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19/09/2023 | FRANCE | N°22TL21062

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22TL21062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2104251 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

ée le 26 avril 2022, M. C..., représenté par Me Chabbert-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2104251 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022, M. C..., représenté par Me Chabbert-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un certificat de résidence l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet s'est placé, s'agissant de la décision de refus de certificat de résidence, en situation de compétence liée en refusant de faire application à son profit de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'il entrait dans les catégories d'étrangers dont la situation relevait du regroupement familial ;

- le refus de certificat de résidence porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, il vit en France de façon continue depuis six ans, sa mère y vit sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans, il a un enfant avec son épouse, qui est titulaire d'une carte de résident et élève les trois enfants de celle-ci, ainsi que l'enfant du couple ;

- il est porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants précités, au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité du refus de certificat de résidence ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête de M. C....

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 11 octobre 1982, est entré en France le 24 octobre 2015 avec un passeport muni d'un visa de court séjour valable du 27 août 2015 au 22 février 2016. Il a épousé, le 21 décembre 2019, Mme A... B..., ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident valable du 1er août 2016 au 31 juillet 2026. M. C... a sollicité, le 18 août 2020, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 6 décembre 2021, la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. M. C... relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. En application des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser le séjour à un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant du fait que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

5. En l'espèce, la préfète du Gard, dans sa décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence, a relevé que si M. C... avait présenté une demande de certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, sa situation relevait du regroupement familial et que son épouse pourrait initier une telle procédure qui pourrait permettre son introduction en France. Toutefois, la préfète du Gard a par ailleurs apprécié la situation de M. C... au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a donc pas commis d'erreur de droit contrairement à ce soutient l'appelant.

6. En deuxième lieu, si M. C... justifie, ainsi qu'il est indiqué au point 1, être entré en France le 24 octobre 2015, il n'établit pas, par la production de documents épars, notamment d'une attestation de Médecins du Monde du 9 octobre 2019 faisant état de son passage à l'antenne de Montpellier, à onze reprises entre le 6 janvier 2016 et le 27 septembre 2019 et de quelques certificats médicaux des 28 mai et 26 octobre 2018 ainsi que du 29 mai et du 27 juin 2019 d'une présence continue en France depuis le 24 octobre 2015, jusqu'à son mariage, le 21 décembre 2019, avec une ressortissante marocaine. Les deux attestations produites en première instance établies par deux amis du couple, ne permettent pas par ailleurs à elles seules d'établir contrairement à ce que M. C... soutient, que la vie commune avec sa future épouse aurait commencé en 2017. Par ailleurs, si les pièces du dossier établissent la vie commune entre les époux depuis le mariage, eu égard au caractère très récent de celui-ci et au fait que l'épouse de l'intéressé, qui travaille, est susceptible d'initier une procédure de regroupement familial, la décision de refus de certificat de résidence ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants.

8. Si les pièces produites au dossier établissent la réalité et l'intensité des liens entretenus par les enfants de son épouse, nés d'une précédente union, avec M. C..., qui est du reste à même de revenir en France, dès lors qu'il ne fait pas l'objet d'une interdiction du territoire, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'il existerait un obstacle, notamment scolaire, à ce que la cellule familiale se reconstitue ailleurs qu'en France. Par ailleurs, si M. C... et son épouse ont eu un enfant, cet enfant est né le 3 janvier 2022, soit postérieurement à l'arrêté en litige. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Gard a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, compte tenu du rejet par le présent arrêt, des conclusions présentées par M. C... contre le refus de délivrance d'un certificat de résidence, ce dernier n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception du refus de certificat de résidence, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

10. En deuxième lieu pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'interdit pas son retour en France, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En troisième lieu, compte tenu de ce qui précède, et faute d'assortir son moyen de précisions particulières, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M.Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21062

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21062
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-19;22tl21062 ?
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