Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2203873 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 1er mars et 24 avril 2023 et le 1er février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 mars 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise sur les conséquences de l'arrêt du traitement et dans l'attente d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 440 euros toutes taxes comprises sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité faute d'être suffisamment motivé au regard des éléments qu'il avait invoqués devant les premiers juges ;
- le refus de séjour est affecté d'un défaut de motivation ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle ne mentionne que sa demande de titre de séjour présentée en octobre 2020 en qualité d'étranger malade, sans faire état du nouveau certificat médical produit en décembre 2021 ;
- l'arrêté de refus de séjour est entaché d'une erreur de fait substantielle quant à la circonstance selon laquelle il aurait sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour le 23 octobre 2020 ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quant à la circonstance selon laquelle si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle compte tenu notamment de leurs incidences sur son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 25 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-gabonais du 2 décembre 1992 relatif à la circulation et au séjour des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant gabonais né le 22 mai 2000, est entré en France le 1er janvier 2019, sous couvert d'un visa de court séjour valable du 17 décembre 2018 au 14 mars 2019. Il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour d'un an en raison de son état de santé, puis a sollicité, le 1er décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Contrairement à que soutient l'appelant, le jugement de première instance est suffisamment motivé, tant dans ses points 2 à 8, dans sa réponse aux moyens relatifs à sa situation médicale, qu'aux points 9 et 10, quant à sa situation personnelle et familiale.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la décision portant refus de séjour est suffisamment motivée au regard des éléments de droit. Par ailleurs, elle relate les conditions d'entrée en France de l'intéressé avec un visa de court séjour valable du 17 décembre 2018 au 14 mars 2019, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, la procédure suivie dans le cadre de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, se fonde sur le fait, pour rejeter cette demande, que son état de santé ne nécessiterait pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et fait état de façon détaillée de sa situation personnelle et familiale. Cette décision est donc également suffisamment motivée au regard des éléments de fait alors même qu'elle ne mentionne pas le fait qu'il est placé en curatelle ni son statut d'adulte handicapé.
6. En deuxième lieu, faute, en tout état de cause, pour M. B... de justifier avoir fourni au préfet, en décembre 2021, à l'occasion du renouvellement de son récépissé de demande de titre de séjour, un nouveau certificat médical à destination de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis, le 18 février 2022, par le collège des médecins de l'office, doit être écarté.
7. En troisième lieu, la circonstance selon laquelle l'arrêté du 3 mars 2022 mentionne à tort que l'appelant aurait sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour le 23 octobre 2020, alors que la demande de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour n'est intervenue qu'en novembre 2021, se trouve sans incidence sur la légalité de cet arrêté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
9. Pour l'application des dispositions précitées, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour et dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité pour celui-ci de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et, en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
10. En l'espèce, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B... en qualité d'étranger malade, le préfet de l'Hérault s'est notamment fondé sur l'avis émis, le 18 février 2022, par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel son état de santé ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
11. M. B... est atteint de paralysie cérébrale ayant conduit à une paraparésie spastique héréditaire. S'il se prévaut d'un certificat médical du 1er septembre 2022 - au demeurant postérieur à la décision attaquée - , émanant d'un médecin du centre hospitalier de Montpellier, indiquant que l'arrêt des injections de toxine botulique aurait pour conséquence " une limitation de ses déplacements hors fauteuil roulant ", de telles circonstances ne sauraient caractériser au sens des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'expertise demandée, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui aurait été commise par le préfet de l'Hérault quant à son état de santé au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. En cinquième et dernier lieu, l'appelant, arrivé en France en 2019, célibataire sans charge de famille, et qui ne justifie ni de la réalité et de l'intensité des liens familiaux entretenus en France avec sa sœur, alors que sa mère vit dans son pays d'origine, ni de relations personnelles particulières en France, n'est pas fondé à soutenir que les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation familiale et personnelle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault
Délibéré après l'audience du 13 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL00518 2