d'un interprète en langue soussou ;
- l'allégation selon laquelle l'entretien n'aurait duré que quinze minutes est fausse, dès lors que les 17 pages de brochures ont été lues et traduites avec l'assistance téléphonique d'un interprète en langue soussou lors de l'entretien individuel ; l'article 4 du règlement B... n'impose pas de durée minimale pour la prestation d'interprétariat, ni la traduction intégrale des brochures, la durée de l'entretien dépendant essentiellement du degré de compréhension de chaque demandeur d'asile ; la signature portée par l'intéressée sur chacune des brochures d'information A et B atteste qu'il en a effectivement pris connaissance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er novembre 2023, M. A..., représenté par Me Lescarret, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) à titre subsidiaire, par l'effet dévolutif de l'appel, d'annuler les arrêtés du 25 avril 2023 portant transfert aux autorités italiennes et assignation à résidence et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de 24 heures suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application des articles L.911-1 du code de justice administrative et suivants, et à tout le moins de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à titre subsidiaire, à lui verser sur le seul fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative en cas de non admission à l'aide juridictionnelle.
Il fait valoir que :
- le préfet n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait été informé des implications de l'examen de sa demande d'asile dans le cadre de la procédure " B... ", ni qu'il aurait été mis à même de poser des questions sur ses implications ; il n'est pas démontré qu'il aurait eu accès au contenu intégral des brochures A et B, ni qu'elles lui aient été intégralement traduites par l'interprète en langue soussou ;
- il n'est pas établi qu'il se soit effectivement vu délivrer, par écrit ou tout le moins oralement, dans une langue qu'il comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes méconnaît les articles 3.2, 17.1 et 17.2 du règlement (UE) n°604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;
- il se trouve dans un état de vulnérabilité avéré et son transfert en Italie aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé, en interrompant les soins reçus en France auprès d'un médecin psychologue dès lors que l'Italie n'offre aucun suivi médical ou psychologique aux demandeurs d'asile, contrairement à la France ;
- le préfet n'apporte aucun élément nouveau de nature à infirmer les motifs du jugement contesté.
Par une ordonnance du 22 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2024.
Par un courrier en date du 15 mai 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que le délai de transfert fixé à six mois, ayant recommencé à courir à compter de la notification du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2023, est désormais expiré et que le litige portant sur l'arrêté de transfert est dès lors privé d'objet.
Par une décision du 26 janvier 2024, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023 sous le n°23TL01425, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 2 mai 2023.
Il soutient qu'il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le premier juge, et le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de condamnation accueillies, ainsi qu'il en a justifié dans sa requête au fond.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er novembre 2023, M. A..., représenté par Me Lescarret, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de rejeter la requête en sursis à exécution présentée par le préfet de la Haute-Garonne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, et dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle totale ne lui serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, le versement de la même somme à son seul profit, au visa du seul article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le préfet n'apporte aucun élément sérieux de nature à justifier, l'annulation du jugement du 2 mai 2023 ainsi qu'il ressort du mémoire en défense présenté dans l'instance n° 23TL01424, et pas davantage d'élément justifiant qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement.
Par ordonnance du 22 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2024.
Par un courrier en date du 15 mai 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que le délai de transfert fixé à six mois, ayant recommencé à courir à compter de la notification du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2023, est désormais expiré et que le litige portant sur l'arrêté de transfert est dès lors privé d'objet.
Par une décision du 26 janvier 2024, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 15 février 1999 à Conakry (République de Guinée) déclare être entré en France le 19 mars 2023, en provenance de l'Italie, dépourvu de tout document de voyage. A la suite du relevé de ses empreintes digitales, le 21 mars 2023, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile auprès de la préfecture de la Haute-Garonne, il a été constaté dans le fichier Eurodac qu'il avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes le 16 février 2023. Par deux arrêtés du 25 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence. Par la requête n° 23TL01424, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 2 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés préfectoraux en date du 25 avril 2023 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, en le munissant, dans l'attente, d'une attestation de demandeur d'asile. Par la requête n° 23TL01425, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 23TL01424 et n° 23TL01425 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. Par deux décisions du 26 janvier 2024, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses demandes d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont dépourvues d'objet et il n'y a plus lieu de statuer.
Sur la requête n°23TL01424 :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert :
4. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
5. L'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'État requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
6. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de la Haute-Garonne pour procéder à l'exécution du transfert de M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Toulouse. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet, le 3 mai 2023, du jugement du 2 mai 2023 rendu par ce dernier. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est devenue responsable de la demande d'asile de M. A.... Le litige ayant perdu son objet, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement précité, en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2023, décidant le transfert de M. A... aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
7. Pour annuler l'arrêté du 25 avril 2023 portant assignation à résidence, la magistrate désignée s'est fondée sur l'annulation de l'arrêté prononçant le transfert de M. A... aux autorités italiennes. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressée ayant reçu exécution, la demande d'annulation de cet arrêté n'est pas privée d'objet du fait du non-lieu à statuer prononcé sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert dont il convient donc d'apprécier la légalité par la voie de l'exception.
8. L'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée, / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères, / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations, / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert, / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement, / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, lequel doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 constitue une garantie pour le demandeur d'asile.
10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel dans les locaux de la préfecture de la Haute-Garonne le 21 mars 2023, conduit par un agent des services de la préfecture, avec le concours d'un interprète de la société ISM interprétariat en langue soussou, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. L'intimé s'est vu remettre, lors de cet entretien, d'une part, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne- quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " qui contient les informations sur le règlement de B... pour les demandeurs d'une protection internationale en vertu de l'article 4 du Règlement (UE) n°604/20213 et, d'autre part, la brochure B intitulée " Je suis sous procédure B... - qu'est-ce que cela signifie " dans lequel se trouvent l'ensemble des informations énumérées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Si M. A... soutient que ces documents étaient rédigés en langue française et qu'il ne comprend pas cette langue, alors que le français est la langue officielle de la République de Guinée, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les pages de garde de ces brochures ont été signées par l'intéressé, d'autre part, que le résumé de l'entretien individuel, produit par l'administration, précise que l'intimé a été informé de la procédure engagée à son encontre et ne fait apparaître aucune difficulté de compréhension ou de communication entre M. A... et l'agent de la préfecture ayant conduit cet entretien. En outre, à supposer même que l'interprète n'ait pas pu traduire intégralement en soussou lesdites brochures, le paragraphe 2 de l'article 4 dudit règlement imposait seulement de communiquer à M. A... par oral les informations nécessaires à sa bonne compréhension et n'exigeait pas qu'il soit procédé à une lecture intégrale de la vingtaine de pages que représentent les brochures A et B, seules visées par l'article 4. Enfin, si M. A... soutient que l'entretien n'a duré que quinze minutes et qu'il n'a pas été invité à poser des questions sur les implications du placement de sa demande d'asile sous le régime de la procédure " B... ", il est constant qu'il a bénéficié de l'assistance d'un interprète de la société ISM interprétariat en langue soussou durant cet entretien et il ressort du résumé de l'entretien, produit par l'administration, qu'il " déclare avoir compris la procédure engagée à son encontre " (résultant de l'application du règlement dit " B... ") et " être informé qu'une mesure de transfert en Italie peut être décidée à son encontre, ainsi qu'une mesure d'assignation à résidence ou un placement (...) en centre de rétention administrative ". A la question posée par l'agent de préfecture " Avez-vous des observations à faire concernant les mesures de transfert en Italie, d'assignation à résidence (...) '", il a répondu " qu'il ne veut pas retourner en Italie car il préfère la France depuis tout petit ". A l'occasion de cet entretien, il a en outre déclaré n'avoir aucun problème de santé. Par suite, et alors que ce compte rendu d'entretien démontre que l'intimé a été informé de la procédure engagée à son encontre et ne fait apparaître aucune difficulté de compréhension ou de communication entre ce dernier et l'agent de la préfecture l'ayant conduit, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé des garanties prévues par l'article 4 du règlement précité. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les arrêtés litigieux, le premier juge a accueilli le moyen tiré de ce que la mesure de transfert aux autorités italiennes était entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de cet article.
11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... :
S'agissant de l'exception d'illégalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :
12. L'arrêté de transfert en litige mentionne que M. A..., déclarant être entré irrégulièrement sur le territoire français le 19 mars 2023, s'est présenté à la préfecture de la Haute-Garonne, le 20 mars 2023, sur convocation, pour y formuler une demande d'asile. Il précise également que, lors de l'enregistrement de son dossier complet, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé le fait qu'une demande d'asile avait été introduite auprès des autorités italiennes le 16 février 2023. Les autorités italiennes, saisies 3 avril 2023 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, ont fait connaître leur accord 14 avril 2023 sur le fondement de l'article 18.1 a) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il précise en outre que lors de l'entretien individuel du 21 mars 2023, M. A... a pu formuler des observations quant à un éventuel transfert vers les autorités italiennes, qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et qu'il ne ressort pas des éléments versés au dossier que l'intéressé souffrirait d'une pathologie d'une particulière gravité et que l'exécution de son transfert emporterait une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé et que l'impossibilité d'accéder à des soins adaptés en Italie n'est pas établie. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de la Haute-Garonne pour déterminer que l'Italie était responsable de l'examen de sa demande d'asile et prendre la décision de transfert. Cette motivation révèle que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent être écartés.
13. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : "1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
14. Il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments versés au débat par le préfet tant en première instance qu'en appel, que M. A... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 précité par un agent qualifié dans les locaux de la préfecture de la Haute-Garonne, le 21 mars 2023, dans les conditions prévues par ces dispositions et en étant assisté par un interprète de la société ISM interprétariat en langue soussou. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
15. Il ressort des termes mêmes de la motivation de l'arrêté contesté, telle qu'exposée au point 12 du présent arrêt, que le préfet a procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. A... avant d'édicter la décision de transfert. Il n'en ressort pas davantage que le préfet se serait estimé lié par la circonstance que la demande d'asile de l'intéressé semblait relever de la responsabilité des autorités italiennes.
16. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre et que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en œuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Cette faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
17. En se bornant à faire état de sa particulière vulnérabilité psychologique découlant de son parcours migratoire et de son état de santé caractérisé, selon le rapport médical du service de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de Toulouse qu'il verse au dossier de première instance, par des douleurs dorsales et des caries dentaires, alors qu'aucune pièce médicale versée au dossier n'établit que l'intéressé bénéficierait d'un accompagnement psychologique effectif sur le territoire français, ni que son état de santé ferait obstacle à son transfert vers l'Italie et qu'il ne pourrait recevoir, dans ce pays, le suivi psychologique nécessaire, M. A... ne fait valoir aucune circonstance particulière justifiant l'application des dispositions dérogatoires précitées. Par suite, le moyen selon lequel la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 17.1 et 17.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
18. M. A... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile, alléguant des mauvaises conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, de son état de vulnérabilité et de l'existence d'un suivi psychologique sur le sol français dont l'interruption aurait pour effet des conséquences graves sur sa santé. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ne produit aucun élément médical justifiant d'un tel suivi, et malgré les difficultés réelles rencontrées par cet Etat compte tenu de l'importance des flux de demandeurs d'asile auquel il est confronté, M. A... n'établit pas davantage qu'à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, existaient en Italie, Etat membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, impliquant un traitement inhumain ou dégradant.
19. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
20. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'étant assorti d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté.
S'agissant des moyens propres à l'arrêté portant assignation à résidence :
21. La décision portant transfert auprès des autorités italiennes n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence ne peut qu'être écarté.
22. L'arrêté portant assignation à résidence comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, précise notamment que M. A... bénéficie d'une domiciliation postale dans le département de la Haute-Garonne et fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités italiennes dont l'exécution demeure une perspective raisonnable, eu égard à l'accord des autorités italiennes du 14 avril 2023, initialement valable pour six mois. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.
23. L'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée (...) ".
24. L'accord des autorités italiennes étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure d'éloignement demeurait une perspective raisonnable et que M. A... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence. En outre, le préfet a estimé que l'intéressé justifiait de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il disposait d'une domiciliation postale dans le département de la Haute-Garonne sur la commune de Toulouse. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
25. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 avril 2023 portant assignation à résidence de M. A....
Sur la requête n° 23TL01425 :
26. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n°2302375 du 2 mai 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 23TL01425 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
27. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique au bénéfice du conseil de M. A....
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du 2 mai 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé le transfert de M. A... aux autorités italiennes.
Article 2 : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2023 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 25 avril 2023 portant assignation à résidence de M. A....
Article 3 : La demande d'annulation de l'arrêté du 25 avril 2023 portant assignation à résidence présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n°23TL01425 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et à Me Lescarret.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
- M. Teulière, premier conseiller
- Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
La présidente rapporteure,
A. Geslan-Demaret Le premier conseiller le plus ancien,
T. Teulière
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL01424-23TL01425