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13/11/2018 | FRANCE | N°17MA04647

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17MA04647


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 28 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Pertuis a refusé d'admettre l'imputabilité au service de ses arrêts de travail pour les périodes du 15 au 28 septembre 2009, du 12 octobre 2009 au 20 janvier 2010, du 9 octobre au 22 novembre 2012 et à compter du 24 novembre 2012 jusqu'à ce jour.

Par un jugement n° 1503000 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision du 28 juill

et 2015 du maire de la commune de Pertuis et a enjoint au maire de prendre une dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 28 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Pertuis a refusé d'admettre l'imputabilité au service de ses arrêts de travail pour les périodes du 15 au 28 septembre 2009, du 12 octobre 2009 au 20 janvier 2010, du 9 octobre au 22 novembre 2012 et à compter du 24 novembre 2012 jusqu'à ce jour.

Par un jugement n° 1503000 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision du 28 juillet 2015 du maire de la commune de Pertuis et a enjoint au maire de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de ces arrêts de travail, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, la commune de Pertuis, représentée par la Selarl d'avocats Abeille et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de M. D...présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'obligation prévue par l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pour le médecin de prévention de remettre un rapport écrit à la commission de réforme ne constitue pas en l'espèce une garantie pour l'agent ;

- la décision en litige qui se réfère à l'avis de la commission de réforme lequel était joint, est suffisamment motivée ;

- la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation dès lors que l'état dépressif à l'origine des arrêts de travail de son agent ne peut être regardé comme imputable au service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, M.D..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Pertuis la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Pertuis et de Me B..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., chef de service de police principal de 1ère classe, a bénéficié de plusieurs arrêts de travail à compter de septembre 2009. Il a demandé l'imputabilité au service de son état dépressif à l'origine de ses arrêts de travail pour les périodes du 15 au 28 septembre 2009, du 12 octobre 2009 au 20 janvier 2010, du 9 octobre au 22 novembre 2012 et à compter du 24 novembre 2012 jusqu'à ce jour. Après avis du 25 juin 2015 de la commission de réforme, le maire de la commune a refusé d'admettre, par la décision en litige du 28 juillet 2015, que l'état dépressif de M. D...à l'origine de ses arrêts maladie était imputable au service. Saisi par M.D..., le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision du 28 juillet 2015 du maire de la commune de Pertuis et a enjoint au maire de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de ces arrêts de travail, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. La commune de Pertuis relève appel de ce jugement.

Sur le bien fondé du jugement :

2. Pour annuler le refus d'imputabilité au service en litige, les premiers juges ont estimé d'abord que la décision en litige n'était motivée ni en droit ni en fait, ensuite qu'elle était entachée d'un vice de procédure et enfin que l'état dépressif de M. D...devait être regardé comme imputable au service.

3. En premier lieu, une décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie, qui refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, doit être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur, et aujourd'hui codifiée dans le code des relations entre le public et l'administration. L'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 exige notamment que la motivation comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

4. La décision en litige ne vise aucun texte applicable à la situation de M.D.... Elle se borne à se référer à l'avis "réputé avoir été rendu", en raison d'une égalité des voix de ses membres, par la commission de réforme dans sa séance du 25 juin 2015. La circonstance que cet avis ne se prononce pas, dans ces conditions, sur l'imputabilité ou la non-imputabilité au service des arrêts de travail litigieux de M. D...et que le maire ne pouvait donc pas en reprendre la teneur ne faisait pas obstacle à ce que l'administration énonce les considérations de fait qui ont fondé sa décision de refus d'imputabilité au service. Si cet avis de la commission de réforme était joint à la décision en litige, cet avis ne comprenait lui-même aucun motif, ni même le sens de cet avis ainsi qu'il vient d'être dit. Par suite, la décision en litige, qui ne peut être regardée comme motivée par référence à cet avis, est insuffisamment motivée en droit et en fait, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

5. En deuxième lieu, l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 prévoit que : "Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 23, 24 et 33 ci-dessous." L'article 16 de ce décret prévoit que la commission de réforme est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 et que le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné.

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

7. Il ressort des pièces du dossier et il est d'ailleurs reconnu par la commune que le médecin du service de médecine préventive n'a pas été informé de la tenue de la commission de réforme chargée d'émettre un avis sur l'imputabilité au service de la dépression nerveuse dont souffre M. D...et que ce médecin n'a pas pu dès lors rédiger le rapport qui doit figurer dans le dossier soumis à cette commission en application de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987. Cette commission n'a ainsi pas disposé des observations éventuelles de ce médecin, chargé notamment en application de l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 de la prévention des accidents et des maladies professionnelles, sur l'état de santé de M.D.... Par suite, et alors même que cet agent a été entendu par le médecin-expert dans le cadre de l'expertise estimée nécessaire par la commission de réforme avant de rendre son avis, le vice ayant affecté la procédure suivie devant la commission de réforme a privé en l'espèce M. D... d'une garantie, contrairement à ce que soutient la commune. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière de nature à entraîner son annulation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa version alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...)Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une pathologie, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

9. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que les difficultés relationnelles rencontrées par M. D...avec ses supérieurs hiérarchiques ont débuté en septembre 2009, alors qu'il occupait depuis 2002 les fonctions de directeur du service de police municipale de la commune de Pertuis et qu'il était chargé à ce titre de la régie des recettes d'Etat, à la suite d'un audit effectué sur cette régie par la direction départementale des finances publiques de Vaucluse et de la procédure pénale engagée par la suite contre certains agents de la commune et dans laquelle M. D...avait la simple qualité de témoin assisté. Cet agent a été nommé d'office en janvier 2010 directeur du service réglementation et construction illicite et a fait l'objet le 24 novembre 2012 d'une mesure de suspension pour motif disciplinaire qui a été abrogée par le maire et, à la suite d'une dégradation constante de ses relations professionnelles, d'une révocation à compter du 1er avril 2015, suspendue par le maire, puis d'une nouvelle révocation par arrêté du 8 juillet 2016. Il ressort du rapport du 5 décembre 2013 du psychiatre qui suit depuis septembre 2009 M. D...que le requérant présente "un syndrome dépressif réactionnel à des conflits avec sa hiérarchie" et que "les relations avec ses supérieurs se seraient à nouveau dégradées provoquant un état plus grave que l'épisode précédent, puisqu'il y avait des possibilités de passage à l'acte". L'expert désigné par la commission de réforme conclut dans son rapport du 12 novembre 2014 à l'imputabilité au moins partielle de la pathologie de M. D...au service. L'autre expert désigné par cette commission affirme clairement, dans son rapport du 17 avril 2015, que l'état dépressif et anxieux de M.D..., qui a débuté en septembre 2009, a été provoqué par les mesures d'exclusion décrites ci-dessus et que son état dépressif est en relation directe et certaine avec le contexte professionnel, tout en relevant l'absence d'état antérieur et d'évènement extérieur susceptible d'expliquer cet état de santé. Ce contexte difficile de travail a altéré son état de santé, sans qu'il importe de savoir, pour se prononcer sur l'imputabilité au service de sa pathologie, si ces différentes mesures prises par le maire étaient justifiées. Par suite, et alors même que les membres de la commission de réforme, dans son avis du 25 juin 2015 qui ne lie pas l'administration, ont voté à égalité des voix ce qui montrerait leur hésitation sur cette imputabilité, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'état de santé de M. D... à l'origine de ses arrêts maladie devait être regardé comme imputable au service.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Pertuis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 28 juillet 2015 du maire de la commune de Pertuis et a enjoint au maire de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail de M. D... pour les périodes du 15 au 28 septembre 2009, du 12 octobre 2009 au 20 janvier 2010, du 9 octobre au 22 novembre 2012 et à compter du 24 novembre 2012 jusqu'à ce jour.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Pertuis d'une quelconque somme au titre des frais que cette dernière a engagés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pertuis la somme de 2 000 euros à verser à M. D...sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de la commune de Pertuis est rejetée.

Article 2 : La commune de Pertuis versera la somme de 2 000 euros à M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pertuis et à M. A...D....

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente de chambre,

- Mme Simon, président-assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.

2

N° 17MA04647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04647
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LETURCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-13;17ma04647 ?
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