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25/06/2024 | FRANCE | N°23TL01021

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 25 juin 2024, 23TL01021


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2205977 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requêt

e et un mémoire, enregistrés les 3 mai et 26 juin 2023, M. C..., représenté par Me Lafon, demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2205977 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mai et 26 juin 2023, M. C..., représenté par Me Lafon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges lui ont opposé l'absence de détention d'un visa de long séjour ; en effet, il a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, avant l'échéance de ce titre ; il n'a reçu aucune réponse quant à cette demande et c'est sur les indications de la préfecture qu'il a présenté une nouvelle demande de titre de séjour, à une date à laquelle il n'était pas en situation irrégulière ; dès lors, il ne pouvait lui être opposée l'absence de détention d'un visa de long séjour ;

- il a fourni au préfet l'ensemble des documents exigés pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

- les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'arrêté attaqué est également entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la commission du titre de séjour devait être consultée dès lors que le préfet envisageait de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour.

Par un mémoire en défense du 31 mai 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. C....

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal administratif de Toulouse a admis M.C..., au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité marocaine, né le 4 septembre 1998, est entré en France le 22 août 2017 avec un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et a obtenu des titres de séjour en cette qualité, jusqu'au 25 octobre 2021. Il a sollicité, le 27 septembre 2021, le renouvellement de ce titre de séjour. Le 13 avril 2022 il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 10 août 2022 le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. M. C... relève appel du jugement du 2 février 2023, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2022 précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Selon l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". En vertu de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-1 [c'est-à-dire de la demande d'autorisation de travail] l'étranger résidant hors du territoire national ou l'étranger résidant en France et titulaire d'un titre de séjour prévu à l'article R. 5221-3 ".

4. L'accord franco-marocain renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains. Les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, ne sont pas incompatibles avec les stipulations de cet accord. Il s'évince par ailleurs des dispositions combinées précitées du code du travail que seuls les étrangers autorisés à séjourner en France en une autre qualité que celle de salarié peuvent solliciter un changement de statut vers le statut de salarié, le préfet devant instruire la demande de titre de séjour notamment en la transmettant à la direction du travail. Dans l'hypothèse, d'un étranger qui comme en l'espèce se trouve en situation irrégulière le préfet peut rejeter la demande de titre de séjour en qualité de salarié au motif de l'absence de présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes comme l'exige l'article 3 précité de l'accord franco-marocain.

5. En conséquence et dès lors que M. C..., qui n'avait pas bénéficié du renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant dont il bénéficiait jusqu'au 25 octobre 2021, se trouvait en situation irrégulière lorsqu'il a sollicité, le 13 avril 2022 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", il était soumis, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la détention d'un visa de long séjour. Par suite, le préfet a pu à bon droit lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié au motif qu'il ne justifiait pas, contrairement à ce que lui imposaient les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain, de la détention d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Et en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. C... est célibataire et sans enfant en France. S'il se prévaut de son mariage avec une ressortissante française le 10 juin 2023, il ne justifie pas de l'existence d'une relation avec cette dernière à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, s'il allègue de la présence en France de sa sœur, il n'en justifie pas, pas plus qu'il ne justifie avoir noué des liens personnels en France. En conséquence et alors que l'intéressé n'établit pas ne plus disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine, il n'est pas fondé, en dépit d'une présence alléguée en France depuis le 22 août 2017 et du fait qu'il y a travaillé, à soutenir que le refus de séjour dont il fait l'objet porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il serait entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) " .

9. Il résulte des dispositions précitées que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour l'obtention d'un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de ce code, ou des stipulations équivalentes de l'accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors que, comme il a été dit précédemment, M. C... ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était, par suite, pas tenu de soumettre sa demande à la commission du titre de séjour.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 août 2022. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative combinées à celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M.B..., président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

Le rapporteur

P. B...

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01021
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : LAFON MATHILDE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;23tl01021 ?
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