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25/06/2024 | FRANCE | N°22TL21594

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 25 juin 2024, 22TL21594


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée François Fondeville a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer à la somme de 149 415,66 euros le solde en sa faveur du décompte général du marché conclu avec la commune de Toulouse pour l'exécution des travaux lot n° 2 " gros œuvre " de construction du groupe scolaire Grand Selve.



Par un jugement n° 2003814 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2022, la société François Fondev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée François Fondeville a demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer à la somme de 149 415,66 euros le solde en sa faveur du décompte général du marché conclu avec la commune de Toulouse pour l'exécution des travaux lot n° 2 " gros œuvre " de construction du groupe scolaire Grand Selve.

Par un jugement n° 2003814 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2022, la société François Fondeville, représentée par Me Meneau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 mai 2022 ;

2°) d'arrêter le décompte général du marché à la somme de 149 415,66 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué qui a retenu, à tort, l'irrecevabilité de sa demande en raison de sa tardiveté, est irrégulier ; elle n'était pas forclose dès lors que le délai de recours contentieux expirait non pas le 17 mai 2020 mais le 23 août 2020 ;

- la procédure d'établissement du décompte général est entachée d'irrégularité puisque le décompte de liquidation lui a été notifié par le maître d'œuvre et ne fait pas figurer au crédit du titulaire du marché la valeur contractuelle des travaux exécutés ;

- les retenues opérées dans le décompte général par le maître d'ouvrage au titre des pénalités de retard, du retard pris pour l'exécution du chantier et du surcoût du marché subséquent, sont dépourvues de fondement ;

- la valeur des travaux exécutés doit être intégrée au calcul du solde du décompte général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, la commune de Toulouse, représentée par Me Sire, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que le décompte de liquidation soit arrêté à la somme de 549 820,71 euros toutes taxes comprises ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable faute de qualité à agir de la société Fondeville ; seules les sociétés désignées par le tribunal de commerce de Montpellier en qualité d'administrateur de la société Fondeville, placée en procédure de redressement judiciaire, avaient la capacité de contester le jugement attaqué ;

- à titre principal, le jugement attaqué, qui a regardé la demande tardive de la société Fondeville comme irrecevable, est régulier ;

- à titre subsidiaire, le décompte de résiliation n'ayant pas été contesté par les administrateurs du titulaire du marché dans les trente jours de sa notification, est réputé être définitif ;

- la procédure d'établissement du décompte général est régulière ; la circonstance que le maître d'œuvre ait notifié directement au titulaire le décompte de liquidation est sans incidence sur sa régularité dès lors que ce décompte a été signé par le maître d'ouvrage ;

- le décompte de liquidation intègre le montant qui a été perçu par la société appelante et qui correspond aux travaux qu'elle a exécutés ;

- les retenues opérées dans le décompte général sont justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sire, représentant la commune de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Toulouse a confié à la société François Fondeville la réalisation des travaux du lot n° 2 " gros œuvre " du marché n° 17V079AO/2 dans le cadre de la construction du groupe scolaire Grand Selve. Le marché a été notifié le 15 mai 2018 pour un montant de

2 545 746,02 euros hors taxes soit 3 054 895,22 euros toutes taxes comprises. Par un ordre de service n° 1, la date de démarrage des travaux a été fixée au 4 juin 2018 pour une durée de dix-huit mois, dont trois mois de préparation. Par un jugement du 9 octobre 2018, le tribunal de commerce spécialisé de Montpellier a placé la société François Fondeville en redressement judiciaire. Par une lettre du 16 janvier 2019, réceptionnée le 21 janvier suivant par la commune de Toulouse, l'administrateur judiciaire de la société Fondeville a notifié la décision de ne pas poursuivre l'exécution du contrat. La commune de Toulouse a prononcé la résiliation du marché avec prise d'effet au 21 janvier 2019 en application de l'article 46.1.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux en cas de redressement judiciaire. Le décompte de résiliation du marché a été notifié à l'entreprise le 3 octobre 2019. Par un mémoire en réclamation du 16 octobre 2019, la société François Fondeville a contesté le bien-fondé des sommes réclamées par la commune de Toulouse et a demandé le paiement de sommes complémentaires au titre des travaux effectivement réalisés et au titre d'indemnités pour préjudices subis du fait du retard pris sur le chantier et de la décision de résiliation du marché. La société François Fondeville relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce que le solde du décompte général du marché soit fixé à la somme de 149 415,66 euros en sa faveur.

2. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'État ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

3. D'une part, aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au marché en litige : " 50.1. Mémoire en réclamation : 50.1.1. Si un différend survient (...), ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. 50.1.2. Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. (...) 50.3. Procédure contentieuse : 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable ".

4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, rendu applicable aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif par l'article 15 de l'ordonnance n° 2020-305, du même jour, portant adaptation des règles applicables devant ces juridictions, à l'exception des dérogations énumérées au II de cet article : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ".

5. Comme indiqué au point 1, la société François Fondeville a contesté le décompte de liquidation, notifié par la commune de Toulouse le 3 octobre 2019, par un mémoire en réclamation du 16 octobre 2019, reçu par le pouvoir adjudicateur le 18 octobre suivant. Le maître d'ouvrage ne s'étant pas prononcé dans un délai de trente jours à compter de la réception du mémoire en réclamation, une décision implicite de rejet est née le 17 novembre 2019 en application des articles 50.1.2 et 50.1.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au marché en litige, précités. Le tribunal administratif de Toulouse, en se référant à l'avis n° 457527 du 3 février 2022 du Conseil d'État, a rejeté comme irrecevable du fait de sa tardiveté, sur le fondement des stipulations des articles 50.3.2 et 50.3.3 du même cahier, précitées, la demande de la société François Fondeville tendant à la fixation à la somme de 149 415,66 euros du solde du marché public de travaux en sa faveur au terme du décompte général de ce marché conclu avec la commune de Toulouse pour l'exécution des travaux du lot n° 2 " gros œuvre " de construction du groupe scolaire Grand Selve.

6. La requête de la société François Fondeville présente à juger la question suivante :

Ainsi que l'a dit pour droit le Conseil d'État dans la décision n° 296948 du

29 décembre 2008, les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative aux termes desquelles les délais de recours contre les décisions administratives ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision, ne sont pas applicables au rejet par le maître de l'ouvrage de la réclamation préalable formée par les entrepreneurs à l'encontre du décompte général, dès lors qu'existent au sein du cahier des clauses administratives générales des règles particulières de saisine du juge du contrat. En conséquence, les règles de recevabilité des recours contentieux figurant dans les cahiers des clauses administratives générales régissent seules et exclusivement les procédures qu'elles instituent. Par ailleurs, le Conseil d'État dans l'avis du 3 février 2022 cité au point 5, a estimé que le premier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 est applicable aux délais de recours prescrits par la loi ou le règlement ainsi que par la jurisprudence.

Dès lors, les dispositions précitées du premier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 qui sont applicables aux délais de recours prescrits par la loi ou le règlement ainsi que par la jurisprudence, sont-elles également applicables aux règles particulières de saisine du juge du contrat qui figurent dans les cahiers des clauses administratives générales auxquels les parties ont librement souscrit '

7. Cette question de droit est nouvelle, présente une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de surseoir à statuer sur la requête de la société François Fondeville et de transmettre le dossier de cette requête, pour avis, au Conseil d'État.

DÉCIDE:

Article 1er : Le dossier de la requête n° 2221594 de la société François Fondeville est transmis au Conseil d'État pour examen de la question de droit définie dans les motifs du présent arrêt.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société François Fondeville jusqu'à ce que le Conseil d'État ait fait connaître son avis.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Hélène Gascon et à Me Alix Brenac, liquidateurs judiciaires de la société par actions simplifiée François Fondeville, à Me Meneau et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[LC1]

2

N° 22TL21594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21594
Date de la décision : 25/06/2024

Analyses

39-08-01 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL ACOCE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;22tl21594 ?
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