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04/10/2023 | FRANCE | N°22TL22596

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 04 octobre 2023, 22TL22596


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201513 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregis

trés le 20 décembre 2022 et le 7 avril 2023, M. A..., représenté par Me Sergent, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201513 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2022 et le 7 avril 2023, M. A..., représenté par Me Sergent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour assorti d'une autorisation de travail valable six mois, dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à titre très subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans la même condition de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle en ne tenant, notamment, pas compte des éléments relatifs à sa situation professionnelle et aux violences conjugales dont il a été victime ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant aux éléments produits devant le tribunal, que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 55 %, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 23 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 10 décembre 1983, a contracté mariage le 13 février 2020 au Sénégal, avec une ressortissante française. L'intéressé est entré en France le 22 août 2020, sous couvert d'un visa de long séjour de type D, valant titre de séjour, portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 15 août 2020 au 15 août 2021. Le 30 août 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français. M. A... relève appel du jugement du jugement du 20 juin 2022 par le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté en litige, en particulier de sa motivation détaillée, que le préfet des Pyrénées-Orientales, qui n'était pas tenu de reprendre de manière exhaustive la situation de l'appelant, a procédé à un examen particulier de leur situation personnelle. Si M. A... se prévaut de ce que l'autorité préfectorale n'aurait pas tenu compte de la transmission, par un courriel électronique de la CIMADE du 21 décembre 2021, du nouveau contrat à durée indéterminée qu'il a conclu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen attentif de ses perspectives professionnelles en France tandis que l'intéressé n'établit pas, en tout état de cause, que ce document, qui ne constitue pas une demande au seins de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration, mais un complément de pièces à l'appui de sa demande de titre de séjour, aurait été reçu par son destinataire. Par ailleurs, si l'appelant soutient, en outre, qu'il n'a pas été tenu compte des éléments qu'il a produits concernant les violences de son épouse à son endroit, il ressort, au contraire, des mentions contenues dans l'arrête en litige, que l'autorité préfectorale a pris en compte le dépôt de plainte de M. A... pour violences conjugales en date du 20 avril 2021 et qu'elle a, en complément, fait procéder, le 8 octobre 2021, à une enquête administrative destinée à vérifier la communauté de vie entre les époux, diligentée par le service territorial de la police aux frontières de Perpignan, lequel a auditionné tant que M. A... que son épouse.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée.

5. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas davantage établi que M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-5 du même code : " (...) II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. / (...) Tout nouveau contrat de travail fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail ".

7. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que M. A... n'a pas présenté une autorisation de travail ou un contrat de travail visé par l'autorité administrative a à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié. Dès lors que l'autorité administrative pouvait, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant la décision en litige.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant en tant qu'il est dirigé contre la décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, laquelle ne donne pas lieu à l'appréciation de ses liens privés et familiaux en France. D'autre part, si M. A... se prévaut de son intégration socio-professionnelle en France et indique qu'il a quitté le Sénégal en 2020, où il a vendu l'ensemble de ses biens, et qu'il ne dispose d'aucune attache ni perspective professionnelle ni ressource dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier, en particulier de sa demande de titre de séjour, que l'intéressé a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 37 ans et qu'il n'y est pas dépourvu d'attaches familiales ainsi qu'en atteste la présence de sa mère, de son fils, de ses trois filles ainsi que celle de ses deux frères et de ses deux sœurs. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France de manière très récente et que la communauté de vie nouée en France, au demeurant très récente, a rapidement cessé à la suite de son départ du domicile conjugal le 22 avril 2021, tandis que la plainte formée contre son épouse pour violences conjugales a été classée sans suite et que cette dernière l'a assigné, le 24 janvier 2022, devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Perpignan en vue du prononcé de leur divorce. Par suite, eu égard à ses conditions d'entrée et de séjour en France, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Les moyens tirés de ce que la décision par laquelle l'autorité préfectorale a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22596
Date de la décision : 04/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-04;22tl22596 ?
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