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19/09/2023 | FRANCE | N°22TL00459

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22TL00459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme C... A..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le maire de Salses-le-Château a interdit de manière permanente la circulation dans les deux sens et le stationnement des véhicules sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie implantées sur le territoire de ladite commune.

Par un jugement n° 2004050 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme C... A..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le maire de Salses-le-Château a interdit de manière permanente la circulation dans les deux sens et le stationnement des véhicules sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie implantées sur le territoire de ladite commune.

Par un jugement n° 2004050 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, le 7 février 2022, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, M. D... et Mme A..., épouse D..., représentés par Me Slatkin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le maire de Salses le Château a interdit de manière permanente la circulation dans les deux sens et le stationnement des véhicules sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie implantées sur le territoire de ladite commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Salses-le-Château une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils disposent d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 26 août 2013 réglementant la pénétration et la circulation dans les massifs forestiers ainsi que l'usage de certains appareils et matériels, reprises à l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 18 août 2017 réglementant, dans le département des Pyrénées-Orientales, la pénétration et la circulation dans les massifs forestiers ainsi que l'usage de certains appareils et matériels dès lors que ces dispositions n'interdisent la circulation des véhicules à moteur sur les pistes de défense de la forêt contre les incendies qu'en périodes de risque élevé et exceptionnel d'incendie ;

- l'article 6 de l'arrêté en litige, qui prévoit des dérogations selon le type de véhicules concernés et les personnes autorisées à circuler sur les pistes de défense de la forêt contre les incendies, méconnaît l'article 7 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 août 2017 précité dès lors que seule l'autorité préfectorale est habilitée à délivrer des dérogations ponctuelles à l'interdiction de circuler sur les pistes de défense de la forêt contre les incendies ;

- en n'opérant aucune distinction selon les périodes dans la survenance du risque incendie et en ne démontrant pas en quoi les engins motorisés de type quad présenteraient un risque particulier d'incendie par rapport à un autre véhicule à moteur, l'arrêté en litige instaure une interdiction de circuler disproportionnée ;

- l'arrêté en litige méconnaît le principe d'égalité et constitue une mesure de police de portée individuelle ne reposant sur aucune considération d'intérêt général dès lors, d'une part, qu'il fait interdiction aux seuls engins motorisés de type quad de circuler et de stationner sur les voies en litige et, d'autre part, qu'il instaure des dérogations qui ne sont justifiées par aucune considération d'intérêt général au bénéfice d'une association de chasse et d'une association de " Ball trap " ;

- il instaure une discrimination injustifiée en désignant spécifiquement leur activité professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2022, la commune de Salses-le-Château, représentée par Me Lerat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... et Mme A..., épouse D..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que les appelants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- les pouvoirs de police dont disposent le maire et le préfet pour réglementer la circulation des véhicules à moteur dans les massifs forestiers exposés à un risque d'incendie ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et ne reposent pas sur le même fondement juridique, de sorte que le maire était fondé à exercer les pouvoirs qu'il tire du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 2213-4 du même code pour prévenir les incendies et protéger les personnes et les biens situés dans les massifs exposés à un risque d'incendie sans se trouver en situation de compétence liée au regard des dispositions de l'arrêté préfectoral du 18 août 2017 réglementant l'accès des véhicules terrestres à moteur dans les zones forestières ;

- l'arrêté en litige, qui fait suite à un premier arrêté municipal édicté en 2018 n'ayant fait l'objet d'aucun recours contentieux, ne fait que reprendre, dans une formulation différente, l'interdiction de circulation des engins de type trials et quads sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie qui s'appliquait déjà par le passé alors que ces véhicules peuvent être à l'origine de départs de feux ;

- les appelants ne démontrent pas les contraintes logistiques nouvelles auxquelles l'arrêté en litige les exposerait dans le cadre de leurs activités de randonnées en quad et en qualité d'occupants des lieux, pas plus qu'ils ne justifient de la nature de leur activité professionnelle alors que cet arrêté les autorise, par dérogation, à accéder à leur propriété et qu'ils ne pouvaient déjà pas, sous l'empire du précédent arrêté de 2018, circuler à bord de quads sur les voies en litige ;

- dans le cadre de leur activité de randonnées en quads, les appelants ont commis de nombreux abus en circulant, sans autorisation, sur toutes les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie et les voies non ouvertes à la circulation ainsi que sur des voies privées et en occasionnant de nombreuses nuisances sonores ;

- l'arrêté en litige n'a ni pour effet ni pour objet d'interdire aux appelants d'exercer leur activité professionnelle, laquelle du reste ne se limite pas à l'organisation de sorties en quad et porte également sur des activités en eaux vives, mais les oblige à redéfinir leurs circuits de randonnée, afin que leurs quads n'empruntent que les voies autorisées, et à adapter leurs pratiques en matière de stockage et de transport de ces engins ;

- son territoire est très exposé au risque incendie, quelle que soit la saison, ainsi qu'en attestent les incendies qui se sont produits lors des étés 2021 et 2022 ;

- l'arrêté préfectoral de 2013 dont se prévalent les appelants n'est plus en vigueur.

Par une ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Slatkin, représentant M. et Mme D... et E..., représentant la commune de Salses-le-Château.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 20-198 du 16 juillet 2020, le maire de Salses-le-Château (Pyrénées-Orientales) a interdit de manière permanente la circulation dans les deux sens et le stationnement des véhicules sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie implantées sur le territoire de ladite commune mentionnées en annexe. M. D... et Mme A..., épouse, D..., qui indiquent exploiter une activité de randonnées en quad sous la dénomination " Pyrénées Roussillon Aventures " à Salses-le-Château, ont formé un recours gracieux contre cet arrêté, par une lettre du 25 août 2020, qui a été implicitement rejeté. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Salses-le-Château du 16 juillet 2020 précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune (...) ". L'arrêté en litige vise, notamment, le code général des collectivités territoriales, l'article L. 362-1 du code de l'environnement, l'article R. 163-6 du code forestier ainsi que le plan départemental de protection des forêts contre les incendies. Il mentionne la nécessité de renforcer la prévention des incendies, la sécurité et la salubrité publiques des lieux ainsi que la préservation et la protection du patrimoine naturel. Il précise qu'il y a lieu de réglementer l'accès aux différentes pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie répertoriées sur le territoire communal dès lors que l'emploi de certains appareils, matériels et véhicules peut être à l'origine de départs de feux et mentionne, en outre, la nécessité impérative de limiter la pénétration dans les massifs et de protéger ces derniers au regard des risques graves d'incendie. L'arrêté en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 août 2017 réglementant, dans le département des Pyrénées-Orientales, la pénétration et la circulation dans les massifs forestiers ainsi que l'usage de certains appareils et matériels : " En période de risque [incendie] élevé (orange) et exceptionnel (rouge) (...) concernant un ou plusieurs massifs forestiers (...), la circulation des véhicules à moteur est interdite sur l'ensemble des pistes (voies non revêtues) situées dans le ou les massifs concernés. / (...) L'interdiction énoncée ne s'applique pas aux propriétaires des biens concernés et aux occupants de ces biens du chef de celui-ci aux riverains des voies mentionnées ou personnels mandatés par eux pour assurer la gestion de leur propriété. Cette interdiction ne s'applique pas aux personnels chargés d'une mission de service public ou intervenant dans le cadre du dispositif préventif et de lutte contre les feux de forêt (...) ". Contrairement à ce que soutiennent les appelants, ces dispositions ont, eu égard à leur formulation, seulement pour objet d'interdire la circulation des véhicules à moteur sur les pistes non revêtues en périodes de risque élevé et exceptionnel d'incendie et ne concernent pas les pistes ayant le caractère de voies de défense des bois et forêts contre l'incendie, lesquelles ont, en application de l'article L. 134-3 du code forestier " le statut de voies spécialisées, non ouvertes à la circulation générale ", ce qui est au demeurant rappelé à l'article 3 de ce même arrêté préfectoral en ces termes : " Il est rappelé qu'en application de l'article L. 362-1 du code de l'environnement et de l'article R. 163-6 du code forestier susvisés, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'État, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique ". Par suite, dès lors que ces arrêtés ne portent pas sur le même objet, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté en litige, de l'article 4 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 août 2017 est inopérant et ne peut qu'être rejeté. En tout état de cause, l'arrêté du maire de Salses-le-Château du 16 juillet 2020 n'est pas pris pour l'application de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 août 2017 pas plus que ce dernier acte n'en constitue la base légale, ce qui rend le moyen également inopérant pour ce motif.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté en litige : " L'interdiction du présent arrêté ne s'applique pas aux ayants droits [sic] suivants : / - Véhicules de police ou de gendarmerie, / - Véhicules du Conseil départemental, / - Véhicules d'intervention, d'incendie et de secours, / - Véhicules d'exploitation agricole et forestière pour les besoins de l'activité professionnelle, à l'exception des quads, / - Véhicules appartenant aux chasseurs de l'ACCA de Salses-le-Château, à l'exception des quads, / - Véhicules appartenant aux membres de l'association " Ball trap ", à l'exception des quads, / - Véhicules utilisés par les propriétaires et locataires pour se rendre sur des terrains ou résidences leur appartenant desservis par lesdites pistes, à l'exception des quads ". L'article 7 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 août 2017 précité prévoit que : " Des dérogations ponctuelles à l'interdiction de circuler sur certaines pistes pourront être délivrées par le Préfet pour permettre l'accès à des sites présentant un enjeu spécifique (site touristique majeur par exemple ou manifestation exceptionnelle). La demande devra être transmise au minimum 15 jours avant la réalisation de la manifestation à la direction départementale des territoires et de la mer en détaillant l'objet, les modalités de l'intervention ainsi que les moyens de sécurité mis en œuvre ". Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté en litige, de l'article 7 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 août 2017 est inopérant et doit, dès lors, être écarté.

5. En quatrième lieu, d'une part, l'article L. 134-3 du code forestier dispose que : " Les voies de défense des bois et forêts contre l'incendie ont le statut de voies spécialisées, non ouvertes à la circulation générale. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 362-1 du code de l'environnement : " En vue d'assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'État, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. (...) ". L'article R. 362-2 du même code prévoit que : " Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions des articles L. 362-1 et L. 362-3 concernant : / 1° L'interdiction de la circulation des véhicules à moteur en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'État, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur ; (...) ".

7. Enfin, aux termes du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; (...) ". L'article L. 2213-4 du même code dispose que : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. / Dans ces secteurs, le maire peut, en outre, par arrêté motivé, soumettre à des prescriptions particulières relatives aux conditions d'horaires et d'accès à certains lieux et aux niveaux sonores admissibles les activités s'exerçant sur la voie publique, à l'exception de celles qui relèvent d'une mission de service public. / Ces dispositions ne s'appliquent pas aux véhicules utilisés pour assurer une mission de service public et ne peuvent s'appliquer d'une façon permanente aux véhicules utilisés à des fins professionnelles de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels (...) ".

8. Il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police administrative de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour prévenir la commission des infractions pénales susceptibles de constituer un trouble à l'ordre public sans porter d'atteinte excessive à l'exercice par les citoyens de leurs libertés fondamentales.

9. Lorsqu'il examine, dans le cadre du contrôle de proportionnalité, la légalité d'une mesure portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes, le juge de l'excès de pouvoir examine successivement si la mesure en cause est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

10. Il est constant que, par l'arrêté en litige, le maire de Salses-le-Château a interdit de manière permanente la circulation dans les deux sens et le stationnement de tous types de véhicules sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie situées sur le territoire de la commune, assortie d'une exception en faveur des véhicules de police ou de gendarmerie, des véhicules appartenant au département et des véhicules d'intervention, d'incendie et de secours en ce compris les quads, tout en réservant le droit d'accès des véhicules des ayants droit et en édictant, par ailleurs, une interdiction de circulation visant spécifiquement l'ensemble des véhicules motorisés de type motocyclettes, " trials " et " quads ", y compris ceux détenus par les ayants droit autorisés, de manière dérogatoire, à circuler sur ces pistes. Toutefois, dès lors que les voies de défense des bois et forêts contre l'incendie ont, par principe, le statut de voies spécialisées non ouvertes à la circulation générale, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 134-3 du code forestier, M. et Mme D... ne disposent d'aucun droit acquis à circuler sur les pistes en litige. Par suite, le maire de Salses-le-Château pouvait légalement faire usage des pouvoirs de police qu'il tire des dispositions du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 2213-4 du même code pour interdire la circulation dans les deux sens et le stationnement de tous véhicules sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie et prévoir des dérogations au bénéfice de certaines catégories d'usagers. En tout état de cause, M. et Mme D..., qui sont autorisés à y circuler de manière dérogatoire à toute période de l'année pour accéder à leur propriété, n'établissent ni même n'allèguent qu'ils seraient dans l'impossibilité d'organiser autrement leur activité professionnelle de randonnée en faisant évoluer leurs quads sur les voies ouvertes à la circulation alors qu'il ressort clairement des pièces versées au dossier et n'est pas sérieusement contesté que ces engins et leurs utilisateurs peuvent être à l'origine de départs de feu. Par suite, les appelants ne peuvent utilement soutenir ni que l'arrêté en litige serait illégal en ce qu'il ne prévoirait aucune distinction de périodes dans la survenance du risque d'incendie ni qu'il instaurerait une interdiction de circuler disproportionnée.

11. En cinquième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier

12. À titre dérogatoire, l'article 6 de l'arrêté en litige institue deux catégories d'ayants droit autorisés à circuler au moyen de véhicules sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie situées sur le territoire de la commune de Salses-le-Château figurant en annexe de l'arrêté. D'une part, cette disposition permet à l'ensemble des véhicules de police ou de gendarmerie, des véhicules du département des Pyrénées-Orientales et des véhicules d'intervention, d'incendie et de secours d'emprunter ces voies sans distinction selon le type de véhicule utilisé. D'autre part, ce même article autorise la circulation des véhicules appartenant aux ayants droit suivants à l'exception des quads : véhicules d'exploitation agricole et forestière pour les besoins liés à ces activités professionnelles, véhicules appartenant aux chasseurs de l'association de chasse de Salses-le-Château, véhicules appartenant aux membres de l'association de " Ball trap " et véhicules utilisés par les propriétaires et les locataires pour se rendre sur des terrains ou résidences leur appartenant desservis par les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie.

13. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'arrêté en litige n'instaure aucune dérogation au profit de l'association de chasse de Salses-le-Château et de l'association de " Ball trap ", dont ils ne seraient eux-mêmes pas bénéficiaires, ce qui rend le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement inopérant sur ce point. La seule différence de traitement instituée par l'arrêté en litige concerne les véhicules utilisés par des services investis d'une mission de service public, seuls autorisés à circuler au moyen de tous véhicules y compris des quads. En instaurant cette différence de traitement, en rapport avec la différence objective de situation liée aux contraintes et sujétions qui pèsent sur les forces de sécurité intérieure entendues comme les services de police, de gendarmerie et les services en charge de la sécurité civile et, de manière générale, les services investis d'une mission de service public, l'arrêté en litige peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme opérant une conciliation équilibrée entre, d'une part, les impératifs d'intervention qui sont propres à ces différents services investis de missions de service public, d'autre part, les exigences liées à la prévention des feux de forêt qui peuvent être causés par l'usage de quads et, enfin, le droit d'accès des riverains et usagers de la forêt. Dans ces conditions, la différence de traitement instituée par l'arrêté en litige dans l'utilisation des quads, qui est ainsi justifiée par la différence objective de situation dans laquelle se trouvent les différents utilisateurs de ces engins motorisés, est en rapport avec l'objet de la norme en litige et n'est, dès lors, pas disproportionnée. En tout état de cause, les appelants ne soutiennent pas qu'ils seraient dans l'impossibilité absolue d'adapter les circuits empruntés par leur flotte de quads en organisant des randonnées sur des voies ouvertes à la circulation. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté.

14. En sixième et dernier lieu, le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il lui soumette des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous les éléments permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des faits étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

15. Selon M. et Mme D..., l'arrêté en litige serait empreint de discrimination dès lors qu'il désigne spécifiquement leur activité professionnelle. S'il est constant que l'arrêté en litige mentionne, en son article 3, l'activité professionnelle de randonnées en quad gérée par les appelants, cette circonstance n'est pas, à elle-seule, de nature à caractériser une discrimination dès lors que la circulation en quads est prohibée pour tous les ayants droit autorisés à circuler sur les pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie, à l'exception des services mentionnés au point 12. En outre, par leurs seules allégations, les appelants ne soumettent pas à la cour, ainsi que cela leur incombe, des éléments de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination. Enfin, eu égard aux caractéristiques propres des pistes de défense des bois et forêts contre l'incendie et à leur statut de voies fermées à la circulation, la circonstance que les appelants ne seraient plus en mesure de pouvoir organiser des sorties touristiques en quad, à la supposer avérée, n'est pas de nature à révéler l'existence d'une discrimination illégale, les intéressés ne disposant d'aucun droit acquis à circuler sur ces voies.

16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, M. D... et Mme A..., épouse D..., ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Salses-le-Château, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Salses-le-Château et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : M. D... et Mme A..., épouse D..., verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Salses-le-Château au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme C... A..., épouse D..., et à la commune de Salses-le-Château.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00459
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Autorités détentrices des pouvoirs de police générale - Maires.

Police - Police générale - Circulation et stationnement.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SLATKIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-19;22tl00459 ?
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