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19/09/2023 | FRANCE | N°22TL20219

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22TL20219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Galerie Downtown a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 août 2018 par lequel le préfet de la région Occitanie a prononcé l'inscription, au titre des monuments historiques, de la maison ronde " Fiore ", dite maison B..., sise 1 avenue des Pyrénées à Mirepoix (Ariège), et, d'autre part, la décision implicite de rejet par le ministre de la culture de son recours hiérarchique formé le 8 octobre 2018.

Par un jugem

ent n° 1900609 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Galerie Downtown a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 août 2018 par lequel le préfet de la région Occitanie a prononcé l'inscription, au titre des monuments historiques, de la maison ronde " Fiore ", dite maison B..., sise 1 avenue des Pyrénées à Mirepoix (Ariège), et, d'autre part, la décision implicite de rejet par le ministre de la culture de son recours hiérarchique formé le 8 octobre 2018.

Par un jugement n° 1900609 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en date du 20 juillet 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Galerie Downtown représentée par Me Lalanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 novembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 7 août 2018 par lequel le préfet de la région Occitanie a prononcé l'inscription, au titre des monuments historiques, de la maison ronde " Fiore ", dite maison B..., et, d'autre part, la décision implicite de rejet par le ministre de la culture de son recours hiérarchique formé le 8 octobre 2018 contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité faute de signature de la minute du jugement ;

- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ;

- la décision litigieuse est entachée d'une incompétence de son signataire ;

- les droits de la défense et le principe d'impartialité n'ont pas été respectés devant la commission régionale du patrimoine et de l'architecture ;

- l'arrêté du 7 août 2018 est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 621-5 du code du patrimoine quant à la question de l'intérêt d'art et d'histoire suffisant que présenterait la maison ronde " Fiore ", dite maison B..., qui en justifierait la préservation ; en l'espèce, son absence d'intérêt tient à son état de délabrement, à la date de la décision de classement, à sa modification substantielle lui ayant fait perdre ses caractères originaux et à son environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2022, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société Galerie Downtown ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 août 2018, le préfet de la région Occitanie a décidé d'inscrire la maison dite " maison B... " se trouvant à Mirepoix (Ariège) au titre des monuments historiques. Par une décision du 8 décembre 2018, le ministre de la culture a implicitement rejeté le recours hiérarchique formé par la société Galerie Downtown, propriétaire des éléments démontables de cette maison, le 8 octobre 2018.

2. La société Galerie Downtown relève appel du jugement du 25 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2018 et de la décision du 8 décembre 2018 précités.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

4. Il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté, produite par le tribunal administratif de Toulouse le 30 août 2023 et communiquée aux parties, a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen soulevé tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signature de la minute, manque en fait et doit être écarté.

5. En second lieu, les décisions procédant au classement d'immeubles au titre des monuments historiques n'étant pas prises en considération des personnes, elles ne sont pas soumises au principe du respect des droits de la défense. En conséquence, le moyen tiré du manquement aux droits de la défense du fait de l'absence de convocation devant la commission régionale du patrimoine et de l'architecture tant de M. D..., gérant de la société appelante, qui a acquis les éléments mobiliers de la maison, que de Mme A..., qui est restée propriétaire de la maison et du terrain, était inopérant. En conséquence, l'absence de réponse des premiers juges à ce moyen n'a pas entaché le jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant de la compétence de l'auteur de l'acte :

6. Aux termes de l'article L. 621-25 du code du patrimoine : " Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques (...) ". Aux termes de l'article R. 621-54 du même code : " L'inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques est prononcée par arrêté du préfet de région après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture réunie en formation plénière (...) ". En vertu de ces dispositions, le préfet de la région Occitanie était compétent pour prononcer, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, l'inscription du bien en cause au titre des monuments historiques. Et aux termes de l'article 38 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et les départements, le préfet de région peut donner délégation de signature : " 1° En toutes matières, et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs de services déconcentrés des administrations civiles de l'État dans la région, au secrétaire général pour les affaires régionales et, en cas d'empêchement de celui-ci, aux agents de catégorie A placés sous son autorité ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. Laurent Carrié, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de la région Occitanie, signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation du préfet de la région Occitanie, par arrêté du 16 avril 2018, régulièrement publié le même jour aux recueil des actes administratifs de la région Occitanie n° R76-2018-058, à l'effet de signer, au nom du préfet, les actes d'administration générale relevant des missions du secrétaire général pour les affaires régionales, à l'exclusion des déférés devant les juridictions administratives. Contrairement à ce que persiste à soutenir en appel la société Galerie Downtown, cette délégation de signature, qui n'est ni trop générale ni trop imprécise, est conforme aux dispositions précitées du décret du 29 avril 2004. En outre, même si le tribunal a également cité l'article 39 du décret du 29 avril 2004 prévoyant qu'en cas d'absence ou d'empêchement, le préfet de région est suppléé par le secrétaire général pour les affaires régionales, il ne s'est, en tout en tout état de cause, pas fondé sur le fait qu'en l'espèce la signature serait intervenue à la suite d'une absence ou d'un empêchement. Le moyen tiré de l'incompétence ne peut donc être accueilli.

S'agissant de la procédure devant la commission régionale du patrimoine et de l'architecture :

8. En premier lieu, aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit l'organisation d'une procédure contradictoire devant la commission régionale du patrimoine et de l'architecture alors que, par ailleurs, ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt, les décisions procédant au classement d'immeubles au titre des monuments historiques ne sont pas prises en considération des personnes, notamment des propriétaires de ces immeubles, et donc ne sont pas soumises au respect du principe des droits de la défense. Par conséquent, le moyen tiré d'un manquement aux droits de la défense du fait de l'absence de convocation devant la commission régionale du patrimoine et de l'architecture de la propriétaire de la maison et de la Galerie Downtown en sa qualité de propriétaire des éléments mobiliers de la maison est inopérant et doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la circonstance que M. C..., chef de l'union départementale de l'architecture de l'Ariège, se trouvant au nombre des " invités et experts " conviés devant la commission, a indiqué, de façon inexacte, qu'aucune demande de permis de démolir n'avait été déposée par la galerie Downtown, ni par Mme A..., ne traduit à elle seule ni un manque d'impartialité, ni la manifestation d'une animosité particulière à l'égard de la société Galerie Downtown. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas du compte-rendu de la réunion de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture qui s'est tenue le 10 avril 2018, laquelle a émis à l'unanimité un vote en faveur du classement de la maison ronde " Fiore ", dite maison B..., au titre des monuments historiques, que, contrairement à ce que fait valoir la société appelante, M. C... aurait affirmé que ladite société avait fait l'objet d'une procédure correctionnelle. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas du compte-rendu de la réunion précitée que les membres de droit ou les membres désignés de cette commission, ainsi que les personnes étant intervenues lors des débats en qualité d'" invités et experts ", auraient fait montre de partialité.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Aux termes de l'article L. 621-25 du code du patrimoine : " Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques (...) ".

11. L'arrêté du 7 août 2018, confirmé par la décision implicite de rejet par le ministre de la culture du recours hiérarchique, par lequel le préfet de la région Occitanie a prononcé l'inscription au titre des monuments historiques de la maison ronde " Fiore ", dite maison B..., est fondé sur le motif selon lequel cette maison " (...) présente un intérêt suffisant au point de vue de l'histoire et de l'art pour en rendre désirable la préservation en raison du caractère remarquable de cet édifice, construit par Serge B..., collaborateur de Jean Prouvé, et inspiré de l'œuvre de ce dernier, en reprenant, pour la réalisation d'un bâtiment d'habitation, sa typologie des stations-services Total ". Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, que les membres de la commission, sur la base notamment d'une publication en 2014 par un architecte dans une revue spécialisée d'un article consacré à la maison ronde " Fiore ", ont estimé que, compte tenu des caractéristiques de cette construction la rapprochant des principes constructifs de Jean Prouvé et de sa réalisation à une date à laquelle M. B... travaillait dans les ateliers de Jean Prouvé, la maison ronde " Fiore " constituerait l'exemple unique d'une maison ronde inspirée de Jean Prouvé. Dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation qu'en dépit du caractère dégradé dans lequel elle se trouvait à la date du classement, que le préfet de la région Occitanie a décidé d'inscrire la maison ronde " Fiore ", dite " maison B... " au titre des monuments historiques.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Galerie Downtown n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'État n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société Galerie Downtown sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Galerie Downtown est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Galerie Downtown et à la ministre de la culture.

Copie en sera adressée au préfet de la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL20219

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20219
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

41-01-03 Monuments et sites. - Monuments historiques. - Inscription à l'inventaire.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SELARL VERPONT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-19;22tl20219 ?
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