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07/11/2023 | FRANCE | N°22TL21116

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 07 novembre 2023, 22TL21116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 8 janvier 2020 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse a refusé de traduire M. C... D... devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse.

Par un jugement n° 2002800 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mai et 2 septembre 2022, M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 8 janvier 2020 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse a refusé de traduire M. C... D... devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse.

Par un jugement n° 2002800 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mai et 2 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Debuiche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la délibération du 8 janvier 2020 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse a refusé de traduire M. D..., médecin expert auprès de la cour d'appel de Nîmes, devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse ;

3°) d'enjoindre au conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse de traduire M. D... devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa plainte dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il écarte le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision en litige sans préciser les circonstances particulières de l'espèce permettant de considérer que le docteur D... n'avait pas méconnu le respect du secret professionnel ;

- il est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur dans la qualification juridique des faits et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que c'est à tort, d'une part, que le tribunal a jugé que les dispositions de l'article R. 4127-107 du code de la santé publique n'étaient pas applicables à sa situation alors que le docteur D... a été chargé de l'examiner dans le cadre d'une réquisition aux fins d'expertise psychiatrique et non dans le cadre de l'examen médical prévu lors d'une garde à vue en application de l'article 63-3 du code de procédure pénale ainsi que l'a jugé le tribunal et, d'autre part, qu'il s'est prononcé sur l'absence de faute commise par le docteur D... et non sur l'opportunité pour la chambre disciplinaire d'être saisie pour apprécier les faits et les conditions dans lesquelles la réquisition s'est déroulée ;

- la délibération du 8 janvier 2020 est insuffisamment motivée alors qu'elle constitue une décision de rejet de son recours administratif préalable obligatoire soumise, dès lors, à l'exigence de motivation en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- à supposer que le docteur D... soit intervenu en qualité de simple médecin et non en qualité de médecin expert, ainsi que persiste à le soutenir en défense le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse, il y aurait alors lieu d'appliquer l'alinéa 2 de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique de sorte que ce conseil était en situation de compétence liée pour transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, premièrement, que le docteur D... a méconnu le secret professionnel auquel il était tenu en vertu des articles R. 4127-4, R. 4127-106, R. 4127-108 et R 4127-28 du code de la santé publique, y compris dans le cadre d'une expertise psychiatrique réalisée pour les besoins d'une information judiciaire, en faisant état d'éléments recueillis dans le cadre de déclarations spontanées excédant le cadre de la mission d'expertise qui lui était prescrite dans le cadre de la réquisition judiciaire et qui ont servi de fondement à l'autorité judiciaire pour entrer en voie de condamnation à son encontre, deuxièmement, que ce médecin ne l'a pas suffisamment informé de sa mission d'expertise et du cadre juridique dans lequel il intervenait, en méconnaissance de l'article R. 4127-107 du code de la santé publique, troisièmement, que, par ses manquements déontologiques, M. D... a porté atteinte au droit au respect de sa vie privée tel que protégé par le I de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, quatrièmement, que ce médecin a outrepassé le cadre de la mission qui lui a été confiée par voie de réquisition judiciaire en dévoilant ses aveux et en se prononçant sur des points non demandés dans le cadre de cette réquisition, notamment sur sa dangerosité criminologique alors qu'il était uniquement tenu de se prononcer sur sa dangerosité psychiatrique, en méconnaissance de l'article R. 4127-108 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2022, le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse, représenté par Me Canale, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2022, M. D..., représenté par Me Geiger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 avril 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une enquête de flagrance ouverte pour des faits d'appels téléphoniques et de messages malveillants commis au préjudice du ... et d'un professeur, le domicile de M. B... a été perquisitionné le 6 juin 2019 et ce dernier a fait l'objet d'un placement en garde à vue suivi d'une audition par un officier de police judiciaire de la circonscription de sécurité publique d'Aix-en-Provence le même jour. Au cours de cette garde à vue, une réquisition judiciaire a été adressée au docteur D... à l'effet de procéder à son examen psychiatrique. Cet examen médical a été pratiqué le 7 juin 2019. Par un jugement correctionnel du 27 février 2020, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a condamné M. B... pour des faits d'appels téléphoniques malveillants réitérés et d'envois réitérés de messages malveillants par voie électronique commis en 2018 et en 2019 à un emprisonnement délictuel de huit mois assorti d'un sursis total avec mise à l'épreuve pendant deux ans assorti de plusieurs obligations ainsi que pour des faits de refus de remettre, sur réquisition d'un officier de police judiciaire, les informations permettant l'accès aux données informatiques objet d'une perquisition. Par un arrêt du 13 avril 2021, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix-en-Provence l'a partiellement relaxé pour certains faits, a confirmé la peine d'emprisonnement délictuel et porté le sursis probatoire à trois ans.

2. Estimant que le docteur D... avait méconnu ses obligations déontologiques lorsqu'il a été requis, M. B... a, par un courrier du 23 septembre 2019, saisi le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse d'une plainte en vue de sa transmission à la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse. Par une délibération du 8 janvier 2020, le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse a décidé de ne pas saisir cette instance disciplinaire et invité M. B..., s'il le souhaite, à saisir l'une des autorités ou personnes citées au premier alinéa de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique. M. B... relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 8 janvier 2020 précitée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la demande, ont suffisamment répondu, aux points 6 à 9 de leur jugement, au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision en litige.

4. En second lieu, les moyens tirés de ce que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur dans la qualification juridique des faits et d'une erreur manifeste d'appréciation ne se rapportent pas à sa régularité mais à son bien-fondé et sont, dès lors, inopérants.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article R. 4127-112 du code de la santé publique : " Toutes les décisions prises par l'ordre des médecins en application du présent code de déontologie doivent être motivées. / Celles de ces décisions qui sont prises par les conseils départementaux peuvent être réformées ou annulées par le conseil national soit d'office, soit à la demande des intéressés ; celle-ci doit être présentée dans les deux mois de la notification de la décision ".

6. Dès lors, d'une part, que les dispositions de l'article R. 4127-112 du code de la santé publique ne concernent que les seules décisions d'ordre administratif prises par les instances ordinales en application du code de déontologie des médecins, lesquelles ne comprennent pas les décisions que ces instances peuvent prendre en matière disciplinaire, telles que celles mentionnées aux articles L. 4124-2 et L. 4123-2 du code de la santé publique et, d'autre part, que la motivation de la décision du conseil départemental de l'ordre des médecins de ne pas traduire un médecin en chambre de discipline à la suite d'une plainte n'est exigée par aucun texte ni aucun principe, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'insuffisante motivation de la décision en litige. En tout état de cause, après avoir visé le premier alinéa de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, la délibération en litige rappelle les griefs formulés à l'encontre de M. D... tirés de l'exécution imparfaite de sa mission et de la violation du secret médical. Elle mentionne, en outre, que ce médecin est intervenu dans le cadre d'une mission de service public, ce qui lui laisse un pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité des poursuites, que M. D... a répondu aux questions qui lui ont été posées et que le plaignant n'apporte aucun élément prouvant que l'expertise n'a pas été réalisée suivant les règles de l'art. Par suite, la délibération du 8 janvier 2020, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est, en tout état de cause, suffisamment motivée.

7. En deuxième lieu, d'une part, l'article 60 du code de procédure pénale, applicable aux enquêtes de flagrance, dispose, dans sa rédaction applicable au litige que : " S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs des membres de cette commission, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. (...) / En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois ". Toutefois, le premier alinéa de l'article L. 4124-2 du même code dispose que : " Les médecins (...) chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'État dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (...) ".

9. Dès lors que les griefs formulés à l'encontre du docteur D... concernent un examen médical pratiqué dans le cadre d'une enquête de flagrance sur réquisition d'un officier de police judiciaire devant, dès lors, être regardé comme un acte de fonction publique au sens du premier alinéa de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique lesquelles ne prévoient la transmission de la plainte à la chambre disciplinaire de première instance, après l'échec d'une phase de conciliation, que lorsque le médecin a été mis en cause pour des actes ne relevant pas d'une mission de service public.

10. En troisième lieu, lorsque le médecin poursuivi exerce une mission de service public et qu'un conseil départemental de l'ordre des médecins est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un médecin en chambre de discipline, il lui appartient de décider des suites à donner à la plainte. Il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis, ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

11. M. B... soutient qu'en établissant son rapport médical, le docteur D... a excédé le cadre de la mission d'expertise qui lui était confiée en faisant état d'aveux ayant conduit à sa condamnation pénale, en divulguant des éléments inhérents à son état de santé et à sa vie privée et en se prononçant sur des points non demandés dans le cadre de cette réquisition, notamment sur sa dangerosité criminologique alors qu'il était uniquement tenu de se prononcer sur sa dangerosité psychiatrique.

12. Premièrement, aux termes de l'article R. 4127-106 du code de la santé publique : " Lorsqu'il est investi d'une mission, le médecin expert doit se récuser s'il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu'elles l'exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent code de déontologie ". Aux termes de l'article R. 4127-107 de ce code : " Le médecin expert doit, avant d'entreprendre toute opération d'expertise, informer la personne qu'il doit examiner de sa mission et du cadre juridique dans lequel son avis est demandé ". L'article R. 4127-108 du même code dispose que : " Dans la rédaction de son rapport, le médecin expert ne doit révéler que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées. Hors de ces limites, il doit taire tout ce qu'il a pu connaître à l'occasion de cette expertise. / Il doit attester qu'il a accompli personnellement sa mission ". Dès lors que le docteur D... ne s'est pas prononcé en qualité de médecin expert mais est intervenu, ainsi qu'il a été dit, en qualité de médecin requis par un officier de police judiciaire lors du placement en garde à vue de l'appelant dans le cadre d'une enquête de flagrance, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions lesquelles régissent uniquement la médecine d'expertise.

13. Deuxièmement, aux termes de l'article R. 4127-28 du code de la santé publique :" La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite ". Dès lors que M. D... s'est borné à répondre aux questions qui lui ont été posées dans le cadre de la réquisition judiciaire et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le rapport médical établi par ses soins manquerait d'objectivité, M. D... ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant rédigé un rapport tendancieux.

14. Troisièmement, aux termes de l'article R. 4127-4 du code de la santé publique : " Le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. / Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du I de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. / Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ".

15. Dans le cadre de la réquisition judiciaire qui lui a été adressée le 6 juin 2019, M. D... a été chargé d'examiner M. B... et de répondre aux cinq questions suivantes : premièrement, si l'examen psychiatrique de l'intéressé révèle des anomalies mentales ou psychiatriques, deuxièmement, si de telles anomalies sont en relation avec le comportement de l'intéressé, troisièmement, si l'intéressé présente un état dangereux, s'il est accessible à une sanction pénale, s'il est curable et réadaptable, quatrièmement, si le sujet était atteint au moment des faits d'un trouble psychiatrique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou entravé le contrôle de ses actes au sens de l'article 122-1 alinéa 1 du code pénal, et, cinquièmement, sur l'opportunité d'une injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.

16. En réponse à la première question, M. D... a indiqué que M. B... ne présentait ni troubles de la pensée, ni délire, ni perception hallucinatoire psychique ou psycho-sensorielle ni bizarreries dans sa présentation, ni dans le cours de sa pensée et qu'il ne présentait pas d'antécédent psychiatrique et d'hospitalisation en milieu spécialisé ou de pathologies bipolaire ou schizophrénique. À la deuxièmement question, le médecin a répondu que les faits reprochés à l'intéressé n'étaient pas en relation avec une pathologie mentale mais avec sa personnalité particulière et que M. B... n'était pas dangereux au sens psychiatrique du terme et ne nécessitait pas d'internement mais qu'il pouvait être dangereux au sens criminologique du terme et, à la troisième question posée, que l'intéressé était accessible à une sanction pénale. En réponse aux deux dernières questions, M. D... a précisé qu'au moment des faits, M. B... ne présentait pas de troubles psychiques neuropsychiques ayant aboli ou altéré son discernement ou le contrôle de ses actes et qu'il devait bénéficier d'une mesure de suivi socio-judiciaire avec une injonction de soins.

17. Il est constant que, dans le cadre de ses conclusions, le médecin-psychiatre a fait état des déclarations spontanées de M. B... dans les termes suivants : " Sur les faits reprochés, ce sujet nous dit finalement qu'il harcelait ce directeur d'école de coups de fil passés à n'importe quelle heure pour se soulager parce qu'il fallait qu'il paye ce qu'il lui avait fait ". Toutefois, il ressort des motifs venant au soutien du dispositif de l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 avril 2021 que ces déclarations spontanées n'ont pas servi à établir la culpabilité de l'intéressé, l'autorité judiciaire s'étant fondée, pour le déclarer coupable de faits d'appels téléphoniques malveillants, uniquement sur les constations matérielles opérées sur sa ligne téléphonique et les déclarations de son père selon lesquelles il était l'utilisateur du numéro de téléphone et du mobile en provenance desquels ces appels ont été émis. S'agissant des messages malveillants adressés par la voie d'un moyen de communication électronique, la culpabilité de M. B... a été établie à partir de l'exploitation de l'ordinateur portable de l'intéressé, laquelle a permis de vérifier que ces messages ont été émis à partir des comptes qu'il a ouverts sur un réseau social. Dans ces conditions, dès lors que M. B... n'a pas été déclaré coupable sur la base de déclarations spontanées recueillies lors de l'examen psychiatrique en litige, aucun manquement déontologique au respect du secret médical ne peut être caractérisé.

18. Par ailleurs, pour répondre aux différentes questions qui lui étaient posées, notamment sur l'existence d'anomalies mentales ou psychiatriques en relation avec le comportement de l'appelant, sur sa dangerosité, son accessibilité à une sanction pénale, sa faculté de réadaptation, l'abolition de son discernement et, enfin, sur l'opportunité d'une mesure de suivi socio-judiciaire, le médecin en cause était également tenu d'examiner, ainsi que l'a retenu le tribunal, la représentation que l'intéressé se faisait des agissements qui lui sont imputés ainsi que ses antécédents médicaux et sa situation personnelle et, partant, de connaître d'éléments d'ordre médical et personnel. Par suite, en se bornant à mentionner, dans ses conclusions, que M. B... ne présente pas d'antécédent de pathologie somatique hormis une chute d'un toit situé à une hauteur de quatre mètres et l'existence d'une rixe initiale, ce médecin ne peut être regardé, au regard de la mission qui lui était impartie, comme ayant méconnu une règle de déontologie médicale.

19. Par conséquent, en refusant, dans le cadre du pouvoir disciplinaire dont il est investi en propre en vertu de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, de traduire M. D... devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse, le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse n'a pas entaché sa délibération d'une erreur manifeste d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des demandes de M. B... par le tribunal administratif n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'appelant doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

23. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 750 euros à verser tant au conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse qu'à M. D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera tant au conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse qu'à M. D... une somme de 750 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse et à M. C... D....

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21116
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04-01 Professions, charges et offices. - Discipline professionnelle. - Procédure devant les juridictions ordinales.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET MARC GEIGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-07;22tl21116 ?
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