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25/06/2024 | FRANCE | N°23TL02060

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 25 juin 2024, 23TL02060


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2200422 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a e

njoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " v...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2200422 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, en la munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 9 août 2023, sous le n° 23TL02060, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme F... présentée devant ce tribunal.

Il soutient que son arrêté du 13 septembre 2021 n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; Mme F... ne justifie pas d'une situation particulière de nature à permettre sa régularisation tant au titre de la vie privée et familiale qu'au plan professionnel.

Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2023, Mme F..., représentée par Me Benhamida, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle fait valoir que :

- la requête a été introduite par une autorité incompétente ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans les circonstances de l'espèce ;

- l'ensemble des moyens présentés devant les premiers juges est maintenu.

Par une décision du 9 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a maintenu la décision du 12 avril 2022 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme F....

Par une ordonnance en date du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 30 mai 2024 à 12 heures.

II.- Par une requête, enregistrée le 9 août 2023, sous le n° 23TL02062, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 7 juillet 2023.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté et le rejet des conclusions accueillies par ce jugement au motif que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2023, Mme F..., représentée par Me Benhamida, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable faute de délégation de signature de son auteur et qu'elle n'est pas fondée.

Par une décision du 9 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a maintenu la décision du 12 avril 2022 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme F....

Par une ordonnance en date du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 30 mai 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens de leurs familles ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Karine Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante algérienne née le 16 octobre 1976, est entrée en France le 15 janvier 2017, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de 30 jours délivré par le consulat de France à Oran. En raison de l'état de santé de son enfant, B... H..., née le 2 août 2015 à Tissemsilt, de nationalité algérienne, Mme F... a sollicité le 28 novembre 2017 son admission au séjour en France en qualité d'accompagnant d'enfant malade sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 14 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cet arrêté a par la suite été définitivement confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 19 décembre 2019. Le 11 mars 2021, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par une décision du 13 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par la requête enregistrée sous le n° 23TL02060, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 septembre 2021 et lui a enjoint de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par une seconde requête enregistrée sous le n° 23TL02062, le préfet sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 23TL02060 et n° 23TL02062 du préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

3. Par un arrêté du 15 décembre 2020 publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne, n° 31-2021-290, le même jour, le préfet de ce département a donné délégation à Mme G... D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les requêtes en appel relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers devant les juridictions administratives. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la requête doit être écarté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, de sorte que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la possibilité pour le préfet de régulariser la situation d'un étranger au titre de la vie privée et familiale ou au regard de sa situation professionnelle, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Dès lors, Mme F... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il appartient à l'autorité préfectorale, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur sa situation personnelle.

5. Le préfet de la Haute-Garonne a estimé qu'il était saisi d'une demande de régularisation de Mme F... présentée au titre de sa vie privée et familiale et de sa situation professionnelle. D'une part, l'intéressée réside irrégulièrement en France depuis 2017 et s'est maintenue sur le territoire national malgré une mesure d'éloignement du 14 janvier 2019 dont la légalité a été confirmée par un arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 décembre 2019. Si elle se prévaut de l'état de santé de sa fille, B..., née en 2015, qui souffre d'une malformation vertébrale en puzzle associée à une spina bifida nécessitant une prise en charge médicale pluridisciplinaires, les certificats médicaux des Dr C... et Donskoff, praticiens hospitaliers, dans le service des neurosciences pour le premier et dans le pôle enfants en charge de l'orthopédie et de la traumatologie pédiatrique pour le second, qui suivent l'enfant, ne se prononcent pas sur la disponibilité d'un traitement approprié en Algérie. En outre, le certificat médical du Dr E..., médecin généraliste, se borne à indiquer qu'il existe un risque significatif que B... ne puisse pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Mais, cette allégation n'est appuyée d'aucun élément et notamment pas des retours des médecins algériens supposément sollicités pour évaluer les possibilités de prise en charge en Algérie. Par ailleurs, si Mme F... se prévaut de la présence en France de cinq de ses enfants scolarisés et de deux de ses sœurs et d'une nièce, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales importantes en Algérie où vivent trois de ses fils majeurs et sa mère. Enfin, la scolarisation de ses cinq enfants peut se poursuivre en Algérie.

6. D'autre part, alors qu'elle dispose d'une formation en qualité d'éducatrice de jeunes enfants et bénéficie d'une expérience professionnelle acquise en Algérie dans ce domaine, elle se prévaut d'une promesse d'embauche pour le poste d'aide-ménagère, sans rapport donc avec sa qualification, et pour lequel elle ne justifie pas de ses compétences professionnelles. Par ailleurs, la circonstance qu'elle ait suivi pendant une année des cours dispensés par une association pour l'apprentissage du français, qu'elle respecte le règlement du service d'hébergement d'urgence et participe aux activités proposées et qu'elle manifeste un caractère indépendant, ne suffit pas à établir une insertion particulièrement remarquable. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que la situation de Mme F... ne justifiait pas de répondre favorablement à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

7. Il en résulte que, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les autres moyens de la demande de Mme F... :

8. En premier lieu, par un arrêté du 15 décembre 2020 publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne, n° 31-2021-290, le même jour, le préfet de ce département a donné délégation à Mme G... D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions et arrêtés établis en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

9. En deuxième lieu, pour les motifs exposés aux points 5 et 6, les moyens tirés de ce que la décision portant refus d'admission exceptionnelle au séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien fondamentales, ne peuvent qu'être écartés.

10. En troisième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. La décision portant refus de séjour n'implique , par elle-même, ni la séparation de la famille ni la rupture des liens entre Mme F... et ses enfants. Il existe, de plus, des possibilités de reconstitution de la cellule familiale en Algérie, pays dont l'intéressée et ses enfants ont la nationalité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.

12. En quatrième lieu, Mme F... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

13. En cinquième lieu, pour les motifs exposés aux points 9 et 11, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

14. En sixième lieu, la décision fixant le pays de destination qui vise l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise la nationalité de l'appelant, est suffisamment motivée.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. Pour les motifs exposés au point 5, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que l'absence de prise en charge médicale adaptée à l'état de santé de sa fille dans son pays d'origine serait de nature à exposer son enfant à des traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations précitées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 septembre 2021.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :

18. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 7 juillet 2023. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme que Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme F... est rejetée.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL02062 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution de l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2023 prononçant l'annulation de son arrêté du 13 septembre 2021.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Benhamida.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02060 ; 23TL02062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02060
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;23tl02060 ?
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