Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2203847 du 20 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 8 décembre 2022 en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2023, et des mémoires en production de pièces des 8 juin et 16 octobre 2023, M. D..., représenté par Me Gautier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter sans délai le territoire français ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022, en tant qu'il porte obligation de quitter sans délai le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de statuer sur sa " demande de délai de séjour vie privée et familiale/parent d'enfant français ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
M. D... soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que, contrairement à ce qu'impose l'article L. 9 du code de justice administrative, il est insuffisamment motivé ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où elle mentionne à tort qu'il n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de droit au regard des articles L. 423-7 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est père d'un enfant français, Idriss, né en France le 14 octobre 2020 et dont il assure l'entretien et l'éducation ;
- l'obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 7 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré a été enregistrée le 19 janvier 2024 pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né le 9 décembre 1987, soutient être arrivé en France en 2015 sans toutefois en justifier. Par un arrêté du 8 décembre 2022 le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français au motif de son entrée irrégulière en France et du fait que sa présence en France constituerait une menace grave pour l'ordre public, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.
2. Par la présente requête, M. D... relève appel du jugement du 20 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il rejette ces conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3.Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. En premier lieu, contrairement à que soutient M. D..., le premier juge, au point 4 du jugement attaqué a répondu de manière suffisamment motivée à son moyen invoqué sur le fondement du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et tiré de sa qualité de parent d'un enfant français, en lui opposant le fait qu'il n'était pas titulaire de l'autorité parentale sur son enfant et pour un motif d'ordre public tenant aux multiples procédures judiciaires pour des faits de vol, de violence et de menace de mort engagées à son encontre.
5. En second lieu, la circonstance invoquée par l'appelant selon laquelle le premier juge aurait mal apprécié les éléments produits à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué et est, en tout état de cause sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité interne :
6. En premier lieu, le fait que le préfet a opposé à l'appelant l'absence de démarches pour obtenir un titre de séjour, alors qu'il justifie par des courriels des 10 juin 2021 et 20 août 2021 de la préfecture du Gard avoir présenté des demandes de titre de séjour, est sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire en litige, faute, en tout état de cause, pour l'appelant de contester, par voie d'exception, la légalité d'un refus de séjour qui aurait été opposé à une demande de titre de séjour qu'il aurait présentée.
7. En deuxième lieu, en l'absence de conclusions contre une décision de refus de certificat de résidence, le moyen, invoqué sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'attribution d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, au demeurant non applicable aux ressortissants algériens, présenté à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, est inopérant et ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
9. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet du Gard, qui lui a opposé les circonstances qu'il ne justifiait ni de sa participation à l'entretien et à l'éducation de son enfant français mineur ni d'une entrée régulière en France et que son comportement représentait une menace pour l'ordre public, n'a pas, au regard de ces dispositions, entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur de droit.
10. En quatrième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. D..., ainsi qu'il est dit au point 1 du présent arrêt, ne justifie pas d'une entrée régulière en France en 2015. Les attestations de deux chefs d'entreprise dont il se prévaut, dont l'une d'entre elles émane de son cousin, qui sont en tout état de cause postérieures à la décision litigieuse, ainsi que l'attestation, non datée et donc ne pouvant être regardée comme portant sur une période antérieure à la décision en litige, établie par Mme B... A..., de nationalité française, faisant état d'une vie commune avec l'intéressé, sont insuffisantes, eu égard par ailleurs aux éléments cités au point 9 du présent arrêt, pour caractériser au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
13. En l'espèce, l'appelant qui n'est pas titulaire de l'autorité parentale sur son enfant, ne justifie pas, par la seule production d'une attestation du 9 décembre 2022 du chef de service du foyer départemental de l'enfance du Gard, selon laquelle il a honoré les visites médiatisées prévues avec son fils, pour la période du 13 juillet au 28 novembre 2022, qu'il contribuerait, au-delà de la production de factures censées correspondre à des achats au profit de son fils, à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Dans ces conditions, le moyen invoqué sur le fondement de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL00156 2