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17/10/2023 | FRANCE | N°22TL22321

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22TL22321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel le préfet de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204209 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, M. A.

.., représenté par Me Girard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel le préfet de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204209 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Girard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel le préfet de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il se fonde sur les éléments contenus dans le mémoire en défense produit par le préfet de l'Aude postérieurement à la clôture de l'instruction et non communiqué, en méconnaissance des droits de la défense et du principe de loyauté de la procédure ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne le caractère sérieux du suivi de sa formation et les liens qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

- la décision fixant le pays de renvoi l'expose à des risques de peines ou de traitements inhumains ou dégradants eu égard à la situation actuelle au Nigéria.

La requête a été communiquée au préfet de l'Aude qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, le 26 mai 2023, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 25 août 2023.

Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 22 avril 2003, déclare être entré en France le 20 février 2020. Par un jugement en assistance éducative du juge des enfants près le tribunal de grande instance de Carcassonne du 22 mars 2021, l'intéressé a été maintenu auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aude. Le 13 octobre 2021, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 mai 2022, le préfet de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 4 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". L'article R. 611-1 du même code dispose que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité.

3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal que le préfet de l'Aude a produit un mémoire en défense le 14 octobre 2022. Toutefois, dès lors que ce mémoire en défense, produit postérieurement à l'intervention de la clôture de l'instruction fixée, par une ordonnance du 17 août 2022, au 14 septembre 2020 à 12 heures, ne comportait aucun élément sur lequel les premiers juges se seraient fondés pour rendre leur décision, le tribunal, qui n'était ainsi pas tenu de le communiquer mais seulement de le viser, n'a pas méconnu le principe du contradictoire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " À titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. Pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aude s'est fondé sur les circonstances, d'une part, que l'intéressé ne justifie pas du caractère réel et sérieux du suivi d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et, d'autre part, qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales au Nigéria. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins pour l'année scolaire 2020-2021 et de l'évaluation du 27 janvier 2021 produits devant le tribunal, que M. A..., qui suit une formation en métallerie au sein des ateliers professionnels Olympe de Gouges à Castelnaudary, a été invité à faire preuve de plus d'assiduité en classe et n'a pas été évalué au titre du bilan n° 2 en raison de ses absences tandis qu'il n'a pas fait preuve de l'investissement nécessaire pour atteindre un minimum d'autonomie dans l'apprentissage de la langue française et a été sélectif dans ses apprentissages. S'agissant du bilan n° 3, ses évaluateurs ont indiqué qu'en dépit de ses efforts pour être ponctuel à l'atelier, l'intéressé s'est signalé par ses nombreuses absences qui entravent ses apprentissages tandis qu'il a été invité à respecter le matériel mis à sa disposition à l'atelier et à se remobiliser pour acquérir davantage de connaissances et d'autonomie dans la poursuite de son projet professionnel. Au titre de ce même bilan, ses appréciations générale et trimestrielle font état de l'insuffisance de ses résultats et de sa propension à être sélectif dans ses apprentissages. Le bulletin trimestriel établi le 23 décembre 2021 mentionne des absences injustifiées et des retards en dépit de ses efforts en termes d'assiduité et de ponctualité. S'il est constant que le bulletin délivré le 24 avril 2022 fait état des efforts déployés par M. A... en termes d'assiduité et de ponctualité, ces éléments ne suffisent toutefois pas à établir le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation professionnelle. Dans ces conditions, et indépendamment des attaches familiales conservées par l'intéressé dans son pays d'origine, le préfet de l'Aude pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, se fonder sur le seul motif tenant à l'absence de suivi réel et sérieux de sa formation professionnelle pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de M. A....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : " 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) " ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. M. A... soutient, en se prévalant de la liste des pays d'origine sûrs fixée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et d'une notice extraite du site internet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères français, que son retour sans son pays d'origine, pays ne figurant pas sur la liste des pays d'origine sûrs, l'exposerait personnellement à des traitements inhumains et dégradants en raison de l'omniprésence du terrorisme, de la délinquance, de la criminalité et de la piraterie maritime, les autorités diplomatiques françaises déconseillant les déplacements dans la plus grande partie du Nigéria et les déconseillant formellement dans la région du Delta, le Nord-Est, le Nord-Ouest ainsi que dans les zones frontalières avec le Cameroun et le Bénin. Toutefois, par ces éléments à caractère très général, il ne produit aucun élément précis et circonstancié de nature à établir la réalité des risques allégués alors qu'il n'a jamais sollicité l'asile en France pas plus qu'il n'allègue avoir été empêché de présenter une demande de protection internationale. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2022 du préfet de l'Aude. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22321
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SELARL LYSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-17;22tl22321 ?
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