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25/06/2024 | FRANCE | N°22TL22328

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 25 juin 2024, 22TL22328


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société Alogéa a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision implicite, née le 11 avril 2021, de rejet, par la commune de Villedubert de sa demande tendant à ce que soit constatée la désaffection et à ce qu'il soit procédé à son déclassement de l'étage du bien situé sur la parcelle cadastrée section AE n° 11, et à ce qu'il soit enjoint à la commune précitée de constater la désaffectation de ce bien immobilier et de procéder à son déclass

ement du domaine public.



Par un jugement n° 2101989 du 15 septembre 2022 le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alogéa a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision implicite, née le 11 avril 2021, de rejet, par la commune de Villedubert de sa demande tendant à ce que soit constatée la désaffection et à ce qu'il soit procédé à son déclassement de l'étage du bien situé sur la parcelle cadastrée section AE n° 11, et à ce qu'il soit enjoint à la commune précitée de constater la désaffectation de ce bien immobilier et de procéder à son déclassement du domaine public.

Par un jugement n° 2101989 du 15 septembre 2022 le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2022 et le 7 août 2023, la société Alogéa, représentée par Me Girard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision implicite, née le 11 avril 2021, de rejet par la commune de Villedubert de sa demande tendant à ce que soit constatée la désaffectation du domaine public du premier étage de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section AE n° 11, et à ce qu'il soit procédé à son déclassement ;

3°) d'enjoindre à la commune de Villedubert de procéder au déclassement du domaine public de l'immeuble précité sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Villedubert la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la délibération du 7 décembre 2005 approuvant la vente du premier étage de l'immeuble à son profit était devenue définitive lors de l'intervention de la décision implicite de rejet de sa demande de désaffectation et de déclassement du domaine public ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors que la volonté du conseil municipal de déclasser le bien du domaine public résulte de la délibération du 7 décembre 2005, approuvant la vente, ainsi que de la délivrance d'un permis de construire le 23 mai 2006 ; en l'espèce, la volonté de la commune de faire sortir le bien du domaine public n'est pas équivoque et le déclassement n'apparaît pas de nature à porter atteinte à un droit ou à une liberté protégé par les principes de la domanialité publique ;

- au surplus était attaché à la cession un intérêt général portant sur la réalisation de logements sociaux et l'immeuble était de fait désaffecté depuis 2004 ;

- par ailleurs, si elle n'a pas la qualité de personne publique susceptible de bénéficier, en vertu du code général de la propriété des personnes publiques, d'un transfert de propriété sans déclassement, elle est toutefois, compte tenu de ses missions en matière de logement social, assimilable à un établissement public industriel et commercial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2023, la commune de Villedubert, représentée par Me Lorent, conclut au rejet de la requête de la société Alogéa et à ce que soit mise à sa charge la somme de 3000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête de la société Alogéa est irrecevable, dès lors qu'elle a été présentée le 21 novembre 2022 alors que le jugement a été rendu le 15 septembre 2022 et que, subsidiairement, sur le fond, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Girard, représentant la société appelante.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 7 décembre 2005, le conseil municipal de la commune de Villedubert (Aude) a approuvé la cession, au prix d'un euro symbolique, du premier étage d'un l'immeuble à la société audoise et ariégeoise d'habitations à loyers modérés, pour la construction de deux logements locatifs à loyers modérés et a autorisé le maire à signer l'acte de vente afférent à cette cession. Le maire de Villedubert, par un acte de vente du 8 juillet 2008, a cédé ce bien à la société précitée, devenue la société Alogea. Par jugement du 23 juillet 2019 frappé d'appel, le tribunal de grande instance de Carcassonne a débouté la commune de son action en nullité de la vente. Le 9 février 2021, la société Alogea a demandé à la commune de constater la désaffectation de ce bien et de procéder à son déclassement du domaine public. La société Alogea a demandé devant le tribunal administratif de Montpellier l'annulation du refus implicite, né le 11 avril 2021, opposé à sa demande.

2. La société Alogéa relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 2141-1 du même code : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ". Aux termes de l'article L. 3111-1 de ce code : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ". Aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques : " Les biens des personnes publiques qui, avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, ont fait l'objet d'un acte de disposition et qui, à la date de cet acte, n'étaient plus affectés à un service public ou à l'usage direct du public peuvent être déclassés rétroactivement par l'autorité compétente de la personne publique qui a conclu l'acte de disposition en cause, (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune (...) ".

4. Lorsqu'un bien appartenant à une personne publique a été incorporé dans son domaine public, il ne cesse d'appartenir à ce domaine que du fait d'une décision expresse de déclassement prise par l'autorité compétente. La délibération autorisant la cession d'une dépendance du domaine public à une personne privée, doit être regardée, compte tenu du principe d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public, comme accordant cette autorisation sous la réserve qu'il soit procédé préalablement à la désaffectation et au déclassement du bien en cause. Une telle délibération ne confère pas par elle-même à la personne qu'elle désigne comme l'acquéreur, un droit à la réalisation de la vente.

5. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être exposé que la délibération du 7 décembre 2005 citée au point 1, approuvant la cession du bien en cause à l'appelante, ne peut être regardée comme ayant créé des droits au profit de celle-ci. Par suite, la décision implicite de rejet de la demande tendant à la constatation de la désaffectation de ce bien et à ce qu'il soit procédé à son déclassement, ne saurait être tenue comme ayant procédé à un retrait tardif d'une décision créatrice de droits.

6. En deuxième lieu, il est constant que le conseil municipal de la commune de Villedubert n'a pas expressément constaté la désaffectation ni procédé au déclassement du domaine public du premier étage de l'immeuble communal, situé sur la parcelle cadastrée section AE n° 11. Si la société Alogéa fait valoir que ce déclassement résulterait de la délibération du 7 décembre 2005 approuvant la vente, de la délivrance d'un permis de construire le 23 mai 2006, ainsi que de la signature de l'acte authentique le 8 juillet 2008, le déclassement d'un bien appartenant au domaine public ne saurait, compte tenu des principes rappelés au point 4, intervenir implicitement. En l'absence d'acte exprès de déclassement du domaine public, les circonstances invoquées par la société appelante et selon lesquelles le déclassement en cause ne serait pas de nature à porter atteinte à un droit ou à une liberté protégé par les principes de la domanialité publique et serait justifié par l'intérêt général qui s'attache à la réalisation de logements sociaux, sont inopérantes.

7. En troisième et dernier lieu, comme l'indique la société appelante elle-même, elle n'a pas la qualité de personne publique et ne peut, dès lors, alors même qu'elle œuvre dans le domaine du logement social, se prévaloir des dispositions de l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques permettant une cession à l'amiable entre personnes publiques, sans procédure de déclassement, de biens appartenant au domaine public.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête, la société Alogéa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions en injonction de l'appelante ne peuvent aussi qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villedubert, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Alogéa demande sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Alogéa au bénéfice de la commune de Villedubert la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Alogéa est rejetée.

Article 2: La société Alogéa versera la somme de 1 500 euros à la commune de Villedubert sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alogéa et à la commune de Villedubert.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL22328 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22328
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-025 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Déclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL LYSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;22tl22328 ?
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