Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Pertuis a prononcé sa révocation à compter de la fin de ses arrêts de maladie.
Par un jugement n° 1602838 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté du 8 juillet 2016 du maire de la commune de Pertuis.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, la commune de Pertuis, représentée par la Selarl d'avocats Abeille et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de M. D...présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige se fondant sur les mêmes faits que ceux soumis à l'appréciation du conseil de discipline réuni le 14 janvier 2015 et ayant fondé la précédente révocation de M. D...du 10 mars 2015 laquelle a été annulée par le juge administratif, l'administration n'était pas tenue de saisir à nouveau ce conseil ;
- l'agent a pu formuler des observations lors de la séance du conseil de discipline du 14 janvier 2015 dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- la matérialité des faits reprochés est établie ;
- la sanction en litige n'est pas disproportionnée par rapport aux faits, graves et répétés, reprochés ;
- l'ordonnance de non-lieu rendue le 18 décembre 2015 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Avignon est sans incidence sur l'engagement de la procédure disciplinaire à l'encontre de l'agent ;
- cette sanction n'est pas entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, M.D..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Pertuis la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C...représentant la commune de Pertuis et de Me B... représentant M.D....
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., chef de service de police principal de 1ère classe, a été en charge de la régie d'Etat auprès de la police municipale entre novembre 2002 et octobre 2009 alors qu'il occupait les fonctions de directeur du service de police municipale de la commune de Pertuis. A la suite d'un audit de la régie des recettes d'Etat effectué par la direction départementale des finances publiques de Vaucluse et de la procédure pénale engagée par la suite contre certains agents de la commune et dans laquelle M. D...avait la simple qualité de témoin assisté, le maire de la commune de Pertuis lui a infligé par arrêté du 10 mars 2015 la sanction de la révocation. Le tribunal administratif de Nîmes, par un jugement du 16 juin 2016, a annulé cette sanction. Par l'arrêté en litige du 8 juillet 2016, le maire a, à nouveau, prononcé la révocation de M.D..., placé en congé de longue durée depuis le 27 novembre 2012 prolongé jusqu'au 26 août 2016, "à compter de la fin de ses arrêts de maladie". La commune de Pertuis relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté du 8 juillet 2016.
Sur le bien fondé du jugement :
2. Pour annuler la sanction de la révocation en litige, les premiers juges ont estimé que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière et que la révocation était disproportionnée par rapports aux seuls faits qui pouvaient être reprochés à M.D....
3. En premier lieu, l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que : "Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...)Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté (...).".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
5. Pour soutenir qu'elle n'était pas tenue de saisir le conseil de discipline avant de prendre la décision en litige, la commune fait valoir que la révocation en litige a été prise en raison des mêmes faits que ceux qui ont été soumis à l'appréciation du conseil de discipline réuni le 14 janvier 2015 et qui ont donné lieu à la première sanction de révocation infligée à M. D...par arrêté du 10 mars 2015 et annulée par un jugement devenu définitif du 16 juin 2016 du tribunal administratif de Nîmes au seul motif qu'elle était fondée sur des faits matériellement inexacts. D'une part, le maire a ajouté de nouveaux griefs à l'encontre de la manière de servir de son agent. D'autre part, ce conseil de discipline réuni le 14 janvier 2015, alors que l'instruction pénale était alors en cours, ne disposait pas notamment de l'ordonnance de non-lieu à poursuites rendue le 18 décembre 2015 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Avignon visée dans l'arrêté en litige, qui constitue un des éléments du dossier pour apprécier la réalité des griefs retenus à l'encontre de M. D...et un élément essentiel pour la défense de l'agent. Par suite, et alors même que le préfet de Vaucluse saisi par M. D...sur la légalité de la sanction en litige sur ce point a, par lettre de réponse du 5 septembre 2016, affirmé à tort que le maire de la commune de Pertuis n'était pas tenu de saisir à nouveau le conseil de discipline, ce vice dans la procédure disciplinaire a privé en l'espèce M. D... d'une garantie, contrairement à ce que soutient la commune. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision en litige était intervenue au terme d'une procédure irrégulière de nature à entraîner son annulation.
6. En deuxième lieu, l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ;Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. (...)". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. Pour prononcer à l'encontre de M. D...la révocation en litige le 8 juillet 2016, le maire de la commune de Pertuis s'est fondé sur les motifs tirés, d'abord, que cet agent avait reconnu avoir commis lui-même des faits frauduleux, ensuite, qu'il avait manqué à son obligation de contrôle du service dont il assurait la direction en laissant ses subordonnés s'adonner à des pratiques irrégulières sans dénoncer les délits dont il avait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions de chef de service de la police municipale et enfin manqué à ses devoirs de probité, de moralité et de loyauté auxquels est soumis tout agent public et que ces manquements graves et répétés ont préjudicié aux intérêts de la commune.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. D...a mis en place lors de sa prise en charge de la régie de la police municipale en 2002 un système d'archivage des amendes inexploitables ou privées d'objet et un protocole de liaison avec l'officier du ministère public compétent pour éviter que certaines amendes ne soient déchirées et directement jetées à la poubelle, en créant pour ce faire un "registre de demandes d'indulgences" qui a d'ailleurs cessé d'être renseigné dès la fin de sa mission de régisseur titulaire. La commune ne pouvait ainsi pas fonder la décision en litige sur la circonstance que son agent aurait créé ce registre "en prévoyant notamment un cas irrégulier et frauduleux de cessation de l'infraction à l'origine de nombreux abus". Par ailleurs, il ressort de l'enquête pénale que les deux agents verbalisateurs de surveillance de la voie publique placés sous son autorité ont dissimulé ces mesures d'indulgence et qu'ainsi, M. D...a pu ne pas avoir connaissance des pratiques frauduleuses au sein du service de la police municipale et donc ne pas les dénoncer, contrairement à ce qui lui est reproché par la commune. Si la décision en litige est également fondée sur le manquement de M. D...à son obligation de surveillance et de contrôle de son service en n'ayant pas vu se développer des pratiques délictueuses au sein de son service, ce manquement qui caractérise une insuffisance professionnelle ne saurait fonder la sanction disciplinaire en litige. En outre, l'engagement de la responsabilité personnelle financière en sa qualité de régisseur de M.D..., fixée à la somme de 3 371 euros, pour des erreurs commises dans la gestion de la régie en cause, ne saurait caractériser un manquement à l'obligation de probité de nature à justifier une faute disciplinaire. Par suite, la décision en litige est fondée en partie sur des faits matériellement inexacts ou ne constituant pas des faits de nature à justifier une sanction disciplinaire.
9. D'autre part, si M. D...a reconnu lors de l'instruction pénale avoir personnellement à deux reprises cédé à la pratique de récupérer des timbres amende d'un montant de 11 euros et de 35 euros et de les réutiliser à des fins personnelles, cet agissement reconnu mais isolé ne saurait par lui-même justifier la sanction très lourde de la révocation. Les premiers juges ont pu en l'espèce, sans méconnaître le principe de l'indépendance des sanctions pénales et administratives, tenir compte, parmi les éléments soumis à leur appréciation, de l'ordonnance de non-lieu à poursuites rendue le 18 décembre 2015 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Avignon rendue au bénéfice de M.D..., au motif qu'aucune charge ne pesait contre lui, contrairement aux trois autres agents communaux renvoyés devant le tribunal correctionnel. Dans ces conditions, le maire de la commune de Pertuis a pris une sanction disproportionnée en décidant de révoquer M. D...pour ces seuls faits.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Pertuis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 8 juillet 2016 du maire de la commune de Pertuis.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Pertuis d'une quelconque somme au titre des frais que cette dernière a engagés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pertuis la somme de 2 000 euros à verser à M. D...sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de la commune de Pertuis est rejetée.
Article 2 : La commune de Pertuis versera la somme de 2 000 euros à M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pertuis et à M. A...D....
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente de chambre,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
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N° 17MA04648