Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné la remise volontaire de ses armes et munitions, à défaut leur saisie, lui a interdit d'acquérir des armes et munitions de toute catégorie, a ordonné l'inscription de cette interdiction au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, a ordonné la restitution des autorisations d'acquisition ou de détention d'armes lui ayant été délivrées, a procédé au retrait de la validation de son permis de chasse et lui a ordonné la remise de son document de validation, ainsi que l'annulation des décisions implicites de rejet de ses recours gracieux.
Par un jugement n° 2103934 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Jeanjean, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné la remise volontaire de ses armes et munitions, à défaut leur saisie, lui a interdit d'acquérir des armes et munitions de toute catégorie, a ordonné l'inscription de cette interdiction au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, a ordonné la restitution des autorisations d'acquisition ou de détention d'armes lui ayant été délivrées, a procédé au retrait de la validation de son permis de chasse et lui a ordonné la remise de son document de validation, ainsi que les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de l'autoriser à récupérer les armes et à acquérir ou détenir des armes et munitions quelle que soit leur catégorie, de le désinscrire du fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, de lui restituer les autorisations qui lui avaient été accordées ainsi que son permis de chasse, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 9 février 2021 est entaché d'un défaut de motivation au regard des exigences de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure dès lors qu'il se borne à opérer un renvoi au rapport établi par la direction départementale de la cohésion sociale en décembre 2020, sans que ce document soit joint ni qu'il en ait eu communication ou connaissance ;
- la décision du 9 février 2021 et son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, sont entachées d'une rétroactivité illégale dès lors qu'elles prennent effet avant la notification de l'arrêté, qui n'est intervenue que le 30 avril 2021 ;
- la décision du 9 février 2021 dont le contrôle relève de l'erreur d'appréciation, et non, comme l'ont considéré à tort les premiers juges, de l'erreur manifeste d'appréciation, est entachée d'une telle erreur d'appréciation et d'erreurs de fait au regard des dispositions de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut, au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par l'appelant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
-le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Perrin rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a ordonné la remise volontaire de ses armes et munitions sous peine de saisine de l'arme, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir tous types d'armes et de munitions, cette interdiction étant enregistrée au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes et a prononcé le retrait de la validation de son permis de chasser, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux présenté le 4 mai 2021.
2. M. B... relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de la décision du 9 février 2021 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux présenté le 4 mai 2021.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Si le rapport établi par la direction départementale de la cohésion sociale de l'Hérault le 13 janvier 2020, auquel l'arrêté du 9 février 2021 fait référence, n'était pas joint à ce dernier, il résulte des termes mêmes de cet arrêté que le préfet a entendu s'approprier les termes de ce rapport, dont il a restitué la teneur. Dans ces conditions, cet arrêté, qui mentionne par ailleurs les textes dont le préfet a entendu faire application, est suffisamment motivé tant au regard des éléments de fait que de droit.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes, de munitions et de leurs éléments présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'État dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ". Aux termes de son article R. 312-71 : " ...Lorsque la détention de l'arme, des munitions et de leurs éléments remis ou saisis provisoirement est soumise à autorisation, le préfet prononce le retrait de celle-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 312-10 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Il est interdit aux personnes dont l'arme, les munitions et leurs éléments ont été saisis en application de l'article L. 312-7 ou de l'article L. 312-9 d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments, quelle que soit leur catégorie (...) ". Aux termes de l'article L. 312-16 de ce code : " Un fichier national automatisé nominatif recense : 1° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments en application des articles L. 312-10 et L. 312-13 (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-15 du code de l'environnement : " Ne peuvent obtenir la validation de leur permis de chasser : (...) 9° Ceux qui sont inscrits au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes visé à l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure ".
7. Sur le fondement des différentes dispositions précitées, le préfet de l'Hérault a, par l'arrêté du 9 février 2021 précité, ordonné à M. B... la remise volontaire de ses armes et munitions sous peine de saisine de l'arme, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir tous types d'armes et de munitions, cette interdiction étant enregistrée au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes et a prononcé le retrait de la validation de son permis de chasser. Il résulte des pièces du dossier, et notamment du rapport auquel l'arrêté litigieux fait référence, établi le 18 décembre 2020 par la direction départementale de la cohésion sociale, dans le cadre d'une procédure d'expulsion locative de M. B... et de son fils, que l'intéressé souffre de troubles dépressifs et addictifs sévères se manifestant notamment par une consommation alcoolique chronique, une toxicomanie sévère et un symptôme anxiodépressif couplé à un traitement médical lourd. Il résulte également des pièces du dossier que l'ancienne compagne de l'appelant a déposé plusieurs mains courantes faisant état des violences subies de la part de ce dernier, lequel a également menacé les propriétaires du logement qu'il occupe. Si M. B... produit les attestations de contrôle médical obligatoire annexées à sa licence de tireur sportif pour les saisons 2019-2020 et 2020-2021, faisant état d'un état de santé compatible avec la détention d'armes, ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments précités traduisant son état psychique précaire. Par conséquent et ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, c'est sans commettre d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Hérault a pris l'arrêté litigieux.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'interdiction d'acquérir ou de détenir tous types d'armes et de munitions, édictée par l'arrêté contesté, a été immédiatement enregistrée au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, donc antérieurement à la notification de cet arrêté, qui n'est intervenue que le 22 avril 2021. Par suite, et dans la seule mesure de cette rétroactivité, limitée à l'enregistrement de l'interdiction précitée au fichier également précité, l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2021 du préfet de l'Hérault en tant qu'il ordonnait l'inscription immédiate de l'interdiction d'acquérir des armes et munitions de toute catégorie au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes et jusqu'au 22 avril 2021, date de notification à l'intéressé de cet arrêté, et des décisions implicites de rejet de ses recours gracieux, dans la même mesure.
Sur les conclusions en injonction :
10. Compte tenu du motif de l'annulation partielle retenu par le présent arrêt et dès lors qu'aucun autre moyen de légalité interne de nature à faire droit à l'annulation totale de l'arrêté du 9 février 2021 ne peut être retenu, les conclusions en injonction présentées par M. B... ne peuvent être que rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance, eu égard à la portée de l'annulation prononcée, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 9 février 2021 du préfet de l'Hérault est annulé en tant qu'il ordonnait l'inscription immédiate de l'interdiction d'acquérir des armes et munitions de toute catégorie au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes et jusqu'au 22 avril 2021. Les décisions implicites de rejet des recours gracieux de M. B... sont annulées dans cette même mesure.
Article 2 : Le jugement du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL21684 2