Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2106511 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022 et un mémoire non communiqué du 26 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Kouahou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, portant la mention " vie privée et familiale ", en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au profit de son conseil sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa vie privée et familiale dès lors qu'il vit en France avec son épouse, laquelle de nationalité italienne n'est pas soumise à une obligation de quitter le territoire, et son enfant, qui est âgé de six ans ;
- les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les décisions du préfet sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les revenus de son épouse ; de plus, celle-ci se trouve dans l'impossibilité d'effectuer un travail à temps plein, compte tenu de l'état de santé de leur fils, qui nécessite une présence régulière à ses côtés alors que son épouse est elle-même gravement malade.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 22 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
-l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité marocaine, né le 18 octobre 1973, s'est marié le 17 mai 2008 en Italie avec une ressortissante italienne. De leur union est né sur le territoire italien leur enfant, A..., le 31 août 2015. L'intéressé déclare être entré en France le 10 décembre 2018, sous couvert de son passeport et d'une carte d'identité délivrée le 30 juillet 2011 par les autorités italiennes et valable jusqu'au 29 juillet 2021. M. C... a sollicité, le 1er juillet 2019, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne. Par un arrêté du 28 octobre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées que les conjoints d'un citoyen de l'Union européenne ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée de plus de trois mois, sous réserve que le ressortissant de l'Union européenne qu'ils entendent rejoindre satisfasse à l'une des conditions, non cumulatives, énumérées à l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle en France doit être regardée comme satisfaite si cette activité est réelle et effective, à l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires et que la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu'une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. C..., de nationalité italienne, occupait un emploi stable à temps partiel en tant qu'agent de service lui assurant des ressources mensuelles brutes de l'ordre de 440 euros. Ces conditions d'activité ne permettent pas de regarder son activité professionnelle comme purement marginale ou accessoire. Dès lors, l'épouse de l'appelant exerçant une activité professionnelle en France et satisfaisant, en conséquence, à la condition posée au 1° de l'article L. 233-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault ne pouvait légalement fonder sa décision sur le fait que l'épouse de M. C... ne satisferait pas à la condition, posée par le 2° du même article. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité le préfet de l'Hérault a méconnu les dispositions citées au point 3 et que l'illégalité dont ce refus est entaché doit entraîner son annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français .
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
7. En application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait intervenu depuis l'édiction de l'arrêté du 28 octobre 2021, la délivrance à M. C... d'un titre de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la préfet de l'Hérault de délivrer un tel titre de séjour à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au bénéfice du conseil de M.C... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. C... un titre de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera au conseil de M. C... la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami , première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL21528
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