Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision du 17 juin 2019 de l'inspectrice du travail portant refus d'autorisation de licenciement et a fait droit à la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Orano Projets.
Par un jugement n° 2000292 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 novembre 2019 de la ministre du travail.
Procédure devant la cour :
Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 11 avril, 9 septembre , 25 novembre 2022, 15 décembre 2023 et 6 février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Orano Projets, représentée par Me Gatineau, demande :
1°) l'annulation de ce jugement du 10 février 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) le rejet de la demande de M. B... ;
3°) la mise à la charge de M. B... d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête n'est pas privée d'objet du fait de l'intervention de l'arrêt de la présente cour du 21 novembre 2023 n° 21TL03822, qui a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 juin 2021 et la décision du 25 avril 2019 de la ministre de la transition écologique et solidaire rejetant le recours de M. B... dirigé contre la décision du 19 mars 2019 par laquelle lui a été refusée une autorisation d'accès afin de pouvoir exercer ses fonctions au sein du site du Commissariat à l'énergie atomique à Marcoule ;
- en effet la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement, n'est pas fondée sur la décision de refus d'accès au site, mais sur le refus du commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire de lui permettre d'accéder aux informations classifiées " confidentiel défense " ; en tout état de cause, l'annulation de la décision du 25 avril 2019 n'a pas pour effet d'accorder à M. B... une autorisation d'accès au site de Marcoule mais seulement de ressaisir l'administration de la demande d'autorisation ;
- en ce qui concerne le jugement, il est tout d'abord entaché d'irrégularité, dès lors que la minute n'est pas signée, contrairement à ce qu'impose l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision d'autorisation de licenciement était entachée d'une erreur de droit, pour être fondée sur le refus opposé à M. B..., le 29 mars 2019, d'habilitation aux informations classifiées ;
- en effet , la demande d'autorisation de licenciement était présentée sur le fondement de l'avis du commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire de refus d'accès aux informations classifiées fondant l'interdiction de l'accès de M. B... au site de Marcoule, cet avis ayant vocation à interdire l'accès de l'intéressé à tous les sites de la société.
Par trois mémoires en défense, enregistré le 18 octobre 2022, le 28 novembre 2023 et le 5 janvier 2024, M. B... conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur la requête, à titre subsidiaire, à son rejet et à ce qu'il soit mis à sa charge de l'État et de la société Orano Projets une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Orano projets en raison de ce que la présente cour a annulé la décision du 18 mars 2019 lui interdisant l'accès au site de Marcoule ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 10 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu, au 13 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ingénieur en génie mécanique, a été recruté en 2011 par la société Areva NP pour exercer ses fonctions sur le site nucléaire de La Hague et a fait l'objet, dans ce cadre, d'une enquête administrative favorable, cet avis favorable ayant été renouvelé en 2016. L'intéressé a été muté le 1er août 2017 sur le site se trouvant à Bagnols-sur-Cèze. Le 19 mars 2019, l'accès au site d'Orano Projets de Marcoule lui a été refusé, cette décision ayant été confirmée le 25 avril 2019 par la ministre de la transition écologique et solidaire, saisie d'un recours administratif en date du 20 mars 2019. Le 29 mars 2019, M. B... a fait l'objet d'une décision du commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire portant refus d'habilitation " Confidentiel-Défense ". Le 9 mai 2019, la société Orano Projets, venue aux droits et obligations de la société Areva NP, a engagé une procédure de licenciement à l'encontre de ce salarié et l'a convoqué à un entretien préalable le 20 mai 2019. Le même jour, l'intéressé a été mis à pied à titre conservatoire avec maintien de sa rémunération. Dès lors que M. B... avait été candidat aux élections du comité social et économique, la société Orano Projets a présenté à l'inspection du travail une demande d'autorisation de licenciement par un courrier du 27 mai 2019. Le 17 juin 2019, l'inspectrice du travail compétente a refusé d'autoriser ce licenciement au motif de l'irrecevabilité de la demande. La société Orano Projets a présenté, le 25 juillet 2019, un recours hiérarchique contre ce refus. Par une décision du 29 novembre 2019, la ministre du travail a annulé la décision du 17 juin 2019 et a autorisé le licenciement de M. B....
2. La société Orano Projets relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 novembre 2019 précitée.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. La minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signature de la minute, manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement et de la décision d'autorisation de licenciement :
5. Il ressort des termes mêmes de la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la ministre du travail a autorisé le licenciement de M. B... qu'elle se fonde sur la décision du 29 mars 2019 par laquelle le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire avait refusé d'accorder à ce dernier l'accès aux informations classifiées " Confidentiel-Défense " et non sur la décision distincte du 19 mars 2019 relative au seul refus d'accès au site de Marcoule, la société Orano Projets ne saurant sérieusement invoquer à cet égard une erreur de plume. Par ailleurs, tant la demande d'autorisation de licenciement présentée le 27 mai 2019 par la société Orano Projets à l'inspection du travail, que son recours hiérarchique présenté le 25 juillet 2019, ne se fondent que sur la décision du 19 mars 2019 et sur le rejet, le 6 mai 2019, du recours formé par l'intéressé à l'encontre de cette décision. De plus, il ne ressort des pièces du dossier, contrairement à ce que la société appelante fait valoir, ni que la décision du 29 mars 2019 de refus d'accès aux informations classifiées " Confidentiel-Défense " serait la conséquence de la décision du 19 mars 2019 portant refus d'accès au site de Marcoule ni que cette dernière impliquait l'interdiction d'accès à l'ensemble des sites de la société Orano Projets. Par voie de conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision de la ministre du travail du 29 novembre 2019 autorisant le licenciement de M. B... en raison de la discordance entre le motif fondant cette autorisation et celui de la demande d'autorisation présentée par la société.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Orano Projet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 novembre 2019 de la ministre du travail autorisant le licenciement de M. B....
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas en l'espèce partie perdante, une somme au profit de la société Orano Projets. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de la société Orano Projets au profit de M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées par M. B... sur le même fondement à l'encontre de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Orano Projets est rejetée.
Article 2 : La société Orano Projets versera la somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orano Projets, à M. A... B... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL20998 2