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25/06/2024 | FRANCE | N°23TL02183

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 25 juin 2024, 23TL02183


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle la commission académique de l'académie de Toulouse a rejeté leur recours préalable obligatoire contre la décision du 27 juin 2022 par laquelle l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a refusé de leur octroyer une autorisation d'instruction dans la famille pour leur enfant A... et

ordonné la scolarisation de celui-ci dans un établissement d'enseignement scolaire pu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle la commission académique de l'académie de Toulouse a rejeté leur recours préalable obligatoire contre la décision du 27 juin 2022 par laquelle l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a refusé de leur octroyer une autorisation d'instruction dans la famille pour leur enfant A... et ordonné la scolarisation de celui-ci dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au titre de l'année scolaire 2022-2023 et d'enjoindre au recteur de l'académie de Toulouse, à titre principal, d'autoriser l'instruction en famille de l'enfant A... et, à titre subsidiaire, de réexaminer la situation de leur enfant.

Par un jugement n° 2301903 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2023, M. et Mme D..., représentés par Me Fouret, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle la commission académique de l'académie de Toulouse a rejeté leur recours préalable obligatoire contre la décision du 27 juin 2022 par laquelle l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a refusé de leur octroyer une autorisation d'instruction dans la famille pour leur enfant A... ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il ne définit pas la notion de " situation propre à l'enfant " au sens des dispositions du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle exige qu'il soit justifié d'une situation propre de l'enfant concerné, alors qu'un projet pédagogique étayé et adapté à l'enfant avait été produit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2024, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- le Conseil d'État a précisé la notion de " situation propre à l'enfant " au sens des dispositions du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation en indiquant qu'elle devait être justifiée dans la demande d'autorisation et qu'il appartient à l'administration d'examiner l'existence d'une telle " situation propre " ; à cet égard celle-ci ne saurait résulter de la seule volonté de la famille de ne pas le scolariser ;

- en l'espèce, les appelants n'ont pas exposé de manière étayée la situation propre de leur enfant qui motiverait le projet d'instruction dans la famille, la seule qualité du projet pédagogique étant sans influence à cet égard.

Par ordonnance du 7 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, notamment son article 49 ;

- le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 ;

- la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder,

-les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont sollicité, au titre de l'année scolaire 2022-2023, l'autorisation d'instruction dans la famille de leur enfant A..., âgé de trois ans. Par une décision du 21 juillet 2022 prise après recours administratif préalable obligatoire, la commission académique du rectorat de Toulouse a rejeté leur recours préalable contre la décision du 27 juin 2022 par laquelle le directeur académique des services de l'éducation nationale de Tarn-et-Garonne a rejeté leur demande d'autorisation d'instruction dans la famille.

2. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 28 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 21 juillet 2022.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si les appelants font valoir que les premiers juges n'ont pas explicité la notion de " situation propre à l'enfant " au sens des dispositions du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, il ressort du jugement contesté qu'il a expressément pris position sur l'inexistence en l'espèce d'une telle situation au sens de ces dispositions en estimant que les éléments apportés par les parents A... " ne sauraient constituer une situation propre à l'enfant de nature à justifier un projet pédagogique d'instruction en famille par dérogation au principe de l'instruction dans un établissement d'enseignement public ou privé ". Par conséquent et en tout état de cause, le jugement attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. / Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence. / La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de trois ans. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant:/ (...) 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l'année scolaire. Elle peut être accordée pour une durée supérieure lorsqu'elle est justifiée par l'un des motifs prévus au 1°. Un décret en Conseil d'État précise les modalités de délivrance de cette autorisation. / L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation peut convoquer l'enfant, ses responsables et, le cas échéant, les personnes chargées d'instruire l'enfant à un entretien afin d'apprécier la situation de l'enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l'instruction en famille. / En application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé pendant deux mois par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation sur une demande d'autorisation formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d'acceptation. / La décision de refus d'autorisation fait l'objet d'un recours administratif préalable auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie, dans des conditions fixées par décret. / Le président du conseil départemental et le maire de la commune de résidence de l'enfant sont informés de la délivrance de l'autorisation (...) ". Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d'enseignement public ou privé, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.

5. En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoyant la délivrance par l'administration, à titre dérogatoire, d'une autorisation pour dispenser l'instruction dans la famille en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire.

6. Pour rejeter la demande de M. et Mme D..., la commission académique s'est fondée sur le motif tiré de ce que les éléments constitutifs de la demande d'autorisation d'instruction en famille n'établissaient pas une situation propre à l'enfant nécessitant un projet éducatif particulier et que les modalités d'instruction évoquées étaient prises en compte à l'école. S'il ressort du projet éducatif présenté par M. et Mme D... qu'ils ont entendu justifier la situation propre à l'enfant par le souhait de mener des apprentissages selon un rythme adapté à l'enfant, à son énergie débordante et à sa créativité, ces éléments ne sauraient constituer une situation propre à l'enfant de nature à justifier un projet pédagogique d'instruction en famille par dérogation au principe de l'instruction dans un établissement d'enseignement public ou privé, lequel est en mesure de prendre en compte de telles considérations générales et fréquentes chez des enfants de trois ans. En conséquence et comme l'ont estimé les premiers juges, c'est à bon droit et sans méconnaître les dispositions précitées ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que la commission académique a rejeté la demande des appelants.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et Mme B... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02183
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-03 Enseignement et recherche. - Questions générales. - Questions générales concernant les élèves.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : FOURET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;23tl02183 ?
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