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30/05/2024 | FRANCE | N°22TL20841

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 30 mai 2024, 22TL20841


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Pertuis à lui verser la somme de 129 832 euros en réparation de ses préjudices résultant de faits de harcèlement moral dont il s'estimait victime.



Par un jugement n° 2001434 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le

25 mars 2022 et le 30 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Leturcq de la SELARL Noûs Avocats, demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Pertuis à lui verser la somme de 129 832 euros en réparation de ses préjudices résultant de faits de harcèlement moral dont il s'estimait victime.

Par un jugement n° 2001434 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2022 et le 30 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Leturcq de la SELARL Noûs Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 janvier 2022 ;

2°) de condamner la commune de Pertuis à lui verser la somme de 129 832 euros en réparation de ses préjudices moral et financier subis en raison du harcèlement moral dont il a été victime ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pertuis la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison du caractère incomplet de l'indication sur " Sagace " du sens des conclusions du rapporteur public ;

- il est également irrégulier en raison de l'omission à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision expresse de rejet de sa demande préalable indemnitaire par le maire de Pertuis le 31 mars 2020 ;

- la responsabilité de la commune de Pertuis est engagée en raison des agissements de harcèlement moral dont il a été victime pendant plus d'une décennie, sur le fondement de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;

- il est fondé à solliciter l'octroi d'une somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

- son préjudice financier s'élève à la somme de 49 832 euros au titre des pertes de salaires.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 juin 2022 et le 7 avril 2023, la commune de Pertuis, représentée par la SELARL Abeille et Associés agissant par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B... la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, sa responsabilité ne saurait être engagée en l'absence de faits de harcèlement moral et d'attitude fautive de sa part ;

- à titre subsidiaire, le lien de causalité entre les fautes invoquées et le préjudice moral allégué est incertain et indirect ; l'indemnisation éventuellement allouée au titre de ce préjudice devrait être réduite à de plus justes proportions ; le requérant n'a subi aucun préjudice financier.

Par ordonnance du 23 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Richard substituant Me Pontier, représentant la commune de Pertuis.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui a été nommé ... de la police municipale de la commune de Pertuis (Vaucluse) en 2003 et s'est vu confier les opérations de gestion de ... de l'Etat auprès de ce service, a connu des difficultés relationnelles avec le maire à compter de septembre 2009. Il a été placé en arrêt de travail pour état dépressif réactionnel. A sa reprise d'activité, le 21 janvier 2010, l'intéressé a été affecté sur le poste de .... Le 20 septembre 2012, la direction départementale des finances publiques a transmis au maire un rapport provisoire comportant des griefs à l'encontre de M. B... en sa qualité ... pour la période du 1er janvier 2008 au 19 janvier 2010, puis ... jusqu'en janvier 2012. L'intéressé a été placé en congé de maladie ordinaire, puis en congé de longue durée jusqu'au 22 novembre 2012. Le 23 novembre 2012, M. B... a repris ses fonctions et a été, à nouveau, placé en arrêt de travail par son médecin du 24 novembre au 10 décembre 2012. Le 26 novembre 2012, L'intéressé a été convoqué par le directeur général des services de la commune pour lui signifier sa suspension conservatoire, à la suite de la saisine du procureur de la République et de l'ouverture d'une information judiciaire à son encontre le 24 novembre 2012, ainsi que de la saisine du conseil de discipline en vue de sa révocation. Saisi le 31 juillet 2014 par le maire de Pertuis, le conseil de discipline a rendu, le 14 janvier 2015, un avis favorable à la sanction de révocation de M. B..., lequel a été révoqué par un arrêté du 10 mars 2015, qui a été annulé par un jugement en date du 16 juin 2016 du tribunal administratif de Nîmes. Le maire de Pertuis a pris, le 8 juillet 2016, à l'encontre de M. B..., un second arrêté de révocation, qui a été annulé par un jugement rendu le 19 octobre 2017 par le même tribunal, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 13 novembre 2018. Par un second jugement du 19 octobre 2017, confirmé le 13 novembre 2018 par la cour administrative d'appel de Marseille, le tribunal administratif a annulé la décision du 28 juillet 2015 par laquelle le maire de Pertuis a refusé de reconnaître comme imputables au service les arrêts de travail de M. B... du 15 au 28 septembre 2009, du 12 octobre 2009 au 20 janvier 2010, du 9 octobre au 22 novembre 2012 et à compter du 24 novembre 2012, et a enjoint à l'autorité territoriale de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'état dépressif de l'agent ayant justifié ces arrêts de travail. S'estimant victime de faits répétés de harcèlement moral, M. B... a saisi le maire de Pertuis d'une demande indemnitaire le 6 mars 2020, qui a été rejetée par une décision du 31 mars 2020. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Pertuis à lui verser la somme de 129 832 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subi. Il relève appel du jugement du 27 janvier 2022 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ". Aux termes de l'article R. 711-3 du même code : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision ou à la satisfaction totale ou partielle du demandeur, les moyens qu'il propose d'accueillir.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les parties ont été mises en mesure de savoir, par l'intermédiaire du système informatique de suivi de l'instruction, que le rapporteur public conclurait au " rejet au fond " de la requête introduite par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes. Eu égard aux caractéristiques du litige, cette mention indiquait de manière suffisamment précise le sens de la solution que le rapporteur public envisageait de proposer à la formation de jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

5. En second lieu, la décision du 31 mars 2020 par laquelle le maire de Pertuis a rejeté la demande indemnitaire préalable de M. B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de ce dernier qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a ainsi lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige et il n'y a lieu pour le juge ni d'examiner de tels moyens, ni de statuer sur les conclusions d'annulation de telles décisions. Le moyen tiré de l'omission à statuer dont serait entaché le jugement attaqué doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable à l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

8. M. B... soutient en premier lieu avoir été victime d'une altercation avec le maire de Pertuis et le directeur général des services, le 8 septembre 2009, au cours de laquelle il a subi des intimidations, des insultes et menaces en raison de son opposition au projet d'installation de caméras de vidéo-surveillance supplémentaires en l'absence d'autorisation préfectorale. Il expose avoir été placé en arrêt de travail pour état dépressif réactionnel en raison de ces faits jusqu'au 20 janvier 2010. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 9 septembre 2009 qu'il a adressé au maire, M. B... a évoqué les termes de cet entretien, notamment les menaces et l'insulte dont il a été victime, en indiquant qu'alors que sa qualification judiciaire lui impose de respecter les lois et règlements, le fait de commettre un acte répréhensible l'exposerait à des poursuites pénales avec circonstances aggravantes. Il concluait que si l'ordre devait néanmoins lui être donné de procéder à l'installation de nouvelles caméras de vidéosurveillance sans autorisation préfectorale, il serait dans l'obligation d'en informer les autorités judiciaires en application de l'article 40 du code de procédure pénale. La matérialité des menaces et de l'insulte proférées à son encontre le 8 septembre 2009 doit être regardée comme établie, alors que le courrier adressé au maire de Pertuis le lendemain n'a pas été contesté par ce dernier. M. B... ajoute par ailleurs sans être contredit que le maire s'est rendu à son domicile le lendemain de l'altercation afin de s'excuser pour les insultes proférées. Il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait eu à subir des faits similaires après sa reprise de fonctions le 21 janvier 2010.

9. En deuxième lieu, à l'issue de son arrêt de travail, M. B... qui a été affecté sur le poste de ..., expose avoir subi une surcharge progressive et délibérée de travail pendant deux ans, laquelle serait à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail. Il résulte toutefois de l'instruction que l'augmentation des missions du service dont il assurait la direction trouve son origine dans l'augmentation des pouvoirs de police du maire de Pertuis du fait de la loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure. S'il a initialement été physiquement privé de ses deux secrétaires du fait de leur installation dans d'autres locaux, son service a par la suite été renforcé en personnel et comportait six agents. Si, par un arrêt n° 17MA04647 rendu le 13 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la décision du 28 mai 2015 du maire de Pertuis refusant d'admettre l'imputabilité au service de ses arrêts de travail pour plusieurs périodes, notamment à compter du 9 octobre 2012, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la surcharge de travail dont se prévaut M. B... à la reprise de ses fonctions le 21 janvier 2010 révèlerait des agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre.

10. En troisième lieu, si M. B... soutient s'être vu opposer dans un premier temps en janvier 2010 un refus de participation à la formation continue obligatoire des agents de police municipale par le maire de Pertuis au motif qu'il n'était plus ... de la police municipale, il a finalement été autorisé à suivre cette formation par le directeur général des services. La circonstance qu'il n'ait pu suivre que quatre jours de formation sur les cinq prévus afin d'assister à une réunion inter-directions, ne révèle aucun agissement constitutif de harcèlement moral à son encontre. Le requérant invoque ensuite le refus de participation aux séances de tirs administratifs obligatoires en juillet 2012, ayant entraîné la perte de son port d'arme en fin d'année 2012. S'il soutient que dans le même temps il aurait envoyé vingt-deux lettres de demandes de mutation dans des villes des Bouches-du-Rhône et n'aurait pas été en mesure de justifier de la perte de son port d'arme, il ne justifie par aucune pièce des démarches qu'il aurait alors entreprises. Alors que la commune a justifié son refus en raison de l'état dépressif de M. B..., ce dernier ne justifie pas davantage de ce qu'il était alors en possession d'un certificat médical attestant de sa bonne santé physique et psychique ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 511-18 du code de la sécurité intérieure.

11. En quatrième lieu, M. B... ne démontre ni la réalité du retrait de la nouvelle bonification indiciaire de 25 points dès mars 2011 en se bornant à produire les fiches de paye de janvier et février 2011, ni les différences de traitement alléguées, sur ce point, entre les directeurs de services. S'il expose que ses revenus ont diminué à compter de 2010 en se prévalant de ses avis d'imposition au titre des années 2009, 2010 et 2011, il a cependant changé de fonctions en janvier 2010, lesquelles n'impliquaient plus le versement d'indemnités au titre d'astreintes. S'il invoque ensuite une nouvelle perte de revenus constatée sur son bulletin de paye de février 2013, il ressort de l'attestation du 10 avril 2013 que des retenues sur salaires et primes ont été effectuées à compter d'octobre 2012 en raison de ses arrêts de travail. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé ait été victime de dysfonctionnements dans la gestion du paiement de ses jours épargnés sur son compte épargne-temps, la collectivité lui ayant d'ailleurs monnayé ces jours épargnés sur son bulletin de paie de décembre 2013.

12. En cinquième lieu, le requérant invoque des dysfonctionnements du service et soutient avoir été victime d'un acharnement procédural. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la suite de la transmission au maire de Pertuis du rapport provisoire de la direction départementale des finances publiques établi le 20 septembre 2012, des griefs ont été relevés à l'encontre de M. B... en sa qualité de ... pour la période du 1er janvier 2002 au 19 janvier 2010, date à laquelle il est devenu suppléant jusqu'en janvier 2012. Par un courrier du 24 novembre 2012, le procureur de la République a informé le maire de Pertuis de l'ouverture d'une information judiciaire auprès d'un juge d'instruction à l'encontre de M. B... et de Mme C..., des chefs de concussion, faux et usage de faux et vols aggravés pour les faits non couverts par la prescription. Au regard de ces faits, la décision de suspension des fonctions de M. B... à compter du 26 novembre 2012 ne révèle aucun agissement qui aurait excédé le cadre normal du pouvoir hiérarchique. Le requérant ne fournit aucun commencement de preuve s'agissant des menaces qu'aurait proférées le directeur général des services à la suite de l'ouverture à son encontre d'une information judiciaire et des propos inappropriés qu'aurait tenus le maire devant l'ensemble des agents de la collectivité le 11 décembre 2012. La circonstance que, par arrêté du 18 mars 2013, le maire ait refusé de fixer le point de départ de son arrêt maladie au 24 novembre 2012 au lieu du 27 novembre 2012 au motif que l'intéressé était présent sur son lieu de travail le 26 novembre 2012, ne révèle par elle-même aucun fait susceptible de révéler un harcèlement moral à son encontre. Si cet arrêté a été annulé par un arrêt n° 15MA04906 du 14 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a retenu un vice de procédure dont était entaché l'arrêté en l'absence de contrevisite de M. B... par un médecin agréé. De même, il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait agi dans l'intention de lui nuire en saisissant le conseil de discipline en vue de sa révocation, compte tenu de la mise en cause de l'intéressé par le rapport d'audit de la direction départementale des finances publiques du 20 septembre 2012 et de l'information judiciaire ouverte à son encontre le 24 décembre 2012. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait été sciemment empêché de consulter le logiciel Municipol pour préparer sa défense devant le conseil de discipline, le maire de Pertuis lui ayant autorisé l'accès à ce progiciel. L'autorité territoriale était par ailleurs fondée à bloquer ses accès et sa ligne téléphonique professionnelle début janvier 2013, par suite de la suspension de ses fonctions. Si le requérant dénonce une différence de traitement avec les trois agents mis en examen, alors qu'il a seulement été placé en qualité de témoin assisté, il résulte de l'instruction que Mme C... a également fait l'objet d'une mesure de révocation et que les deux autres agents n'occupaient pas les mêmes fonctions de titulaire et suppléant de .... La circonstance qu'il n'ait pas bénéficié de la protection fonctionnelle, contrairement aux agents mis en examen, ne révèle aucun fait susceptible de démontrer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre alors qu'il n'allègue pas avoir présenté une demande en ce sens. De même, la circonstance qu'il ait été remplacé sur son poste de travail le 1er février 2013 avant la fin de la période de suspension de ses fonctions et alors qu'il était en arrêt de travail depuis le 24 novembre 2012, ne révèle aucun agissement susceptible de révéler un harcèlement moral à son encontre, étant relevé que M. B... n'a par la suite jamais repris ses fonctions et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2021. Par ailleurs, s'il soutient que son épouse aurait été menacée d'un dépôt de plainte pour diffamation par le directeur général des services de la commune qu'elle avait contacté par téléphone en septembre 2009, et que la hiérarchie de son épouse aurait rédigé un rapport sur ses agissements, il résulte toutefois de l'attestation rédigée par l'intéressée qu'il n'en est résulté aucune suite.

13. En sixième lieu, il résulte également de l'instruction qu'en saisissant de nouveau le conseil de discipline le 31 juillet 2014, lequel a émis un avis favorable à la sanction de révocation le 14 janvier 2015, l'arrêté du 10 mars 2015 du maire de Pertuis prononçant cette sanction ne révèle pas un agissement constitutif de harcèlement moral à l'encontre de M. B..., alors même que l'exécution de cette décision a été suspendue par ordonnance du 9 juin 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes qui a notamment relevé que l'instruction pénale n'était pas terminée, et que la décision a ensuite été annulée par ce tribunal le 16 juin 2016. Si l'instruction pénale n'a retenu aucune charge à l'encontre du requérant, il résulte de l'instruction que M. B... a été reconnu responsable pécuniairement des défauts de gestion de la ... dont il avait été ... de 2002 à 2009, puis ... de 2009 à 2012, à hauteur de la somme de 3 371 euros. En outre, alors que M. B... a reconnu avoir commis des faits frauduleux et que son employeur lui reprochait un manquement à son obligation de contrôle du service dont il assurait la direction en laissant ses subordonnés s'adonner à des pratiques irrégulières sans dénoncer les délits dont il avait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions de ..., ainsi qu'un manquement à ses devoirs de probité, de moralité et de loyauté, la nouvelle sanction de révocation prise à son encontre le 8 juillet 2016 ne révèle pas un agissement constitutif de harcèlement moral. Par ailleurs, si par un arrêt n° 17MA04648, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 octobre 2017 annulant cette sanction de révocation, la cour a estimé que la décision était fondée en partie sur des faits matériellement inexacts ou ne constituant pas des faits de nature à justifier une sanction disciplinaire, et a ensuite estimé que les faits reconnus par M. B... lors de l'instruction pénale étant isolés, la sanction présentait un caractère disproportionné. Dans ces conditions, alors que certains faits reprochés au requérant justifiaient l'engagement d'une procédure disciplinaire, le caractère disproportionné des sanctions prononcées à l'encontre de M. B... ne révèle pas d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

14. En dernier lieu, M. B... se prévaut de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 15 au 28 septembre 2009, du 12 octobre 2009 au 20 janvier 2010, du 9 octobre au 22 novembre 2012 et à compter du 24 novembre 2012, qui a été admise à la suite de plusieurs expertises médicales fixant son taux d'incapacité permanente partielle à 30% et de l'annulation de la décision du 28 juillet 2015 par jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 octobre 2017, confirmé par arrêt n° 17MA04647 du 13 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille. Toutefois, si selon les experts psychiatres, l'état dépressif et anxieux de M. B..., qui a débuté en septembre 2009, aurait été provoqué par les mesures d'exclusion qu'il dénonce, ajoutant que son état est en relation directe et certaine avec le contexte professionnel, il ne résulte cependant pas de l'instruction que l'état de santé du requérant résulterait d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre.

15. Les éléments de fait allégués aux points précédents qui, pris isolément, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ne sont pas davantage de nature, considérés dans leur ensemble, à faire présumer l'existence d'un tel harcèlement.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pertuis, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Pertuis présentées en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Pertuis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Pertuis.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL20841 2


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20841
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Anne Blin
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : NOÛS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-30;22tl20841 ?
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