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13/02/2024 | FRANCE | N°22TL00206

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 13 février 2024, 22TL00206


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée unipersonnelle Clinique du Vallespir a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Établissement français du sang à lui rembourser la somme de 5 179,29 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été indûment facturée entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018 pour l'acquisition de produits sanguins labiles à usage thérapeutique.



Par un jugement n° 2002740 du 15 novembre 2021

, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle Clinique du Vallespir a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Établissement français du sang à lui rembourser la somme de 5 179,29 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été indûment facturée entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018 pour l'acquisition de produits sanguins labiles à usage thérapeutique.

Par un jugement n° 2002740 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Clinique du Vallespir, représentée par Me Labro, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 novembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'Établissement français du sang à lui rembourser la somme de 5 179,29 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Établissement français du sang une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les ventes de produits sanguins à finalité thérapeutique sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 5 octobre 2016, en vertu du d) du 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; cette exonération a été transposée en droit interne par le 2° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;

- cette exonération s'applique aux produits sanguins labiles dérivés du sang total qui lui ont été livrés par l'Établissement français du sang ; le remboursement de la fraction du prix de vente des produits sanguins correspond à la taxe sur la valeur ajoutée qui a été mise à tort à sa charge ;

- cette fraction du prix, qui correspond à la taxe sur la valeur ajoutée collectée lors des opérations de vente de produits sanguins, est une créance commerciale, certaine, liquide et exigible qu'elle détient sur l'Établissement français du sang

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle a entendu dès l'introduction de sa demande obtenir le remboursement de cette taxe sur la valeur ajoutée facturée à tort, soit en raison de la faute contractuelle de l'Établissement français du sang soit sur le fondement d'une action en répétition de l'indu ; par conséquent, ses conclusions sur ce dernier fondement n'étaient pas nouvelles et ne pouvaient être rejetées pour ce motif ;

-or, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée étant mentionné sur les factures de manière distincte du prix hors taxes ne s'intègre pas au prix ferme et définitif convenu par les parties et, de plus, il s'agit d'une facturation aboutissant à un paiement indu ;

- par ailleurs, l'existence de l'arrêté ministériel du 9 mars 2010 ne constituait pas un motif valable pour facturer de la taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons de produits sanguins en cause ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 mai et le 21 décembre 2022, l'Établissement français du sang, représenté par Me Alparslan, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- une législation en contrariété avec le droit européen engage la responsabilité de l'État et non de l'organisme qui l'applique ; ainsi, en l'espèce et au contraire, sa responsabilité n'aurait été engagée que s'il n'avait pas appliqué la règle nationale en vigueur, qui était alors définie par l'arrêté ministériel du 9 mars 2010 et la doctrine administrative portant la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-30 du 12 septembre 2012 ;

- par ailleurs, la société appelante n'avait engagé aucune action en répétition de l'indu avant de saisir le tribunal administratif mais demandait le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à tort, demande, en outre, mal dirigée car elle aurait dû être adressée à l'administration fiscale par la voie du recours de plein contentieux fiscal ; l'exception de recours parallèle doit, du reste, être opposée à l'appelante ;

- en tout état de cause, la notion civiliste de répétition de l'indu correspond au droit d'une personne d'obtenir le remboursement de la valeur dont une autre s'est injustement enrichie à ses dépens ; or, en l'occurrence, l'Établissement français du sang n'a pas été le bénéficiaire effectif de cet enrichissement indu ou sans cause ; d'ailleurs, l'appelante a peut-être pu déduire la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a elle-même collectée, de sorte que le remboursement qu'elle sollicite aboutirait à l'enrichir sans cause.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code de la santé publique ;

- le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté interministériel du 9 mars 2010 relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique

Considérant ce qui suit :

1. La société Clinique du Vallespir , établissement privé de santé situé à Céret (Pyrénées-Orientales), s'est fait délivrer par l'Établissement français du sang des produits sanguins labiles que celui-ci lui a facturés pour un prix incluant la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 2,1 %. Par une demande préalable adressée le 30 septembre 2019, la société précitée a demandé à l'Établissement français du sang de lui rembourser la somme de 5 179,29 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir indument supportée sur les produits qui lui ont été facturés entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018. Le directeur de l'Établissement français du sang a rejeté cette demande par une décision du 27 janvier 2020.

2. Par la présente requête, la société Clinique du Vallespir relève appel du jugement du 15 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que l'Établissement français du sang lui rembourse la somme de 5 179,29 euros précitée.

Sur l'assujettissement des livraisons de produits sanguins labiles à la taxe sur la valeur ajoutée :

3. Les dispositions du d du 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, transposées par les dispositions du 2° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, prévoient que les livraisons de sang humain sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et notamment de l'arrêt du 5 octobre 2016 TMD Gesellschaft für transfusionsmedizinische Dienste mbH C-412/15 que sont inclus dans le champ de cette exonération les livraisons de produits sanguins labiles destinés à un usage thérapeutique direct.

4. Par suite, les dispositions de l'article 281 octies du code général des impôts dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, aux termes desquelles : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 2,10 % pour les livraisons portant (...) sur les produits visés au 1° (...) de l'article L. 1221-8 du code de la santé publique. (...) ", c'est-à-dire les " produits sanguins labiles, comprenant notamment le sang total, le plasma dans la production duquel n'intervient pas un processus industriel, quelle que soit sa finalité, et les cellules sanguines d'origine humaine ", étaient contraires aux dispositions du d du 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en tant qu'elles assujettissaient à la taxe sur la valeur ajoutée les produits sanguins labiles destinés à un usage thérapeutique direct.

Sur le droit à restitution de la taxe sur la valeur ajoutée facturée à tort :

5. Il résulte de l'instruction que, jusqu'au mois de décembre 2018, l'Établissement français du sang a facturé les produits sanguins labiles à usage thérapeutique qu'il livrait en soumettant ces livraisons à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 2,10 % en application des dispositions de l'article 281 octies du code général des impôts, dans leur rédaction alors en vigueur, et de celles de l'article 4 de l'arrêté du 9 mars 2010 relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 26 décembre 2018. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 et n'est pas contesté que cette taxe sur la valeur ajoutée a été facturée en méconnaissance du droit de l'Union européenne.

6. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 1302 du code civil : " (...) ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ". Aux termes de l'article 1302-1 du même code : " Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ".

7. D'autre part, il résulte de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans son arrêt du 15 mars 2007 Reemtsma Cigarettenfabriken GmbH C-35/05, que, lorsque l'acquéreur d'un bien a versé au fournisseur la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée à tort sur les factures émises par ce dernier, il ne peut se prévaloir d'un droit à déduction de cette taxe. Les autorités fiscales nationales sont, dès lors, fondées à refuser à l'acquéreur l'exercice de ce droit ainsi que, le cas échéant, la restitution du crédit de taxe déductible qui en découle. En revanche, l'acquéreur peut demander au fournisseur le remboursement de la taxe qu'il a indûment supportée. Si la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée devient impossible ou excessivement difficile, notamment en cas d'insolvabilité du vendeur, le principe d'effectivité peut exiger que l'acquéreur puisse présenter sa demande de restitution directement aux autorités fiscales nationales lesquelles peuvent, avant d'accorder la restitution demandée, vérifier que le risque de perte de recettes fiscales a été préalablement éliminé, notamment du fait que l'auteur de la facture erronée a reversé au Trésor public la taxe indûment collectée.

8. Conformément à ce qui a été dit au point 6, pour obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été facturée à tort, l'acquéreur doit prioritairement s'adresser, y compris le cas échéant par la voie juridictionnelle, à son fournisseur si celui-ci n'a pas pris l'initiative de lui rembourser l'indu correspondant, et, seulement à titre subsidiaire, à l'administration fiscale si l'obtention de la restitution de la taxe indue auprès du fournisseur est impossible ou excessivement difficile.

9. Il suit de ce qui vient d'être exposé que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société Clinique du Vallespir est en droit, par la voie d'une action civile en restitution de l'indu, de demander à l'Établissement français du sang le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée facturée à tort sur les livraisons de produits sanguins labiles, sans que puissent lui être opposées ni la correcte exécution du contrat, ni l'exception de recours parallèle de la procédure fiscale de restitution d'impositions indues prévue par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et sans préjudice d'une éventuelle action mettant en cause la responsabilité de l'État.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Clinique du Vallespir est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de de mettre à la charge de l'Établissement français du sang le paiement à la société Clinique du Vallespir d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions de même nature présentées par l'Établissement français du sang ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement n°20027740 du 15 novembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'Établissement français du sang est condamné à verser à la société Clinique du Vallespir la somme de 5 179,29 euros.

Article 3 : L'Établissement français du sang versera à la société Clinique du Vallespir une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Clinique du Vallespir et à l'Établissement français du sang.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00206


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00206
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-05-01-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Prix.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;22tl00206 ?
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