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02/04/2024 | FRANCE | N°23TL01182

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 02 avril 2024, 23TL01182


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... et Mme C... D..., épouse A..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux demandes distinctes, l'annulation des arrêtés du 31 décembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un certificat de résidence respectivement en qualité d'étranger malade et en qualité d'accompagnant d'un étranger malade, leur a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination d

es mesures d'éloignement, et à ce qu'il soit enjoint à ce préfet, à titre principal, de le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... D..., épouse A..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux demandes distinctes, l'annulation des arrêtés du 31 décembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un certificat de résidence respectivement en qualité d'étranger malade et en qualité d'accompagnant d'un étranger malade, leur a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement, et à ce qu'il soit enjoint à ce préfet, à titre principal, de leur délivrer un certificat de résidence au titre de la " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours à compter de la notification des jugements et sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n°s 2201814-2201815 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2021 et a enjoint à ce dernier de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. et Mme A... dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête du 17 mai 2023, enregistrée sous le n° 23TL01182, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A....

Le préfet de la Haute-Garonne soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé le refus de certificat de résidence en qualité d'étranger malade opposé à la demande de M. A... ; en effet, le Revlimid est disponible en Algérie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, M. A... et Mme A..., représentés par Me Benhamida, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la requête du préfet de la Haute-Garonne est irrecevable, faute d'habilitation donnée à sa signataire ;

- en tout état de cause aucun des moyens de la requête n'est fondé ; ainsi, le coût du Revlimid, qui n'est pas remboursable, est pour un comprimé, de plus de 54 euros hors taxes, et son état de santé nécessite la prise d'un comprimé par jour, ce qui est hors de portée de leurs revenus ; de plus, le traitement de M. A... ne se résume pas à la prise de médicaments mais comporte également la nécessité des examens médicaux, lesquels ne peuvent pas être réalisés en Algérie.

Par une décision du 26 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. et Mme A... le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023 sous le n° 23TL01183, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 18 avril 2023 précité.

Il soutient que les conditions d'octroi du sursis à exécution de ce jugement sont remplies dès lors qu'il justifie, dans sa requête au fond, de moyens sérieux d'annulation du jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Benhamida, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 26 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. et Mme A... le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants algériens, respectivement nés le 17 août 1968 et le 19 janvier 1988, sont entrés en France le 5 octobre 2015 et le 22 août 2015. En raison de son état de santé, M. A... a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour à compter du 10 août 2017 puis d'un certificat de résidence d'un an à compter du 16 février 2018, renouvelé jusqu'au 6 août 2021. Il a sollicité, le 1er juillet 2021, le renouvellement de son titre de séjour. Le 5 juillet 2021, Mme D..., épouse A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation des arrêtés du 31 décembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

2. Par la requête n° 23TL01182, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés précités et en demande le sursis à exécution par la requête n° 23TL01183.

3. Les requêtes n° 23TL01182 et n° 23TL01183 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête au fond n° 23TL01182 :

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit :/ (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières relatives à l'instruction d'une demande de titre de séjour pour raisons de santé : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé./ Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité, de vérifier, au vu de l'avis mentionné à l'article R. 313-22 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à l'ensemble de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de mode de prise en charge adapté, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Le préfet de la Haute-Garonne justifie en appel, par la production de la fiche MedCOI (" Medical Country of Origin Information ") du 15 juin 2021, relative aux traitements disponibles en Algérie et d'un extrait du site Pharm'Net qui reprend la nomenclature officielle des médicaments utilisés en Algérie, que le Revlimid, dont il est constant qu'il est nécessaire au traitement de M. A..., est disponible en Algérie. Toutefois, M. A... justifie, par la production d'un extrait du site Pharm'Net relatif à l'Algérie, d'une part, de ce que le coût de ce médicament est de 54 euros pour un comprimé et qu'il nécessite une prise quotidienne, d'autre part, qu'il n'est pas remboursable en Algérie, et, enfin, par une attestation d'un praticien hospitalier de l'Oncopole de Toulouse, dans lequel M.A... est suivi, de ce que le traitement par Revlimid est indispensable et ne peut être remplacé par aucune autre thérapie. Par ailleurs, l'avis d'imposition pour l'année 2020 de M. A... et son épouse, qui mentionne un revenu de 6 381 euros, établit la faiblesse des ressources du couple. Par suite, M. A... établit qu'il ne pourrait accéder à une prise en charge médicale effective dans son pays d'origine.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête, le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 31 décembre 2021 portant refus pour M. A... et pour son épouse, de délivrance d'un certificat de résidence respectivement en qualité d'étranger malade et en qualité d'accompagnant d'un étranger malade, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination des mesures d'éloignement et lui a enjoint de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " aux intimés dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Sur la requête n° 23TL01183 :

8. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 18 avril 2023. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État au bénéfice du conseil de M. et Mme A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 23TL01182 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL01183.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 200 euros à Me Benhamida, conseil de M. et Mme A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, M. B... A..., à Mme C... D..., épouse A... et à Me Benhamida.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É.Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 23TL01182 et 23TL01183 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01182
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;23tl01182 ?
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