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19/03/2024 | FRANCE | N°22TL20276

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 19 mars 2024, 22TL20276


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Proximum a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ou de résilier le marché public de services conclu, le 18 novembre 2019, entre la région Occitanie et l'association Conseil Lyonnais de Management et de Stratégies d'entreprises (Clymats d'Entreprises) portant sur la dispensation d'une formation intitulée " l'analyse de la capacité financière des porteurs de projets publics ou privés, associations, entreprises, établiss

ements " et de condamner cette région à lui verser la somme de 5 670 euros en réparation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Proximum a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ou de résilier le marché public de services conclu, le 18 novembre 2019, entre la région Occitanie et l'association Conseil Lyonnais de Management et de Stratégies d'entreprises (Clymats d'Entreprises) portant sur la dispensation d'une formation intitulée " l'analyse de la capacité financière des porteurs de projets publics ou privés, associations, entreprises, établissements " et de condamner cette région à lui verser la somme de 5 670 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation de ce marché.

Par un jugement n° 2000878 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 25 janvier 2022, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 22 mai 2023, la société Proximum, représentée par Me Abrial, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 novembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'une part, de résilier ou d'annuler le marché public conclu le 18 novembre 2019 entre la région Occitanie et l'association Clymats d'Entreprises ou, à titre subsidiaire, de constater son irrégularité et, d'autre part, de condamner la région Occitanie à lui verser la somme de 5 670 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de ce marché ;

3°) de mettre à la charge de la région Occitanie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il vise l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 15 novembre 2016 sous le n° 15BX00253 ;

- le pouvoir adjudicateur a méconnu le principe d'égalité de traitement entre les candidats prévu à l'article L. 3 du code de la commande publique ainsi que l'article R. 2152-7 du même code en analysant les offres reçues sur une base de prix exprimés hors taxes alors qu'elle n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et que son offre était la plus avantageuse économiquement ;

- l'analyse des prix doit s'opérer toutes taxes comprises afin que la méthode de notation du critère du prix aboutisse à attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas et que le prix corresponde à la somme qui sera réellement mise à la charge du pouvoir adjudicateur ; en l'occurrence, l'acheteur public n'avait pas prévu, dans le règlement de la consultation, que les offres seraient exprimées hors taxes, mais a exigé des candidats qu'ils présentent leur offre en distinguant, dans les modalités de prix, le montant de l'offre, le montant et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicables, le montant toutes taxes comprises et, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée ;

- dès lors que le manquement grave ainsi commis par la région Occitanie lors de la procédure de passation du marché est en rapport direct avec son éviction et qu'elle avait des chances sérieuses de remporter le marché en litige, elle est fondée à obtenir une indemnité de 5 670 euros correspondant à la marge de 45 % qu'elle réalise sur ce type de prestations.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mars et 16 juin 2023, la région Occitanie, représentée par Me Cuzzi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Proximum au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de résiliation dès lors que le contrat a été entièrement exécuté ;

- le visa en litige ne constitue qu'une mention surabondante sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ; en tout état de cause, aucune disposition n'interdit à un tribunal administratif de viser l'arrêt d'une cour ;

- aucun des moyens n'est de nature à justifier l'annulation du contrat dès lors que les manquements en litige ne sont pas d'une particulière gravité ;

- aucune règle n'oblige à comparer les offres toutes taxes comprises ; la notion de prix est toujours évoquée hors taxes en matière de droit de la commande publique ainsi que le montre la fixation du seuil des procédures qui commande d'exprimer le besoin du pouvoir adjudicateur hors taxes ; le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique nécessairement que l'offre des candidats à une procédure de mise en concurrence s'apprécie hors taxes et non toutes taxes comprises ;

- en tout état de cause, le préjudice allégué n'est pas établi ; le taux de marge annoncé est excessif et ne correspond pas au bénéfice net que lui aurait procuré la conclusion du contrat.

La requête a été communiquée à l'association Clymats d'Entreprises qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, par un courrier du 31 janvier 2023.

Un mémoire a été produit par la société Proximum le 7 novembre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée, en dernier lieu, au 20 juin 2023, à 12 heures par une ordonnance du 22 mai 2023.

En réponse à la demande de pièces pour compléter l'instruction adressée aux parties, le 7 février 2024, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, des pièces produites par l'association Clymats d'Entreprises et par la société Proximum ont été respectivement enregistrées les 11 et 13 février 2024. Celles produites par la région Occitanie, ont été enregistrées les 22 et 28 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des impôts ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- et les observations de Me Gibert, représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis publié le 23 mai 2019, la région Occitanie a fait appel public à la concurrence en vue de la conclusion d'un marché à procédure adaptée portant sur une prestation de formation relative à l'analyse de la capacité financière des porteurs de projets publics ou privés. Après avoir déposé une offre dans les délais requis, la société Proximum a été informée, par une lettre du 25 octobre 2019, du rejet de son offre, classée en deuxième position, et de l'attribution du marché à l'association Clymats d'Entreprises. Ce marché a été conclu le 18 novembre 2019 et l'avis d'attribution publié le 1er janvier 2020. Le recours gracieux de la société Proximum, présenté par une lettre du 18 décembre 2019, a été implicitement rejeté. La société Proximum a demandé au tribunal administratif de Toulouse de résilier ou d'annuler le marché public de services conclu entre la région Occitanie et l'association Clymats d'Entreprises et de condamner cette région à lui verser la somme de 5 670 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation de ce marché. La société Proximum relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ". Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions administratives sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application.

3. S'il est constant que le tribunal a mentionné, dans les visas, un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux qui ne s'imposait pas aux premiers juges et dont il ne leur appartenait pas de tirer les conséquences, cette mention est sans incidence sur la régularité du jugement, lequel vise, en revanche, les dispositions législatives ou réglementaires dont le tribunal a fait application conformément aux dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Par suite, contrairement à ce que soutient la société appelante, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

5. Il appartient au juge du contrat, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

En ce qui concerne la validité du contrat :

S'agissant de la régularité de la procédure de passation du contrat :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 3 du code de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ". Aux termes de l'article R. 2123-4 du même code : " Lorsqu'il recourt à une procédure adaptée, l'acheteur en détermine les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat ".

7. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

8. La méthode de notation du critère du prix doit permettre d'attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas.

9. D'autre part, aux termes de l'article 260 A du code général des impôts : " Les collectivités locales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent, sur leur demande, être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des opérations relatives aux services suivants : / fourniture de l'eau dans les communes de moins de 3 000 habitants ou par les établissements publics de coopération intercommunale dont le champ d'action s'exerce sur un territoire de moins de 3 000 habitants ; / assainissement ; / abattoirs publics ; / marchés d'intérêt national ; / enlèvement et traitement des ordures, déchets et résidus lorsque ce service donne lieu au paiement de la redevance pour services rendus prévue par l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales. (...) ". Le montant du prix dont le pouvoir adjudicateur est débiteur dans le cadre d'un marché public de services correspond aux frais qu'il doit engager pour obtenir cette prestation, ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût de la prestation, à moins que le pouvoir adjudicateur ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.

10. De plus, l'article 10 de l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, rendu applicable au marché dispose que : " (...) 10.1.1. Les prix sont réputés fermes. (...) / 10.1.3. Les prix sont réputés comprendre toutes les charges fiscales ou autres frappant obligatoirement les prestations, les frais afférents au conditionnement, au stockage, à l'emballage, à l'assurance et au transport jusqu'au lieu de livraison, ainsi que toutes les autres dépenses nécessaires à l'exécution des prestations, les marges pour risque et les marges bénéficiaires. (...) ". En application des articles 5 et 7-2 du règlement de consultation, les offres des candidats doivent être entièrement rédigées en langue française et exprimées en euros et les critères retenus pour juger les offres sont pondérés de la manière suivante : 60 % au titre de la qualité et 40 % au titre du prix des prestations de formation, ce dernier critère étant évalué en utilisant la méthode de calcul suivante : note de l'offre = (montant de l'offre moins-disante / montant de l'offre à noter ) X 40.

11. Si le règlement de la consultation ne précise pas si les prix assortissant les offres devaient être exprimés hors taxes ou toutes taxes comprises, il résulte toutefois des articles 4 et 7 du cahier des clauses particulières du marché en litige, du cadre de décomposition du prix global et forfaitaire qui lui est annexé et du rapport d'analyse des offres, d'une part, que les prestations sont réglées par un prix global forfaitaire ferme, d'autre part, que le coût forfaitaire des prestations de formation doit être présenté toutes taxes comprises et, enfin, que les prix assortissant les offres ont été analysés toutes taxes comprises par la région Occitanie, ces éléments attestant de la volonté non équivoque du pouvoir adjudicateur de bénéficier d'une offre assortie d'un prix incluant toutes les frais, dont la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il doit engager pour obtenir la prestation prévue par le marché.

12. Il est constant que les offres présentées par la société Proximum et par l'association Clymats d'Entreprises présentaient des mérites équivalents quant à leur qualité technique dès lors qu'elles ont obtenu la note de 48/60 au titre de ce premier critère. Il ne résulte pas, en outre, de l'instruction que la région Occitanie était en mesure de déduire le montant de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le prix des prestations en litige. Par suite, en attribuant la note de 40/40 au titre du critère relatif au prix à l'offre présentée par l'association Clymats d'Entreprises alors qu'elle était assortie d'un prix hors taxes de 12 000 euros, soit 14 400 euros toutes taxes comprises, et que celle présentée par la société appelante n'a recueilli que la note de 38,09/40, tout en étant l'offre économiquement plus avantageuse dès lors qu'elle comportait un prix final de 12 600 euros, la région a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 3 du code de la commande publique et le principe d'égalité entre les candidats en comparant les offres toutes taxes comprises et en choisissant l'offre présentée par l'association Clymats d'Entreprises pour lui attribuer finalement le marché.

S'agissant des conséquences de l'irrégularité relevée sur la validité du contrat :

13. D'une part, si le marché litigieux a été attribué à une association dont, ainsi qu'il a été dit au point 12, à mérite égal sur le plan qualitatif, l'offre n'était pas la plus avantageuse économiquement et ne pouvait être légalement retenue, ce vice, dont il n'est pas établi qu'il aurait affecté le consentement de la personne publique et qui n'affecte pas non plus le contenu même du contrat, n'est pas d'une gravité telle, en l'absence par ailleurs de toutes circonstances particulières révélant une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, qu'il implique que soit prononcée l'annulation du contrat. D'autre part, si la validité du marché en litige est affectée par les conditions de sa passation, sa résiliation n'a, en tout état de cause, plus d'objet dès lors que, ainsi que le soutient la région Occitanie dans le cadre de l'exception de non-lieu opposée en défense, il a été entièrement exécuté, l'article 3.1 du cahier des clauses particulières prévoyant une durée d'exécution de 18 mois à compter de la notification du marché. Il en résulte, d'une part, qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la société Proximum tendant à la résiliation du marché conclu entre la région Occitanie et l'association Clymats d'Entreprises lorsque le jugement attaqué est intervenu et, en conséquence, que les conclusions d'appel de la société Proximum sont irrecevables, comme dépourvues d'objet dès leur introduction, en tant qu'elles tendent à l'annulation du jugement comme rejetant ses conclusions à fin de résiliation et, d'autre part, et en tout état de cause, que les conclusions tendant à l'annulation de ce marché doivent être rejetées.

Sur l'indemnisation de la perte de chance sérieuse d'obtenir le contrat :

14. D'une part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre.

15. D'autre part, lorsqu'il est saisi par une entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l'attribution d'un marché, il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Dans le cas où le marché est susceptible de faire l'objet d'une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d'éventuelles reconductions.

16. Dans ces conditions et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le pouvoir adjudicateur aurait été conduit à déclarer la procédure infructueuse ou sans suite s'il avait éliminé l'offre de l'association Clymats d'Entreprises et qu'il n'est ni soutenu ni démontré qu'il aurait renoncé à signer le contrat pour un motif d'intérêt général, l'irrégularité relevée au point 12 commise par la région Occitanie dans l'attribution du marché en litige est à l'origine de l'éviction de la société Proximum, société classée en deuxième position et seul opérateur qui aurait eu des chances sérieuses d'emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats. Par suite, il existe un lien direct entre la faute tenant à l'irrégularité commise par le pouvoir adjudicateur dans l'attribution du marché et le manque à gagner subi par la société Proximum, cette faute l'ayant privée d'une chance sérieuse de remporter le contrat.

17. Pour justifier de la réalité et du quantum de son manque à gagner, la société Proximum verse aux débats une attestation de son expert-comptable du 12 février 2020 mentionnant que la marge envisagée dans le cadre de la conclusion du marché en litige est de l'ordre de 45 %, ce taux correspondant à la marge moyenne pratiquée pour des prestations similaires. Toutefois, ce taux de marge brute ne correspond pas au taux de marge nette que la conclusion du marché en litige aurait pu procurer à la société appelante, seul élément devant être retenu pour apprécier son manque à gagner et n'est assorti d'aucune décomposition des données entrant dans le calcul de la marge nette susceptible d'être procurée à la société appelante par la conclusion du contrat dont elle a été évincée. L'attestation comptable datée du 12 février 2024, produite par la société Proximum en réponse à la demande de pièces adressée par la cour pour compléter l'instruction, ne permet pas d'y remédier dès lors qu'elle mentionne que le taux de marge prévu pour les prestations en litige est désormais de 52 %, soit une marge légèrement supérieure à la marge moyenne de 45 % pratiquée pour des prestations similaires déjà réalisées par l'entreprise, sans préciser s'il s'agit d'un taux de marge nette ni détailler les données comptables entrant dans le calcul de ce taux. À l'inverse, il résulte des données comptables accessibles au public, produites en dernier lieu par la région Occitanie, que le taux de marge réalisé par la société appelante est de l'ordre de 6 %. Par suite, il sera fait une juste appréciation du montant du manque à gagner de la société Proximum en condamnant la région Occitanie à lui verser une indemnité de 864 euros, cette somme incluant nécessairement les frais de présentation de l'offre.

18. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Proximum n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation du marché conclu entre la région Occitanie et l'association Clymats d'Entreprises, d'autre part, que ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande de résiliation de ce marché sont irrecevables et, enfin, que cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et que la région Occitanie doit être condamnée à lui verser une indemnité de 864 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de ce marché .

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la région Occitanie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la région Occitanie une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Proximum et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La région Occitanie est condamnée à verser à la société Proximum une indemnité de 864 euros.

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La région Occitanie versera à la société Proximum une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la région Occitanie, à la société à responsabilité limitée Proximum et à l'association Conseil Lyonnais de Management et de Stratégies d'entreprises (Clymats d'Entreprises).

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la région Occitanie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20276
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08-03 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Pouvoirs et obligations du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22tl20276 ?
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